Qu'est-ce qu'un écrivain aujourd'hui ? (20/06/2012)
J'aurais voulu choisir pour ce billet un titre plus accrocheur, une phrase qui soit une affirmation plutôt qu'une question. Mais depuis des semaines, alors que l'idée d'écrire sur ce sujet surgit régulièrement au cours de mes ruminations, je me rends compte que chaque réponse que je peux apporter à cette question entraîne une nouvelle série d'interrogations. Par conséquent, la forme interrogative me semble convenir assez bien à ce billet un peu mal foutu.
À défaut de trouver un titre qui claque et une idée lumineuse qui bouscule toutes les autres, empoignons le sujet par un de ses bouts, un peu au hasard, celui-qui vient le plus spontanément à l'esprit.
Un écrivain est quelqu'un qui écrit.
Oui, cela va de soi. Mais cette réponse est si évidente qu'elle empêche de vraiment comprendre la question. Dans notre monde industrialisé où la scolarité est obligatoire, 80% des gens écrivent, ne fut-ce que la liste des commissions ou des textos par tombereaux entiers. Il faut écrire pour être écrivain, on est bien d'accord là-dessus mais suffit-il d'écrire ?
Prenons un peu de recul et sortons un moment de la littérature. Dirait-on d'un architecte que c'est quelqu'un qui dessine des maisons ? Oui, certainement, mais il ne suffit pas que je dessine les plans d'un cabanon à ériger dans le fond de mon jardin pour devenir architecte. Un architecte est quelqu'un qui dessine des maisons, professionnellement, pour des clients et qui en supervise la réalisation. Voilà qui est déjà plus complet. Je lis une différence essentielle avec la première proposition : l'architecte est un professionnel, ce qui ne l'empêche ni de dessiner des plans sans se faire payer, s'il en a envie, ni de concevoir un cabanon dans le fond de son jardin. Vous voyez où je veux en venir.
Allons-y pour une seconde tentative.
Un écrivain est quelqu'un qui écrit professionnellement.
J'entends déjà les cris de récrimination parmi les lecteurs de ce blog ! Vivre de l'écriture mais c'est (au choix:)
- de la prostitution (l'art est plus beau quand on le tient à l'écart des notions mercantiles, tout le monde sait ça)
- du boulot de mercenaire (quand on écrit sur commande, on met sa plume au service d'un projet, on se compromet fatalement, on détourne le contenu pour plaire aux commanditaires, aux lecteurs, aux généreux donateurs publics)
- de l'asservissement (écrire, c'est la liberté, vivre de l'écriture, c'est donc l'esclavage).
Chacune de ces objections mériterait une réponse détaillée. Vais-je prendre le temps de le faire ? Mais oui. Pourquoi pas ? Allez, c'est parti.
Première idée reçue à démolir : vivre de l'écriture est avilissant. Les œuvres produites par pur plaisir sont d'une qualité supérieure à celles produites contre rémunération.
Alors là, je me marre. Imaginez un instant le même genre de discours sur la peinture ou la réalisation de cinéma ? Kubrick aurait réalisé de meilleurs films en amateur et Van Gogh n'aurait peint que des croûtes s'il avait vécu dans le confort. Cela ne tient pas debout.
Un écrivain qui peut consacrer tout son temps à l'écriture atteint, ne serait-ce que par l'énergie et la concentration qu'il mobilise, un rapport avec son texte tout autre que celui qui s'y met le soir, après avoir bossé toute la journée, donné le bain aux enfants et préparé le repas... Je vois mal qui pourrait contester cela. Le fait qu'on le paie pour écrire – et si possible qu'on le paie bien – n'implique pas que son travail soit moins intéressant.
Entre nous, c'est la misère matérielle qui use pour de bon un artiste. Quand on angoisse parce qu'on ne sait pas ce qu'on va bouffer à la fin du mois, quand on a les huissiers au cul, on n'écrit pas. On boit, on fuit, on fume, on broie du noir avec un moulin à café, on cherche du boulot, de l'argent, n'importe quoi pour s'en sortir. Quand on est payé pour écrire, on peut y consacrer le meilleur de soi-même. C'est du moins ce que je pense. Payez-moi grassement et vous verrez que vous en aurez pour votre argent.
Deuxième idée reçue à massacrer : le travail de commande dévoie la vraie inspiration de l'artiste. Autant dire, si l'on reprend l'exemple de la peinture, qu'on peut bazarder tous les peintres jusqu'au XIXe siècle à peu près : difficile d'en trouve un seul qui n'ait pas bossé sur commande, à la demande des mécènes, sur des sujets imposés. Portraits d'aristocrates, scènes bibliques, décorations pour les nantis de toutes les époques. Que dire alors des architectes, dont le talent précisément, se déploie quand ils parviennent à la fois à respecter les contraintes qu'ils ne maîtrisent pas et à déployer leur créativité ? En écriture, pourquoi entretient-on depuis si longtemps (ceci dit, « longtemps », dans ce cas, ça ne fait que deux siècles) le mythe de l'inspiration spontanée, romantique, qui viendrait souffler l'idée originale à l'oreille du poète et du romancier ? J'ai ma petite idée là-dessus et j'y reviendrai.
Troisième idée reçue qui me fatigue : la vraie liberté c'est écrire sans contraintes. Quelle sinistre philosophie ! Si la liberté ne se loge que là où il n'y a pas de contraintes, autant dire qu'il n'y a pas beaucoup de liberté sur cette planète. La liberté, c'est tout simplement ne pas accepter de regarder les choses comme on nous propose de les voir. C'est ma définition, du moins, mais je l'aime beaucoup. La liberté, c'est fourrer de l'imaginaire là où le commun des mortels ne voit que la réalité toute terne. Je parle d'imaginaire, d'autres utiliseront le mot poésie, je pense pour ma part que la poésie n'est qu'une des formes de l'imaginaire (mais j'accorde bien volontiers le droit à qui le souhaite d'affirmer que l'inverse est tout aussi vrai, que la poésie englobe tous les imaginaires, et, dans la foulée, de l'appeler 'pataphysique s'il le souhaite).
Je peux être libre à tout moment, en tous lieux, si je parviens à trouver un moyen de respecter les règles mais autrement. De contourner les règles en les respectant. C'est tordu mais exaltant. J'aime faire cela, je pense que c'est ce que je fais quand on me demande d'écrire un texte sur mesure. Si ce que j'écris correspond au résultat que j'imaginais avant d'écrire, c'est que j'ai perdu mon temps. Si le texte final s'est aventuré là où je ne pensais jamais mettre les pieds, alors c'est que je suis passé du côté de la littérature.
Bon, je pourrais me défouler un peu plus en profondeur sur ces trois idées que j'entends sans cesse autour de moi, mais j'ai envie d'avancer sur la question de départ : un écrivain est quelqu'un qui écrit professionnellement.
Le paradoxe, c'est que l'écrivain n'est pas considéré comme un professionnel par la plupart des gens qu'il côtoie.
Par exemple, les éditeurs. Ces braves professionnels de la fabrication et de la vente de livres considèrent qu'ils doivent rémunérer professionnellement tout le monde dans a chaîne du livre, depuis le metteur en page, les correcteurs, les attachées de presse, le coursier, le personnel d'accueil au téléphone, le distributeur, ses représentants. Tout le monde... sauf l'auteur, qui ne touchera pas de rémunération en fonction de son travail mais suivant le succès du livre (qu'il ne vend pas, je le rappelle). Vendre des livres, c'est pourtant le travail de l'éditeur et du libraire, pas celui de l'auteur. L'auteur vend des textes à des éditeurs qui les transformeront en livres, notamment, mais aussi en version radiophonique ou théâtrale, par exemple, ou encore en livre numérique, en feuilleton dans la presse, etc. C'est du moins ce qui est convenu dans le contrat d'édition classique, de plus en plus raboté par les auteurs - qui signalent, à juste titre, que les éditeurs se contentent de faire des livres et rien de plus - et étendu par les éditeurs - qui se plaignent de ne plus gagner leur vie, sans noter au passage que les auteurs, eux, ne la gagnent plus depuis longtemps.
Mais bon nombre d'organisateurs de salons du livre et de colloques littéraires, eux aussi (alors que leur métier consiste justement à créer des événements autour des auteurs et des livres, qui sont leurs deux matières premières) considèrent qu'il n'est pas nécessaire de payer un auteur pour venir signer ou donner une conférence. Aux yeux de ces drôles d'organisateurs culturels, les auteurs sont toujours en tournée promotionnelle. Même si les écrivains sont de bonne volonté pour défendre les livres qu'on édite sur base de leurs textes, ils ne sont pas taillables et corvéables à merci. Ils ne sont pas payés pour écrire, pas payés pour promouvoir leur livre, ils ne sont pas payés pour...
Ils ne sont pas payés, voilà tout.
Et, pourtant, à mes yeux, un écrivain est bien quelqu'un qui vit de son écriture. Le défi est de taille et j'admire d'autant plus tous ceux et celles qui osent le relever.
Vivre de son écriture, cela implique de faire de l'écriture le centre de sa vie. Cela implique de trouver une solution inédite au problème de la rentrée des sous. Chacun invente sa formule : on peut être rentier et avoir tout le temps du monde devant soi, simplement un peu fortuné et dilapider petit à petit son avoir, ou, plus communément, fauché et bosser comme un chameau pour s'en sortir, en combinant, comme un bon cancérologue, tous les moyens à disposition pour atteindre son objectif.
C'est cette voie que j'ai choisie. Je l'assume.
Être écrivain, à mes yeux, c'est être chef de sa propre entreprise d'écriture. La maîtriser de bout en bout.
C'est non seulement écrire mais aussi calculer, investir, réfléchir, innover, pour éviter les fins de mois qui coincent et les pannes d'écriture, les idées répétitives et les formules toutes faites, les voies trop empruntées et les déserts de solitude.
J'adore mon métier, je le trouve d'autant plus passionnant que personne n'a de recette à me donner pour me guider.
Je suis juste un peu étonné d'entendre que certaines personne se prétendent « auteur » et avouent ne pas s'intéresser à leurs contrats ni aux enjeux du numérique, ne rien comprendre à la publication en ligne ou aux droits de traduction. « Tout ce qui m'intéresse, c'est l'écriture et mes lecteurs », entend-on parfois. Comme si un architecte avouait ne pas aimer superviser des chantiers ou un cinéaste ne pas s'intéresser à la production de ses films.
Ecrire, aujourd'hui est un métier qu'il faut assumer professionnellement : cela implique de négocier les contrats, de réfléchir aux rapports de force avec les éditeurs, de trouver, une fois de plus, des solutions inventives pour se sortir indemne et triomphant des contraintes imposées. Agir en professionnel avec des propositions alléchantes pour les lecteurs, les éditeurs et les libraires. Pour les lecteurs d'aujourd'hui et ceux de demain. La tâche est titanesque, c'est pour cela qu'elle est passionnante.
Un écrivain est plus que jamais un type qui écrit et qui, comme tout bon professionnel, regarde le futur bien en face avant de lui planter son stylo dans l'œil.
Sur ce, je retourne à mes cahiers et je vous embrasse sur les deux fesses.
18:43 | Lien permanent | Commentaires (22) | Tags : écriture, écrivain, définition, syndicat, professionnalisation, nicolas ancion | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
Commentaires
Quand je suis passée tout à l'heure, j'aurais juré que les commentaires étaient fermés. Du coup, j'ai réagi sur le forum où je bloggue : http://forum.vagabondsdureve.com/t719-qu-est-ce-qu-un-ecrivain-aujourd-hui
Ca disperse un peu la conversation, sorry :P
Écrit par : Sybille | 20/06/2012
J'suis pas auteur mais OUIIIIII !!!
Écrit par : TheSFReader | 21/06/2012
Bonjour Nicolas,
C'est drôle... cette idée de vouloir catégoriser l'écrivain en professionnel ou non professionnel. Quoi qu'il n'y ai rien de honteux à vivre de son art, à mon avis, mais non plus aucune raison de ne pas en vivre, fut-ce par choix. L'écrivain du soir où il n'y a rien à la télévision connaît certainement d'autres difficultés que l'écrivain fonctionnant à la journée et rémunéré pour ce faire.
"Ecrire, aujourd'hui est un métier qu'il faut assumer professionnellement" dis-tu. Je ne pense pas qu'il faille... je crois qu'on peut le faire mais que l'on n'écrit pas moins en ne le faisant pas. La contrainte de temps et d'énergie qu'imposent une vie professionnelle et familiale est sans doute (pour citer cyrano) un carcan, mais c'est une auréole (pas une tâche sous les bras, hein !).
Ce rapport constant à l'argent (que l'on gagne, dont on est grugé, qui nous est dû...) me gêne un peu aux entournures. Si j'écris, ce n'est guère en pensant à l'argent que la chose peut me faire gagner (même si je n'ai jamais craché sur un chèque). Mon bonheur est plus grand d'être lu que d'être acheté (il faut dire que de façon générale, je ne suis pas un vendu... RUP). D'ailleurs, la plupart des choses que j'ai pu écrire ont été reprises, jouées ou déclamées sans autre rétribution que le plaisir de les voir ou de les entendre.
Enfin, il y a en effet des artistes qui ne s'intéressent que de très loin aux enjeux commerciaux dont ils sont le centre. Dans la littérature comme dans les arts plastiques ou le théâtre, je côtoie énormément d'artistes qui revendiquent le fait que la vente, ce n'est pas leur travail. C'est la raison pour laquelle ils font appel pour le côté marketing à des commerçants dont c'est le job. Aussi étonnant que ce soit, il doit exister des réalisateurs que la production n'intéresse pas. Ce n'en sont pas moins des réalisateurs...
Écrit par : Christophe | 21/06/2012
Merci, Christophe, pour cette longue réaction, qui va dans le sens de quelques autres que j'aie reçue depuis hier ici ou là, notamment avant que les commentaires ne soient ouverts ici.
Je pense que j'ai assez mal formulé l'idée qui me préoccupe : je ne prétends pas instaurer une différence de qualité entre ce qu'écrivent des amateurs et des professionnels, je n'ai pas besoin de rappeler que bon nombre de bouquins qui rapportent beaucoup à leurs auteurs (qui en vivent) sont de vraies daubes. Et que, parmi les bouquins qui m'ont marqué, un certain nombre ont été écrits par des auteurs qui avaient d'autres métiers à côté de l'écriture.
En réalité, la question est sans doute plutôt de revendiquer, pour les auteurs qui en font un métier, un véritable professionnalisme et un intérêt pour les questions qui touchent à la profession. Je pense d'ailleurs que c'est bien plus le cas pour les auteurs de scénarios de cinéma, de séries télé ou de théâtre, que le milieu considère comme des pros (et les rémunère pour leur travail) que pour les auteurs de livres, toujours traités comme des "artistes" un peu lunaires. Je sais qu'il y a du théâtre amateur et du cinéma artisanal, et que certaines productions y sont d'une qualité époustouflante, mais dans le cadre du cinéma ou du théâtre professionnel, on n'a jamais proposé à un auteur de le payer "si le film marche" ou "si la pièce fait plus de 2000 spectateurs", on finance son travail et on négocie des conditions d'exploitation en le considérant comme un partenaire à part entière.
Écrit par : Nicolas Ancion | 21/06/2012
Bravo pour l'article, j'adhère complètement.
J'ajouterai que le mythe de l'écrivain-artiste (qui fait ça pour l'art, pour la gloire posthume ou plus prosaïquement pour satisfaire son ego - mais chut, il ne faut pas le dire) est très bien entretenu par les auteurs eux-même. Par un mystère que je ne m'explique pas d'ailleurs, l'esprit de beaucoup d'auteurs n'imagine pas un seul instant changer le système, ni imposer un changement, ni même imaginer que ce soit possible de faire autrement.
Un peu comme si l'enfant qui rêvait du mythe vivant de l'écrivain-artiste maudit, se consacrant à la Littérature et vivant dans la misère, une fois devenu adulte et auteur, incarnait lui-même ce mythe, l'entretenant volontairement, sans chercher à en faire un métier qui paye le loyer et la retraite. Comme si l'image de l'auteur maudit était plus importante que son estomac... Peut-être comme si le rêve qui les faisait vibrer ne pouvait pas être aussi terre à terre que d'imposer une rémunération juste ou autre querelle de bas peuple... Après tout, l'écrivain est au-dessus de tout ça, non ? *soupir*
Beaucoup d'"auteurs" le sont parce que c'est un rêve et le vivent un peu comme un rêve : c'est pas grave s'il y a des problèmes, pas d'argent, s'ils doivent se sacrifier (un peu beaucoup) pour ça... Ils se pensent artistes parce qu'ils font un art (la littérature), mais garde à l'esprit l'image public de l'artiste: ils font ça pour la gloire de l'art.
Mais sans doute, aucun d'eux n'a croisé de véritables artistes professionnels (ceux qui peignent un tableau et affiche un prix, bref, ceux qui vivent de leur "art"), aucun des auteurs qui se fichent des questions d'argent, qui ne pensent qu'à leurs lecteurs, n'ont une vision réelle du fonctionnement des milieux artistiques où l'argent (même s'il n'est pas toujours le centre des choses) a une place importante.
De plus, il est ironique de les entendre dire qu'ils pensent uniquement à l'écriture (ok, s'ils se nourrissent de vers et boivent des rimes, à la limite, c'est leur choix...) et surtout à "leurs lecteurs" quand on sait que passer par un éditeur pour se consacrer pleinement à son métier, c'est mettre un filtre entre eux et les lecteurs. Surtout s'ils ne s'intéressent pas au numérique, surtout si les réseaux sociaux, les blogs sont des promos qui ne les intéressent pas et qu'ils laissent à l'éditeur...
Peut-être le fait de ne pas s'intéresser à la problématique du système actuel de rémunération est-il une démission volontaire pour ne pas casser le rêve des enfants qu'ils étaient, les yeux remplis d'étoiles ? Les écrivains les plus lucides que j'ai croisé sur ces questions n'étaient pas des personnes ayant eu une vocation précoce, ils n'avaient jamais rêvé depuis l'enfance de devenir écrivain et finalement avaient toujours eu une vision de ce métier assez claire et réaliste.
Écrit par : Paumadou | 21/06/2012
Merci, Paumadou, pour ce commentaire très juste. Je n'avais jamais pensé à la perpétuation du mythe mais elle fait sens. Ah, si on apprenait aux enfants qu'astronaute est une passion qui ne rapporte rien, le programme spatial européen économiserait bien des sous.
On imagine déjà la scène : "Allez, Dirk, tu seras le premier Belge dans l'espace, t'imagines pas le nombre de gens qui voudraient être à ta place. Tu voudrais pas qu'on te paie, en plus ?"
Écrit par : Nicolas Ancion | 21/06/2012
Il y a aussi une discussion avec Sybille Marchetto en récation à ce billet, sur un forum : http://forum.vagabondsdureve.com/t719-qu-est-ce-qu-un-ecrivain-aujourd-hui
Écrit par : Nicolas Ancion | 21/06/2012
Puisqu'on parle du statut de l'auteur, je pense qu'on ne peut pas être en même temps auteur et agent littéraire. C'est pourtant ce qu'on fait en France.
Pourtant les comédiens ont des agents, et cela ne choque personne. Les peintres aussi.
Écrit par : Julien | 21/06/2012
Et la tendresse, bordel ?
Cher Paumadou, pour vous citer "Beaucoup d'"auteurs" le sont parce que c'est un rêve(...) Mais sans doute, aucun d'eux n'a croisé de véritables artistes professionnels (ceux qui peignent un tableau et affiche un prix, bref, ceux qui vivent de leur "art")".
Waw, mettre si vite les auteurs entre guillemets parce qu'aucun d'eux n' croisé de véritables artistes professionnels (je n'ai pas mis les majuscules, mais j'ai cru les entendre sur un fond sonore genre MGM) me semble un peu jeter le bébé avec l'eau, etc...
Cela dit je vous rejoins dans le fait que l'auteur (l'artiste de façon générale) pratique son art pour satisfaire son égo. Par contre, je ne pense pas que ce soit chose cachée... Sauf sans doute par quelques-uns qui n'ont pas encore saisi que c'est justement leur égo qui est fondamental. Irai-je jusqu'à dire que nous vivons une époque étrange : à la fois d'un individualisme mortifère, mais en grande lacune d'égo. Oui, j'irai.
Cher Nicolas, "la question est sans doute plutôt de revendiquer, pour les auteurs qui en font un métier, un véritable professionnalisme et un intérêt pour les questions qui touchent à la profession" : tout à fait d'accord.
Écrit par : Christophe | 22/06/2012
@ Christophe:
Je n'ai pas mis de majuscules à artiste parce que j'en connais personnellement peu qui se prennent la tête avec l'Art, la Gloire, la Reconnaissance... La plupart des artistes que je connais sont des besogneux qui n'attendent pas que tout cela leur tombe tout cru dans le bec (ce qui est malheureusement le cas chez beaucoup d'auteurs)
La fameuse reconnaissance vient avec le temps (les années même) et je suis contente de voir que leur boulot acharné finit par payer (de plus, je précise qu'il s'agit d'artistes en général, il y a des musiciens, des peintres, des photographes, etc.)
Pour les "auteurs", je mets des guillemets car pour moi, beaucoup parlent de leur "métier d'auteur" (raccourci maladroit de ma part donc puisque j'ai été mal comprise) alors que la plupart n'ont jamais publié (pour ceux que je côtoie et qui parlent beaucoup), ou n'ont publié qu'un seul livre.
Peut-on dire qu'il s'agit d'un métier si l'on ne publie qu'un seul livre ?
En France, les artistes ne sont reconnus "professionnels" par l'état (et donc doivent faire toutes les démarches administratives, cotisations sociales et plus) qu'à partir du second tableau/sculpture vendus. Le premier compte pour du beurre (après tout, on a tous un côté créatif qui cherche à s'exprimer et à attendre de la reconnaissance, ça ne nous fait pas pour autant appartenir à une catégorie socio-professionelle)
Cela n'enlève en rien la qualité de l'oeuvre unique (ni la détermination à devenir écrivain professionnel), il s'agit juste de dire qu'on ne peut pas se dire "auteur" de métier si l'on en reste à un seul ouvrage publié: parce qu'on reste alors dans le côté sentimental de la création ("mon oeuvre, mon bébé", sorte de miracle dû à l'inspiration créatrice - et le mythe de l'artiste inspiré par les muses qui attend indéfiniment que le miracle se reproduise... il peut attendre longtemps) et on n'entre pas dans la rigueur de l'écriture (avec le travail quotidien, les publications régulières, une sorte de comptabilité temps/productivité qui est propre à tous les métiers - sans allez non plus vers l'hyper productivité libérale, qu'on ne me fasse pas dire ce que je n'ai pas dit)
Pour l'ego, tout le monde en a un : après il faut savoir s'il s'agit d'un ego démesuré qui aspire à la gloire, la reconnaissance par ce qu'on est "soi" et non pour ce qu'on fait (souvent associé chez les "auteurs" -je remets les guillemets puisqu'il s'agit de la catégorie définie ci-dessus - à l'impression de son nom sur une couverture de papier... ce qui est une victoire somme toute assez matérialiste, qui prouve "physiquement" qu'ils sont auteurs, qu'ils sont quelqu'un, alors qu'un auteur devrait plus se satisfaire d'être lu quelque soit le support, d'être cité, d'influencer, d'être reconnu d'une manière plus intellectuelle et beaucoup moins palpable)
ou un ego normal qui souhaite juste qu'on reconnaisse les qualités de son travail et l'effort qu'on fournit pour celui-ci (comme n'importe quel employé dans son boulot)
@Sybille (en réponse au forum où on ne peut pas répondre sans s'inscrire - c'est aussi ça qui est bien sur les blogs ;) ) :
Un ebook coûte de l'argent si l'on veut un fichier de qualité (et les éditeurs ne créent pas de sous-entreprise : ils se font avoir par des imprimeurs qui se spécialisent dans la création d'ebook et vendent ces prestations à prix exorbitant, pour un encodage parfois à la limite de l'indécence)
Je suis d'accord pour dire que 10% sur les publications numériques, c'est totalement injustifié (parce que les coûts de corrections, mise en page intérieure et graphique de la couverture, sont amortis avec la version papier), et que les auteurs ont raison de se mobiliser contre cette politique (même si ils devraient autopublier en numérique, ce qu'ils ont parfaitement le droit de faire s'ils n'ont pas signé d'avenant numérique à leur contrat, pour réagir au mur imposé par les éditeurs sur la négociation des droits numériques)
Pour la manière de rémunérer les auteurs : il y a des coûts fixes au lancement d'un livre, l'achat à juste prix d'un manuscrit devrait en faire partie, comme le coût de l'imprimeur, du correcteur et de la femme de ménage. Après tout, les éditeurs misent sur un texte, c'est qu'ils estiment qu'il est assez bon pour se vendre, non ? Donc c'est juste une prise de risque très limitée, c'est après tout à eux de rentabiliser cet investissement (et pas à l'auteur de ramer pour faire sa promotion, parce que l'éditeur a oublié son livre dans un coin)
Cela responsabiliserait beaucoup plus les éditeurs : car ils seraient dans une obligation de résultat, au lieu d'être dans une obligation de moyen (tout peut se vendre, il suffit d'en faire la promotion !)
Écrit par : Paumadou | 22/06/2012
Chère Paumadou,
Je fais partie, si je dois suivre votre définition, de ces "auteurs professionnels" par le nombre des publications, on ne pourra donc pas me taxer de grand frustré lorsque j'affirme être assez horrifié par le mépris qui me semble se dégager de vos propos. Personnellement, si je côtoie beaucoup d'auteurs (et bon nombre d'autres artistes, c'est un peu mon métier), amateurs ou professionnels, je n'en vois que peu qui se revendique de quoi que soit. A part lorsque quelqu'un le leur demande précisément, bien sûr.
"La plupart des artistes que je connais sont des besogneux qui n'attendent pas que tout cela leur tombe tout cru dans le bec (ce qui est malheureusement le cas chez beaucoup d'auteurs)"... Sérieusement ? Mais où les trouvez-vous ces misérables ? Allons, entre les "besogneux" et ceux qui attendent que tout ça leur tombe dans le bec", vous ne fréquentez pas des gens simples qui ont une démarche, une parole, quelque chose à dire (quelque soit le média qu'ils travaillent) et qui le font dans une sincérité qu'on ne peut soupçonner de mythomanie aîgue ?
Personnellement, je connais autant d'imbécile, de malhonnête, de prétentieux chez les artistes que dans n'importe quelle catégorie de population (un peu plus chez les politiques, je l'avoue, mais c'est sans doute nécessaire au métier ;-)
Quant à l'égo, je revendique (haut et fort) un égo énorme ! J'affirme qu'il est nécessaire pour se lever, seul sur une scène ou devant une société, et dire quoi que ce soit. Sans cet égo, j'affirme que rien ne se passe. Mais ne mélangeons pas tout : un égo fort n'est pas le signe d'une personnalité en recherche de reconnaissance ou de publicité. Un égo fort peut être tout le contraire (et l'est souvent). Tiens l'abbé pierre (vous savez ce curé très connu décédé il y a quelques temps) était l'exemple même d'un égo sur-dimensionné. Je ne pense pas qu'on puisse le taxer de ne vouloir être reconnu que pour lui-même. L'égo n'est pas l'égoïsme que l'on entend communément.
Bien à vous,
Écrit par : Christophe | 22/06/2012
Sachez qu'il n'y a aucun mépris dans mes paroles (c'est assez mal me connaître, je respecte tous les avis et tout le monde, même si je ne suis pas forcément d'accord, tant que l'on me respecte moi et ma parole.)
Besogneux= oui, ils ont fait des trucs ingrats (bosser pour trois ronds, faire des séries de toiles pas franchement innovantes mais qui était "ce que les gens demandaient", sans conviction, et qui payaient la bouffe, enchaîner les concerts pour 3 spectateurs parce que les organisateurs avaient pas fait de promos ou mal choisi la programmation, les insultes des gens "mieux placés", les rancoeurs de certains qui n'aimaient pas voir des gens ne provenant pas de leur petite cour, etc.) et pour au final continuer à vivre de leur métier et finir par être reconnu pour ça. Qu'ils aient ou non des idées à transmettre (on peut avoir des oeuvres fortes avec des idées à transmettre et des oeuvres "plaisantes" qui ne cherchent qu'à distraire)
Ce sont des gens durs à la tâche, que je respecte profondément, qui s'accrochaient envers et contre tous, et qui ont vu leur situation s'améliorer avec le temps, leur travail s'en tirant beaucoup mieux (oui, parce qu'ils avaient enfin de quoi vivre, ce qui les laissaient beaucoup plus libre de créer selon leur envie, et une reconnaissance en tant qu'artistes, nous revenons au questionnement premier de cet article)
L'ego fort tel que je le vois (pour l'abbé pierre pour citer votre exemple) n'est pas l'ego envahissant. Il s'agit plus d'une force de caractère que d'ego d'ailleurs : savoir se dresser sur une scène et gueuler sa rage dans un but (dénoncer une injustice, faire passer une émotion, etc.) c'est avoir une force de caractère, ce n'est pas une question d'ego. On peut le faire avec un ego normal ou même petit: il suffit d'avoir les tripes pour se lancer, de passer l'instant décisif qui vous fait basculer de la peur au courage.
Mon avis est qu'il faut bien faire la différence entre l'ego (qui ne concerne que soi-même, son estime de soi, la reconnaissance que l'on a de soi) et le caractère qui nous permet de défendre nos idées, nos convictions, nos propos, notre travail auprès des autres.
On peut avoir un petit ego (être modeste, sans cesse douter de soi, ou tout autre fait qui rend l'ego "petit dans l'idée générale) et ne pas se laisser piétiner quand quelqu'un vient contredire votre propos. On peut aussi avoir un ego "mal placé" (ou envahissant, énorme,etc.) et considérer que chaque attaque sur les idées développées est une attaque personnelle (ce qui est rarement le cas).
(ceci est dit sans mépris, sans jugement, sans aucune attaque personnelle : je précise car j'ai remarqué que sur internet, une idée remise en question était très vite prise pour une attaque personnelle, un refus de dialoguer ou tout simplement un ton péremptoire. Je ne fais qu'exprimer mon avis afin d'ouvrir la discussion, on ne peut pas tous être d'accord sur tout, c'est intéressant de comparer les points de vue. ;) )
Écrit par : Paumadou | 22/06/2012
Merci Nicolas d'avoir initié cette discussion. C'est vraiment un sujet très important. Je vais essayer d'y ajouter mon petit grain de sel, en espérant que ça apportera quelque chose de constructif.
Moi j'aimerais en revenir à la question économique et reprendre la discussion en partant des métiers de la culture (les institutions culturelles, musées, salles de concert, festivals etc.) Je sors ainsi du cas précis de l'écrivain mais je crois que tout est lié. Selon ma propre expérience professionelle dans les milieux culturels en Belgique, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni (je ne parle pas du tout de la Turquie car ça compliquerait encore plus la discussion), il y a un véritable problème quand il est question de gagner de l'argent avec la culture et en travaillant pour la culture. Il y a souvent ce sous-entendu que comme c'est très "chouette" de travailler dans la culture - quel que soit le poste! - c'est normal d'être payé peu et de travailler énormément (mais c'est ta passion! Et en plus, on peut aller gratuitement aux événements, c'est pas super ça!) Sauf que ça n'aide pas à affirmer qu'au-delà du "chouette" ou "quelle chance de pouvoir faire ce qu'on aime", ça reste un boulot et il faut être le plus professionel possible pour que ça fonctionne bien. Et qui dit professionnel, dit aussi salaire adapté aux compétences de l'individu et au travail effectué (+ professionalisation aussi, ce qui implique formations et développement professionel tout au long de sa carrière). À cela s'ajoute le climat économique actuel dans de nombreux pays où les politiques coupent massivement les subsides. Tout ce climat pousse les acteurs de la culture; artistes, auteurs, directeurs d'institutions, professionels de la communication et j'en passe... à réfléchir à de nouvelles façon de gagner de l'argent pour la culture. (Je n'entre pas dans la discussion du rôle de l'état dans la culture, du niveau d'importance des subsides etc... c'est un tout autre débat, je file directement à certaines conséquences de ce contexte afin d'essayer de comprendre pourquoi il y a un problème financier lié aux métiers de la culture).
Revenons à l'auteur, lorsqu'il est invité à promouvoir son travail dans des lieux de culture (festivals ou autre), souvent il ou elle n'est en effet pas payé. Tous ses frais sont payés (c'est la moindre des choses), mais rien de plus. Or, être présent à un festival signifie qu'on ne travaillera pas sur autre chose pendant quelques jours et donc on ne gagnera pas d'argent du tout, mais le loyer et les autres frais continueront de rentrer. Souvent, c'est une simple question d'argent (et je le sais pour avoir organisé ce type d'événement), le festival ou l'organisation culturelle en question n'a simplement pas les moyens de payer des prestations... Mais l'erreur est peut-être là, dans la façon dont les budgets sont planifiés. Peut-être le mieux est d'inviter moins d'auteurs mais de les payer ? Peut-être que toutes les activités ne doivent pas ête gratuites non plus ? (ici aussi, on pourrait entrer dans la discussion du public mais c'est encore un tout autre débat, il influe certainement sur la question du métier d'écrivain mais je ne trouve pas la place pour développer le sujet ici).
J'espère que je ne suis pas trop sortie du sujet qui était clairement sur le métier d'écrivain, mais je crois sincèrement qu'un changement de mentalité doit s'effectuer dans les métiers liés à la culture et ça inclut les métiers liés au livre. Il n'y a pas de honte à gagner sa vie de sa plume, de sa créativité. Il y a aussi d'autres moyens de gagner sa vie de son écriture : animer des ateliers par exemple, faire des lectures-performances, ou simplement proposer ses textes en dehors de la culture (beaucoup d'artistes et d'auteurs travaillent dans la pub ou font du journalisme ou encore dans le privé)... Pourquoi pas ? Chaque auteur, chaque artiste, chaque professionel créatif possède des atouts "vendables" (c'est peut-être moche comme terme mais c'est une réalité), il faut que chacun trouve ce qu'il ou elle peut et veut faire. Ainsi, l'auteur et l'artiste devient un "entrepreneur". C'est le cas ici au Pays-Bas. Je suis considérée comme "Onderneemer" (entrepreneur) ou encore "Zelfstandig Zonder Personeel - ZZP" (indépendant sans employé), et j'ai légalement les obligations de tout entrepreneur. Je peux vous dire que ça pousse à réfléchir aux différentes façons de travailler afin de gagner sa vie. C'est parfoit frustrant quand on veut juste créer, mais personnellement j'essaie de trouver le bon équilibre.
Avec tout celà, ce que j'essaie de dire c'est que tout travail mérite salaire, aussi quand on est dans les "industries créatives" (ben oui, ce sont des industries, on le dit sans problème pour le cinéma pourquoi pas pour le livre...). Et je vous invite à regarder cette vidéo (en anglais) de Mike Monteiro, F*ck you, Pay me! http://vimeo.com/22053820
Écrit par : Canan | 24/06/2012
Bonjour,
j'avais écrit un article dans le même esprit (mais en anglais) il y a quelque temps : Why writing CAN (and must) be a career. http://asiamorela.wordpress.com/2011/05/10/why-writing-can-and-must-be-a-career/
Ça me ferait quand même plaisir qu'on arrête de cracher sur les éditeurs. À chaque fois que mon entourage m'interroge sur la façon dont je compte faire de l'argent avec ma maison d'édition, je dois leur avouer avec un peu de gêne que cela n'est pas prévu dans le budget, car 100 % des bénéfices sont reversés aux auteurs. Moi, en attendant, je bosse à côté et ce n'est pas demain la veille que j'arriverai à vivre de l'édition.
Tu serais peut-être aussi intéressé de savoir que je suis dans une impasse vis-à-vis de tout ce fameux "monde dans la chaîne du livre", car je refuse ouvertement de payer un correcteur plus cher qu'un auteur (par exemple). C'est vrai, j'ai payé l'hébergeur web à l'avance, mais il faut dire que ce n'était pas cher... À tous les autres, j'ai demandé d'accepter d'indexer leur rémunération à la hauteur des recettes, car je ne peux tout simplement pas distribuer de l'argent qui n'existe pas.
Le pire qui peut arriver à un auteur édité est de ne gagner aucun argent, mais au moins il n'a pas de raison d'en perdre. L'éditeur reste la seule personne qui prend tous les risques financiers et s'endette pour essayer de faire gagner de l'argent à ses auteurs. À ce propos, mon projet est issu d'un questionnement bien précis : comment les écrivains peuvent-ils vivre de l'écriture ? Je crois en avoir trouvé une réponse (qui attend néanmoins encore son test grandeur nature), mais la question de savoir comment les éditeurs peuvent vivre de leur travail reste, elle, entière. En tout cas, ne nous bashez pas trop : nous sommes tous et toutes dans la même galère.
Écrit par : Jeanne | 24/06/2012
Désolé pour le double commentaire, une idée vient de me traverser l'esprit qui me permet en même temps de ne pas rester sur cette note un peu Caliméro, LOL.
Tu parles d'auteurs qui ne seraient pas rémunérés pour leur travail, mais à part dans le cas de la micro-édition que j'ai illustré plus haut et où PERSONNE n'est rémunéré à l'avance, ou si peu... Eh bien, d'où tiens-tu tes chiffres ? Bien sûr, on sait que les éditeurs sont parfois chiches sur les pourcentages et les avances, voire qu'ils tricheraient dans leurs relevés de ventes (pas une première dans le monde de l'entreprise), mais la règle chez un gros éditeur est de payer l'auteur dès approbation, non pas d'un manuscrit, mais d'un synopsis/projet ! Tout contrat d'édition prévoit aussi que l'auteur touche des cachets pour diverses participation à des salons ou à des conférences.
Encore une fois, que tel éditeur roublard essaie d'y couper, cela arrive sûrement, mais il ne faut pas dire que ces diverses rémunérations ne sont pas prévues, ou qu'il s'agit d'une question de principe ou de considération ! En PRINCIPE, un auteur "pro" (c'est-à-dire édité par une maison d'édition qui génère elle-même du profit) touche une avance de quatre à six chiffres avant même d'avoir terminé son manuscrit. Cela ne signifie pas qu'il soit facile de vivre de l'écriture, cela reste un marché dur, mais dire que les auteurs sont mal traités par rapport aux travailleurs en général dans le système capitaliste me paraît au mieux exagéré, au pire inexact.
Écrit par : Jeanne | 24/06/2012
Bonsoir Jeanne, merci pour vos deux commentaires denses.
Je réponds très vite sur le dernier point : un roman, c'est en moyenne une année d'écriture. Une juste rémunération serait donc 12 mois de SMIC au minimum. Quel auteur en France touche un minimum de 12000 EUR d'à-valoir de la part des éditeurs professionnels pour un roman ? La liste est très courte et ce sont, dans tous les cas, des auteurs dont le roman précédent a déjà rapporté plus de cette somme.
En revanche, les éditeurs professionnels ne touchent pas le SMIC, les attachés de presse et les graphistes non plus. Je n'attaque pas la profession d'éditeur en écrivant cela, je pose de simples constats. En cinéma, un scénario de scénario représentant en moyenne une année de travail pour les scénaristes, tous les producteurs réservent au minimum une enveloppe de 25000 EUR pour le scénario. Ils ne produiront pas un film s'ils n'ont pas de quoi payer le scénariste.
Enfin, pour remettre les choses en perspective, l'éditeur ne finance pas tous les coûts du livre, il n'avance pas tous les risques sur fonds propre s'il n'inclut pas le salaire de l'auteur... C'est l'auteur qui, lors de l'écriture, mise son temps (apport en nature) dans le travail éditorial. Sans sa prise de risque (au double sens du terme), l'éditeur même le plus téméraire n'aurait de toute façon aucun risque à prendre. Il lui faut bien un texte, pour investir ses sous.
J'aime beaucoup les éditeurs, je travaille régulièrement avec 8 éditeurs différents. La réflexion tente ici de dépasser les points de vue habituels pour, avec un peu de recul, imaginer comment on pourrait arriver à une chaîne du livre professionnelle qui inclurait l'auteur.
Vous disiez que vous aviez une solution, Jeanne, je suis très intéressé, bien entendu (et je ne l'ai pas encore trouvée sur votre blog).
Encore merci pour vos commentaires !
Écrit par : Nicolas Ancion | 24/06/2012
excellent article, je fais suivre
Écrit par : Martin | 25/06/2012
"la règle chez un gros éditeur est de payer l'auteur dès approbation, non pas d'un manuscrit, mais d'un synopsis/projet ! Tout contrat d'édition prévoit aussi que l'auteur touche des cachets pour diverses participation à des salons ou à des conférences."
Malheureusement non. Peut-être dans 1% des cas.
Mais oui la manière dont les éditeurs traitent les auteurs n'est pas différente de celle dont les patrons, le système capitaliste, traite la plupart. Il reste qu'il y a des éditeurs formidables. Mais ceux des grandes maisons sont salariés, et ne sont pas tendres et pas toujours honnêtes quand il s'agit de contrat et de négociation.
Parler du professionnalisme est important. Les auteurs doivent lire leurs contrats, les discuter. Sinon, comme dans tous rapport de force, leur condition va se trouver insitutionnellement fragilisée. Je connais des dessinateurs à qui on fait comprendre que leur travail est une sorte de hobby à faire sur leur temps libre. Beaucoup de dédain.
Écrit par : Martin | 25/06/2012
Bonjour
Grande question sur laquelle je me suis penchée un jour de grand vent où j'avais les boules... qui rejoint par certains aspects votre point de vue.
Si le coeur vous en dit, voici le lien :
http://www.culture-chronique.com/chronique.htm?chroniqueid=389
cordialement et bonne journée, Mélanie
Écrit par : Mélanie talcott | 29/09/2012
Coucou à toi, je souhaitais commencer en disant que j'aime énormément ce blog ! :D
Malheureusement je crois avoir un très lèger embêtement car le menu semble un peu décalé vers le bas sur mon pc !!
Au revoir.
Écrit par : Achat panneau solaire | 13/10/2012
Amusant votre article, mais pas d'accord sur le point de l'écrivain professionnel, tout premier livre est écrit par un non professionnel non ?
Maryline
Écrit par : Location bungalow Guadeloupe | 21/11/2012
Bonjour, je lis votre article (conseillé sur un réseau) vieux d'un an et je m'aperçois que rien n'a changé. Et pourquoi cela changerait-il ? Suffit-il de poser une question pour que le monde tremble ?
Non ! Il y a des métiers qui rapportent et d'autres pas. Une caissière ne gagnera pas grand chose, une femme de ménage non plus et les pauvres elles sont corvéables à merci, travail pénible ... Qu'est-ce en comparaison de l'auteur même tout petit qui dédicace avec bonheur ? Et s'il s'est auto édité les comptes sont vite faits.
Votre article m'a fait un peu sourire, un peu grincer des dents car certaines vérités ne font pas plaisir et surtout je me suis sentie en marge car oui j'ai peur du numérique, oui je n'y connais rien, oui je suis de l'ancienne génération et donc le Net c'est pas très net pour moi. Et alors ? Je vis bien sans.
Le seul point positif dans tout ça c'est que vous mettez en parallèle le métier d'architecte et celui d'auteur. Mais un auteur EST un architecte. Et je suis fière de l'être. Quoi auteur ou architecte ? Les deux mon bon monsieur ! Allez mon devoir m'appelle ... Enfin je veux dire mon futur best seller ! (rire)
Écrit par : annette Lellouche | 11/07/2013