Quand un OUI voté à l'unanimité cache des NON mal déguisés (24/12/2008)
Le conseil communal liégeois, tenu lundi dernier, a voté à l'unanimité la mise sur pied d'une consultation populaire sur la question : "Voulez-vous que votre ville soit capitale européenne de la culture en 2015 ?" Un événement salué par tous. Une unanimité étonnante, pour le moins inattendue, qui a donné lieu à des cris de joie dans l'assistance et de beaux articles de presse.
La question de fonds demeure tout de même... Comment expliquer ce revirement de la part de la majorité ? La victoire de la rue sur la Violette ? La pression populaire qui l'emporte enfin ? C'est l'explication officielle (enfin, on ne parle pas de revirement du côté d ela majorité: on explique que le projet a toujours été vu d'un très bon oeil, que la manière n'y était pas et que, lundi, tout était clair, puisque les Liégeois sont pour, on fonce...). On a même déjà chargé la Commission culturelle de plancher sur le dossier de candidature. Ce n'est pas bon signe, ça ?
Si, bien sûr...
Sauf quand on découvre sur le blog d'un membre de cette commission, membre du groupe socialiste, un argumentaire en bonne et due forme pour expliquer pour quelle raison il votera NON le jour de la consultation populaire.
En résumé, l'un des types chargés de monter le dossier de candidature n'y croit pas lui-même.
Pas grave, le projet est piloté par l'Échevin de la culture, me direz-vous ? Mais lui, c'est pire encore, il est dans l'asbl qui pilote Mons 2015... Il l'a peut-être oublié, lundi soir ?
J'ai voulu réagir sur le blog d'Hassan Bousetta mais les commentaires ne marchent pas car ils sont modérés par le blogueur lui-même et sa boîte mail est pleine. Faute de mieux, je me suis décidé à poster ici mes commentaires. Je trouve dommage qu'on ne puisse pas donner son avis sur place, mais on se contentera de ce qu'on a pour le moment.
Monsieur Bousetta,
Merci de prendre le temps d'exprimer le fonds de votre pensée de façon argumentée. Il est intéressant de lire enfin les arguments des détracteurs de la candidature de Liège. Ils sont maigres, à vous lire, ils ne reposent sur rien de bien solide.
Entre nous, dénigrer les pétitions en ligne, c'est un peu léger, dans le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui - qui est aussi celui qui vous permet de publier ce billet cet après-midi, la meilleure preuve est que la pétition de Liège 2015 a accouché de la première demande de consultation populaire dans une grande ville, ce qui est un exploit.
Toujours entre nous, les délais serrés qui vous semblent mettre à mal la candidature de la Cité Ardente sont fixés par une ministre de votre parti, qui pourrait très bien vous aider si vous cherchiez à la convaincre au lieu de vous servir de ses décisions comme prétexte à l'inaction.
Toujours entre nous, préférer voter non parce qu'on a peur de la gueule de bois du lendemain si le projet est refusé, ce n'est faire preuve ni de beaucoup de courage ni de volonté politique. Avec un prétexte comme celui-là, on peut ne rien entreprendre du tout pendant toute la législature...
Je relève tout de même une contradiction inexpliquée dans votre argumentation. Vous reprochez au collectif de ne pas avoir de projet culturel pour se présenter comme capitale culturelle et vous, sans avancer le moindre projet non plus, vous jugez bon d'augmenter de façon linéaire les budgets de la culture d'ici 2015. Vous adoptez la même attitude que vous déplorez chez les porteurs de l'initiative Liège 2015... Pouvez-vous me donner plus de précisions sur vos projets culturels et les affectations prévues pour ces nouveaux budgets ? Je serais ravi de vous lire à ce sujet.
Je reste convaincu qu'il y a bien des idées à développer pour Liège 2015. Il faudrait peut-être aller les chercher ailleurs que dans les cercles habituels...
Pour terminer, je suis pour ma part très admiratif d'un collectif qui a lancé une démarche pareille au nom de principes démocratiques et non pour pousser un groupe artistique ou l'autre et obtenir des moyens supplémentaires pour quelques délaissés. On peut augmenter les budgets tant qu'on veut, on laissera toujours des gens sur le côté. On peut dire NON tant qu'on veut et lancer des consignes de votes massives, on n'empêchera pas les citoyens lucides de se dire que derrière ce NON il doit y avoir des arguments un peu plus pesants que les poids légers que vous citez ici. Mais je peux me tromper, bien entendu, j'en ai même l'habitude et je l'assume ;-)
Une question essentielle se pose tout de même à présent, après avoir lu votre argumentation en faveur du NON.
Le Conseil communal vous a chargé, hier, en tant que membre de la commission culture, de préparer dès à présent la candidature de la ville, pour le cas où les Liégeois voteraient pour...
Je crains le pire quand je vous lis. Vous partez battu. Vous n'avez même pas l'envie de réussir.
Comment a-t-on pu vous confier une tâche pareille ? Comment avez-vous pu l'accepter, en tant que membre de la Commission culture ? Ne devriez-vous pas, si vous pensez ce que vous avez écrit sur votre blog, démissionner de la Commission culture et céder la place à un autre conseiller qui croit, ne fut-ce qu'un peu, aux chances de la Cité Ardente dans ce dossier ? Des bénévoles se sont déjà mis au travail depuis plusieurs jours pour rassembler des idées et proposer du concret à votre collègue échevin. Je fais partie de ceux-là. Je trouve que le premier signe de respect, si vous ne croyez pas à la candidature de la ville, est de faire un pas de côté et laisser les enthousiastes défendre le dossier.
Merci pour votre réponseet joyeux Noël !
Cordialement,
Nicolas
En illustration : les 600 Franchimontois volent au secours de Liège 2015
14:26 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : liège 2015, liège, consultation populaire, unanimité, politique, culture | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
Commentaires
Ma réponse à Hassan Boussetta:
Bonjour Hassan,
Ta prise de position me surprend à plus d'un titre.
La première raison, et non des moindres, est que pendant cette longue épreuve de recueil de signatures, tu as prétendu plus d'une fois être « de notre côté » et vouloir nous aider. Cela n'était-il qu'un stratégie d'infiltration digne des meilleurs films d'espionnage?
Plus sérieusement, tu dénonces à plusieurs reprises le manque de « projet » émanant du collectif. Nous avons toujours déclaré que notre rôle se limitait à poser le débat sur la place publique (ce que certains ont bien pris soin de nous empêcher de faire).
Gouverner, c'est prévoir. Si le dossier introduit ne tient pas la route, ce sera uniquement la faute des autorités communales. Nous avons plus d'une fois prévenu que nous aurions les signatures, que la consultation aurait lieu et donc qu'un projet devait être monté.
Toute autorité qui se respecte aurait dû, au moins à titre conservatoire, démarrer le dossier.
Je te signale tout de même qu'un projet, nous en avons ébauché un. Il se trouve sur liege2015.eu.
Quoiqu'il en soit, nous voulons évidemment que le dossier soit solide, pertinent et porteur pour Liège. Et vous pouvez compter sur nous pour y arriver.
Autre chose, sans entrer dans les polémiques partisanes qui, malheureusement, ne tarderont pas à refaire surface (et c'est déjà le cas sur ton billet), TOUS les partis se sont déclarés en faveur de la consultation. Ne pourriez-vous pas, un jour dans ce pays, vous mettre tous autour d'une table pour discuter de l'intérêt commun de votre ville????
Concernant le titre de capitale européenne de la culture, il est bien évident que cela ne doit pas être un feu d'artifice d'une année. Aucun dans le collectif ne se serait battu pendant des mois pour cela. Ce que nous avons toujours défendu c'est une vrai politique culturelle pour Liège. 2015 n'est pas une fin, mais un moyen. Preuve que nous avons au moins réussi à faire prendre en compte la culture par les décideurs, c'est la pléthore de projets (tu reproches à notre projet d'être « vide », je peux renvoyer la balle...) annoncés à grands renforts médiatiques par le bourgmestre.
Certains des critères de sélection au niveau européen sont la pérennité du projet, l'implication des acteurs de terrains, l'avant et l'après capitale,.... Tout cela doit pouvoir s'inscrire dans une politique culturelle à long terme pour Liège, ce qui réfute l'argument des financements détournés au profit de 2015. Il suffit d'inscrire la politique culturelle de la ville dans le cadre de 2015. Ne laisser personne sur le bord de la route, c'est une question d'ambition politique. Impliquez les acteurs culturels (institutionnels ou non) dans le projet. Libre à eux de ne pas s'y associer, mais ne partez pas battus!
De plus, si nous sommes sélectionnés en juin pour le deuxième tour (et nous le serons), les moyens financiers suivront. Tu sais aussi bien que moi que ce ne sera pas Liège qui amènera le plus de fonds. A vous de faire en sorte que la Communauté française nous délivre les mêmes moyens que Mons, il y aura les budgets européens (un ratio existe entre ce que la Ville amène et l'Europe, à vérifier), et bien évidemment des fonds privés.
Lille, ce sont 6€ de retombées économiques pour 1 € investi (chiffres vérifiables). Liège n'a-t-elle pas besoin de cela?
Dernière chose, tu fais partie de la commission culture en charge du dossier. Ta prise de position t'empêche de prendre part de manière constructive au projet. Je te demande donc de laisser ta place à quelqu'un qui aura le courage, ne serait-ce qu'un peu, de défendre sa ville.
Partir battu, se dire que la défaite sera difficile à digérer, .... Tout cela dénote d'un profond manque d'ambition politique. C'est triste.
Je tiens à préciser que je parle en mon nom propre, et pas au nom du collectif.
Je reste bien entendu ouvert au débat.
Bonnes fêtes de fin d'année.
Raphaël Pilette
Écrit par : Raf | 26/12/2008
Merci, Raf, pour ce commentaire bien argumenté. J'ignorais qu'Hassan Bousetta avait dit être à vos côtés au moment où la pétition n'était encore qu'un projet...
Cela ne fait que renforcer l'impression que derrière ce soutien affiché et unanime se cache un torpillage en douce du projet...
Raison de plus pour y croire doublement !
Écrit par : Nicolas Ancion | 26/12/2008
Bonjour,
J'ai préparé une longue réponse à l'interpellation de N.Ancion. Je vais la poster ce soir. Elle répond aussi directement à la tienne, Raph. Mais je ne peux pas te laisser dire n'importe quoi. Ce que tu fais n'est pas correct. Quand t'ai-je tenu de tels propos? C'est tout à fait incorrect de procéder de la sorte. Je n'ai jamais eu la moindre conversation avec toi sur le sujet. Je ne sais pas quand j'ai dit que je voulais aider le collectif mais je sais quand j'ai dit aux porteurs de la pétition que je ne la signerai pas, y compris devant journalistes à la soirée du Hangar. Il faut cesser de voir malice ou de croire au grand complot chez ceux qui tout en partageant votre engouement citoyen pour la culture ne partagent pas la focalisation exclusive sur 2015. Combien de fois n'en a -ton pas discuté sans aucune ambiguité avec Stephane et Alain. Je leur avais même dit qu'à tout prendre, je préférais le projet de Forum universel des cultures.
Désolé, Raf, mais tes insinuations volent très bas. Sur le fond, je vous renvoie à la longue argumentation que je développe suite au post de Nicolas Ancion
Bonne journée
Hassan Bousetta
Écrit par : Hassan Bousetta | 27/12/2008
Vivement ce soir, comme on disait jadis sur RTL ;-)
Écrit par : Nicolas Ancion | 27/12/2008
Cher Nicolas Ancion,
Merci pour votre réaction concernant mon post au sujet du dossier Liège 2015 et de la capitale européenne de la culture. Vous m’interpellez sur une série de points précis. J’y réponds volontiers. Même si je partage un grand nombre de vos appréciations, je constate, à vous lire, que je dois effectivement procéder à quelques clarifications. J’en profiterai aussi pour poursuivre le débat sur quelques points complémentaires.
Avant de tenter de vous répondre, je dois préciser que je me suis exprimé, et que je continue à le faire ici, à titre tout à fait personnel. Je le fais d’initiative, donc sans avoir été mandaté. Ceci doit être tout à fait clair entre nous car ce que je dis n’engage ni mes collègues du groupe des conseillers socialistes, ni le PS et encore moins le collège. Je pense d’ailleurs qu’en toute logique le collège ne devrait pas défendre la même position que la mienne. J’imagine que s’il avait voulu défendre l’abstention, la non-participation ou le « non », il aurait laissé s’enclencher la procédure de la consultation populaire d’initiative citoyenne puis procédé à un recomptage des signatures. Bref, il aurait gagné du temps. Or ce n’est pas ce qu’il a fait. Il a, au contraire, opté pour une consultation d’initiative communale. Et on imagine mal un collège quel qu’il soit venir sous les feux de la rampe solliciter de sa population et d’initiative un avis négatif sur un titre européen de prestige.
On ne peut donc pas dire que les autorités de la ville n’ont pas entendu l’appel citoyen. Personnellement, je le répète, je suis favorable à la consultation populaire sur la question précise soutenue par les 22 000 Liégeois-es. Avec la seule petite réserve que j’aurais trouvé plus normal de laisser aller la procédure de la consultation populaire d’initiative citoyenne. Mais fallait-il pour cette nuance rompre l’unanimité du Conseil ? Non, assurément. Pour autant, il n’y a, je crois, aucune ambigüité sur le sujet de ma part. Le titre de votre post (« Quand un OUI voté à l’unanimité cache des NON mal déguisés ») prête à confusion. On peut recueillir l’unanimité sur le principe de consulter la population et exprimer – avouez-le, de manière fort peu déguisée tout de même – une opinion négative sur l’objet du référendum.
Par ailleurs, il ne s’agit pour personne de prêcher contre sa ville, ses artistes et son milieu culturel. Ce serait un comble ! Je partage, Monsieur Ancion, votre admiration pour ce que le collectif à réalisé comme prouesse citoyenne. Il me semble que si nous visons probablement le même objectif de rehausser notre politique culturelle, nos positions divergent sur le plan des moyens. En prenant publiquement cette position, dont je sais à l’avance qu’elle ne sera pas populaire, j’essaie de faire correctement mon boulot d’élu, c'est-à-dire de faire preuve d’anticipation sur le déroulement des choses – ne dit-on pas d’ailleurs que gouverner c’est prévoir ? [@Raph : désolé, j’avais écrit ceci avant de te lire] – ; ce qui implique bien entendu aussi une évaluation un tant soit peu réaliste de notre propre capacité à influencer le cours des événements vers l’objectif souhaité. Pour moi, il ne faut pas en venir à sacraliser le titre de capitale européenne de la culture. D’autres initiatives de dimension internationale sont possibles à Liège à l’horizon 2015. Certaines moins coûteuses, certaines moins contraignantes du point de vue timing et certaines plus originales. Car si, comme je le crains, nous n’obtenons pas la capitale européenne de la culture, une grande partie des efforts déployés l’aura été en vain et il faudra reprendre tout à zéro dans un rapport de force moins favorable face à la Communauté française.
Selon mon point de vue, la ville serait dans une meilleure posture si la question avait été plus ouverte. Si nous avions par exemple demandé quelque chose comme: « Souhaitez-vous que la ville de Liège organise un événement culturel majeur, multi-disciplinaire et de dimension internationale en 2015 ? », nous ne serions pas enfermé dans un carcan aussi étroit. Mais ce regret est inutile. Il est trop tard. Il faut maintenant s’en tenir à la question posée et uniquement à celle-là.
Pour le coup, ce seront donc les Liégeoises et les Liégeois, et non plus le Conseil qui les représente, qui nous diront dans quel sens trancher la question. La question qui sera posée devra être celle posée par l’appel citoyen : « Souhaitez-vous que Liège dépose sa candidature au titre de capitale européenne de la culture en 2015 ? ». Quel que soit le résultat, le collège et le Conseil auront le devoir moral, plus que juridique, de se plier à la volonté populaire. Mais pour qu’elle puisse s’exprimer de manière informée, je crois qu’il faut accepter que les deux positions continuent à dialoguer et à se confronter. Dans ce contexte, je pense qu’il n’est pas démocratiquement malsain qu’un conseiller communal fasse œuvre de transparence, explique comment il va voter et pourquoi. Sur la forme, je pense l’avoir fait avec modération et en acceptant de reconnaître qu’aucun de mes arguments n’est décisif et définitif. Ils n’invalident en aucune manière le raisonnement de ceux qui souhaitent déposer la candidature de la ville. En théorie, on peut toujours résoudre l’équation des 5 mots en « è » et solutionner la question du projet, du porteur de projet, du budget, des relais et des délais. En pratique, j’ai plus de doutes. Même si nous n’en sommes qu’à l’étape des pré-projets, nous sommes par rapport à nos concurrents largement en retard (voir www.mons2015.eu).
Mes craintes concernant les délais sont aussi motivées par ma petite expérience personnelle. En 2004, j’ai eu l’occasion de diriger un programme de 80 journées d’activités culturelles, artistiques et scientifiques réparties sur l’ensemble de la Communauté Française. C’était à l’occasion de la commémoration des 40 ans de la convention bilatérale belgo-marocaine de recrutement des travailleurs. Autant dire que c’était un événement de taille microscopique face à l’organisation d’une capitale européenne de la culture. Cet événement m’a néanmoins conduit à programmer des expositions de photos, des pièces de théâtres, des journées consacrées au documentaire et à la fiction, des activités tournées vers la situation des femmes, des concerts, deux one-man show, une soirée d’ouverture au Palais des Beaux Arts à Bruxelles qui a rassemblé 2000 personnes une soirée de clôture qui en rassemblé près de la moitié, etc. Au total, l’organisation de cet événement m’a pris deux années de travail bénévole acharné en plus du travail d’une dizaine d’autres administrateurs bénévoles et de deux professionnels engagés à temps plein. Je mesure donc très bien le type d’énergie qu’il faut mobiliser pour réaliser un projet dont l’ampleur correspond à un budget de 100 millions €. Il est certain que la préparation ne peut être le fait que d’une équipe professionnelle de plusieurs personnes qui consacrent tout leur temps et toute leur énergie à cela.
Avec cette consultation populaire, je crois que nous pouvons tous nous réjouir de l’ambition retrouvée d’une génération entière de jeunes Liégeois-es. Mais, Liège a subi suffisamment de revers, pour savoir qu’il ne suffit pas de proclamer son ambition urbi et orbi pour que le redressement advienne. Retrouver une place en vue sur la scène internationale en matière culturelle, artistique, éducative, sportive, etc., nécessite de prendre appui sur un environnement politique, administratif, budgétaire, financier, économique et social solide. Il suffit de penser ici au type de sponsoring privé qui peut être mobilisé à Liège. On vient de voir avec le rabotage de la contribution d’Ethias dans l’expo Delvaux que le capitalisme liégeois n’est pas encore prêt de sauver la création et que la crise financière fragilise encore plus fort les villes moyennes en cours de redéploiement. Même si des avancées importantes ont été engrangées ces dernières années par les pouvoirs publics, nous sommes encore fragiles. Et, si on peut commencer progressivement à retrouver des ambitions, c’est aussi parce qu’une génération de décideurs a pris sur elle de travailler avec sérieux et abnégation à l’assainissement des finances de la ville et à son redressement. Il faut pouvoir reconnaître le rôle de ces acteurs au premier rang desquels figure notre actuel bourgmestre.
J’en viens à présent à votre interpellation qui est sans doute la plus directement provocatrice : quels sont mes projets culturels ? Vous croyez déceler une contradiction dans mon propos lorsque je plaide pour une augmentation linéaire des budgets culturels dans la période 2009-2015 sans en préciser l’affectation. Personnellement, je n’y vois pas de contradiction. Un événement one-shot comme la capitale culturelle européenne repose sur la définition préalable d’un axe de travail ou d’une thématique précise. C’est autour d’un concept qu’une ville se rassemble et fédère ses acteurs culturels pour projeter dans l’espace européen une certaine idée d’elle-même. Pour qu’il soit porteur et porté, le projet d’une ville doit tendre vers la déclinaison la plus fidèle de son identité. Pour dire les choses platement, Liège aurait bien du mal, même avec la meilleure volonté du monde, à se présenter comme l’avant-garde de la révolution post-industrielle ou du post-modernisme. Construire un dossier de capitale européenne de la culture implique des choix artistiques, esthétiques, mais aussi institutionnels. Cela sous-entend donc aussi l’exclusion d’options rivales. Autrement dit, ce n’est pas toute la production culturelle ni tous les acteurs culturels d’une ville qui sont concernés mais une sélection plus ou moins large. Certes, tout le monde pourra participer, mais tout le monde ne pourra pas décrocher les budgets espérés. Par contre, dans la démarche graduelle que j’évoque, il ne s’agit pas de rassembler sur un thème précis, mais d’augmenter nos dépenses de fonctionnement et d’investissement de manière constante de 2009 à 2014 mais autour de principes directeurs, bref d’étoffer notre politique culturelle sur base de l’existant et, au bout du compte, organiser un événement d’ampleur internationale. De mon point de vue, celui devrait être moins lourd budgétairement que les chiffres cités plus haut et, surtout, conçu dans la perspective d’une pérennisation. A ce sujet, je prends note au passage du scepticisme de certains collègues de l’opposition par rapport à une politique qui miserait excessivement sur l’événementiel (Alain Leens, « La culture à Liège. Analyse critique, partiale et prospective », Liège Septembre 2008).
Concernant notre politique culturelle, je partage de nombreux arguments, réflexions et propositions avancés tantôt par l’échevin de la culture (dont je ne suis pas toujours bien certain qu’on mesure tout le travail de fond qu’il mène depuis le début de la législature), tantôt par des collectifs comme celui de Liège 2015 et tantôt par d’autres intervenants. D’autres l’ont dit. Je les rejoins : la politique culturelle de la ville pourrait, c’est vrai, constituer une sorte d’aiguillon symbolique du redressement liégeois. Comment ? Au-delà de ce qui est proposé par le collège dans les actions prioritaires du projet de ville 2007-2015, ma préférence personnelle, puisque c’est sur cela que vous m’interrogez, irait vers une dynamisation de notre action culturelle autour de quelques grands principes (non exhaustifs):
- L’internationalisation : encourager les initiatives de mise en réseau transfrontalière et internationale. Personnellement, je souhaiterais par exemple (et ce n’est qu’un petit exemple parmi d’autres) qu’on soutienne davantage les résidences d’artistes de créateurs originaires de pays où la liberté et les droits humains sont menacés. J’ai eu l’occasion d’y réfléchir avec des amis algériens durant les années noires du terrorisme dans ce pays. Je sais ce que cela pourrait nous ouvrir comme horizons de fraternité avec le reste du monde et ce que cela pourrait apporter comme force de libération aux sociétés soumises à l’autoritarisme. Quand on sait que notre ville a été choisie pour accueillir le monument national à la Résistance, je me dis que la résistance, ça a encore du sens aujourd’hui aux quatre coins de la planète et que nous devons nous associer encore plus aux combats pour la dignité des êtres humains menés dans le reste du monde.
- L’interculturalisation : celle-ci est liée à la première dimension. Je pourrais écrire des pages entières sur ce sujet. Mais je me limiterai à dire qu’inscrire cette perspective dans nos politiques culturelles comme nous le faisons pour la première fois sous cette législature est fondamental. L’échevin Hupkens se bat pour que l’interculturel ne soit pas un sous-secteur de la culture réservé à des populations ghettoïsées et dont les cultures sont folklorisées. L’interculturalisation est une démarche pertinente pour l’ensemble du secteur de la création.
- La régénération urbaine : la ville en tant qu’espace territorial et humain doit être réinterrogée. Notre ville est malade d’une fusion des communes mal digérée. Redéployer la culture à l’échelle de la communauté urbaine, notamment par la création d’un centre culturel régional serait déjà une étape intéressante. Réfléchir à la participation des habitants des quartiers vulnérables et à leur place dans les politiques culturelles comme nous souhaitons le faire à travers le projet de Charte de coopération culturelle est une autre voie. A l'heure, où nous sommes engagés dans une réflexion sur de nouveaux grands chantiers (Médiacité, Droixhe, Esplanade de la Gare des Guillemins, Grand Curtius, Emulation, etc.), il n'est pas inutile de mieux comprendre ce que nous plaçons comme identité culturelle dans la brique, et ce que nous plaçons comme briques dans notre identité culturelle.
- La démocratisation : le collectif Liège 2015 peut légitimement se targuer d’avoir contribué à secouer le dossier des liens entre culture et démocratie. Je n’en dirai pas plus. Mais c’est un énorme chantier qui ne fait que commencer.
- Une attention renouvelée à l’implémentation : les objectifs les plus louables sont tributaires des conditions de leur mise en œuvre. Il faut donc en parallèle continuer à réfléchir à des questions complémentaires comme l’accessibilité des infrastructures, leur financement, leur entretien, leur rénovation, la nécessaire transversalité de la politique culturelle, les conditions de financement, les lieux de valorisation du travail des artistes, les articulations entre culture d’excellence et culture populaire, etc.
Sur base de ces éléments, on pourrait, me semble-t-il, dériver des thématiques et des projets sur l’univers de la ville, l’universalité de la ville et l’universel dans la ville. Mais bon, je ne fais qu’exprimer ici un tropisme personnel. Comme je l’ai dit plus haut, rédiger un projet de haut niveau pour une capitale européenne de la culture ne peut être que le fruit du travail d’une équipe de professionnels de haut niveau entièrement consacrés à la tâche.
J’en viens finalement à ma place au sein de la commission culture et interculturalité. Vous me demandez, ni plus ni moins, de me démettre de ladite commission, qui est, je le rappelle au passage, une commission permanente du Conseil. Je n’en reviens toujours pas qu’un homme de culture puisse formuler de tels arguments. Et j’ai le plus grand mal à comprendre comment d’autres militants du collectif peuvent se laisser aller à glisser sur cette pente. Mais, nô didjo, quelle est cette conception de la démocratie au nom de laquelle vous parlez ! Ce que vous racontez manque de pertinence. Depuis quand est-ce qu’on compose les assemblées représentatives à la carte ? Les mandats au sein de la commission de la culture comme dans toutes les autres commissions sont répartis proportionnellement entre les groupes qui composent le conseil, et dont les membres sont élus au SUFFRAGE UNIVERSEL. Moi aussi, j’aimerais que M. Frérard ne participe plus à la commission du Bourgmestre. Mais il se trouve que plus de 1000 Liégeois ont décidé qu’il devait y être. Que devons-nous faire ? L’éjecter du Conseil. L’interdire de commission ? Allez, soyons sérieux. Cet argument n’a pas de sens, ni sur le fond et encore moins sur le plan procédural. Vous devez en effet traduire l’accord de lundi passé. Par l’implication de la commission de la culture dans le montage du dossier, il faut comprendre qu’elle agira comme une instance de contrôle démocratique. Pour rappel, « Les Commissions du Conseil sont chargées, chacune pour ce qui la concerne, de l’examen des affaires qui sont inscrites à l’ordre du jour du Conseil communal ou qui leur sont soumises par le Collège communal. » (Article 13 du règlement d’ordre intérieur du Conseil communal de Liège). Elle ne sera pas un groupe de travail chargé de faire un brainstorming ou de produire les textes de la fiche et du dossier qui seront soumis au jury de sélection, sauf si l’échevin Hupkens, comme il l’annonce dans La Meuse de vendredi 26 décembre, décide d’ouvrir la commission à toutes les forces vives du milieu artistique et culturel.
En temps normal et en fonction du règlement, les conseillers peuvent, tout au plus, soumettre des points additionnels à l’ordre du jour de la commission. Ceux qui souhaitent contribuer par des textes et des réflexions au montage du projet devront donc s’adresser en direct à l’échevin de la culture et non au président de la commission de la culture. Je les y encourage vivement d’ailleurs. Et rien ne pourra empêcher les « conseillers enthousiastes », comme vous dites, de se faire entendre en commission comme en séance publique du Conseil d’ici au 1er mars.
Pour ma part, j’en resterai là dans ce débat. Croyez-bien, Monsieur Ancion, que mon respect et ma sympathie pour les ardents défenseurs du dossier restent entiers. Et je n’ai nulle intention de faire obstruction à leur belle mobilisation. Toutefois, je ne peux pas me contraindre à partager une conclusion politique à laquelle je ne crois pas. Je ne pense pas que nous seront encore en mesure de l’emporter le 1er juin prochain. Voilà donc. J’ai dit mon point de vue. Il sera probablement minoritaire mais j’ai parlé en conscience. A nos concitoyens à présent de nous dire ce qu’ils en pensent.
Avec l’expression de mes meilleures salutations,
Hassan Bousetta
Écrit par : Hassan Bousetta | 28/12/2008
Merci, monsieur Bousetta, d'avoir pris le temps de répondre en détail, d'une fort belle façon et votre nom propre. Je comprends mieux le fonctionnement de la commission culture à présent. Je m'étonne tout de même que, puisque votre groupe politique soutient la candidature officiellement à présent, vous puissiez adopter une position "en retrait" dans cette commission. Ce n'est pas avec cette attitude que l'on gagne un combat mais j'ai bien compris que vous n'avez pas l'ambition de le remporter, vous êtes si bien persuadé que nous allons échouer, que vous préférer ne pas vous lancer dans l'aventure. Il y a des jours où l'Echevin de la Culture doit se sentir seul...
Merci d'avoir également présenté, en termes fort politiques et abstraits, malheureusement, votre projet culturel. Je préfère les listes concrètes et les accumulations d'idées, mais chacun est libre d'adopter le ton qui lui convient.
Vous me donnez l'envie de commencer à lancer quelques idées sur ce blog et ailleurs pour lancer des pistes concrètes pour que le projet ne soit pas un simple procès de bonnes intentions ;-)
Bonne soirée à vous et bonne chance pour la suite de votre combat. Pour celui-ci, vous nous l'avez bien expliqué, nous devrons faire sans vous.
Écrit par : Nicolas Ancion | 28/12/2008
Sans moi cette fois ci, mais je ne désespère pas de vous retrouver dans tous les cas après le 1er juin. S'il faut reprendre les choses à zéro en cas de défaite, nous les reprendrons ensemble. Si j'ai eu tort et que Liège l'emporte, il me restera encore l'art-haha-kiri
HB
Écrit par : Hassan Bousetta | 28/12/2008