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03/03/2009

Lysiane D'Haeyère rejoint Gaston Compère et bien d'autres

th-200x200-eperonniers_malinconi.jpg.jpgC'est la première éditrice que j'ai rencontrée, alors que j'étudiais encore à l'Université : elle était venue accompagner Rossano Rosi pour la présentation de son roman à la Librairie Pax. Petite, cheveux blancs, grandes lunettes, un caractère marqué et une propension à prendre la parole quand on ne la lui donnait pas. C'était un personnage.

Quelques années plus tard, c'est elle qui m'a fait entre dans le monde de l'édition : j'ai été, pendant près de deux ans, le seul employé des Eperonniers, sa maison d'édition, où elle poursuivait son travail de repérage d'auteurs de littérature contemporaine, toujours à Bruxelles alors que tout le monde, les médias et l'ensemble du monde littéraire en général, ne jurait que par Paris.

Dans son catalogue il y avait bien sûr les restes des Editions Jacques Antoine : André Baillon, Odilon-Jean Périer, Franz Hellens, Michel de Ghelderode... mais il y avait aussi quelques noms aujourd'hui devenus prestigieux : Henri Bauchau, François Emmanuel, Claude Javeau, Gaston Compère, Nicole Malinconi, Karel Logist... ou Liliane Wouters.

Elle adorait par-dessus tout avoir le bonheur de rencontrer un vrai auteur. Je me souviens l'avoir entendue défendre et promouvoir les textes de Denis-Louis Colaux, ceux d'Otto Ganz, la poésie de Serge Delaive et de Carl Norac, le roman de l'angolais Pepetela.

Elle était paradoxale à plus d'un titre, elle adorait les auteurs et ne les traitait pas toujours bien. On l'accusait à tort de toucher des subsides monumentaux alors que tout son patrimoine personnel a été investi à perte, année après année, dans des caisses de livres, dont beaucoup aujourd'hui prennent la poussière.

Nous nous sommes souvent pris la tête, dans notre bureau chauffé au charbon sur le site de Tour et Taxis, notre collaboration a été très houleuse sur la fin mais je sais que c'est elle qui m'a appris l'essentiel : le vrai travail du manuscrit, les fondamentaux du travail d'éditeur sur le long terme, la rage de croire que la qualité est le seul moyen d'exister sur le long terme.

Elle ajoutait à cela, du haut de ses 73 ans, une mémoire sans pareil pour l'histoire de l'édition en Belgique. Elle connaissait tout le monde, jusque dans leurs plus petits défauts. Elle ne se laissait pas avoir par la poudre aux yeux et les effets marketing qui menaçaient peu à peu d'engloutir le métier d'éditeur derrière des torrents de promotion et de publicité tapageuse.

C'était une éditrice.

Je suis fier d'avoir été son dernier employé.