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26/07/2005

Cavale sur les nationales

Le quatrième roman de Pierre Ahnne est un film raconté : un road movie déprimé, qui démarre, justement, dans une salle de cinéma parisienne, où le héros ramasse le pistolet automatique abandonné par un spectateur entré en cours de séance, blessé peut-être, épuisé sans doute, venu trouver dans la salle obscure un peu de repos avant de poursuivre sa cavale. Un pistolet automatique, ce n’est pas rien, c’est lourd, c’est noir, c’est compliqué à manipuler. C’est une arme, surtout, et avec un tel objet en poche, le monde ne peut que basculer. Le roman débute le jour de Noël, les rues de la capitale sont vides, on n’y croise que des ectoplasmes en course rapide entre deux fêtes familiales. Le narrateur est seul, il est armé désormais ; son chemin croise celui d’une dame, qui charge dans sa petite voiture un immense paquet cadeau. Et c’est là que tout dérape. Le pistolet sort de sous le manteau, le narrateur s’embarque avec la dame dans la voiture : « j’ai vaguement agité le pistolet et j’ai dit roulez. » C’est parti. Et ça ne s’arrêtera pas de sitôt.
Le ton du roman est celui du monologue dépressif, de la logorrhée maniaque, le narrateur tente d’expliquer ses choix, de justifier son absence de mobile, de trouver réponse à ses propres interrogations et, surtout, de raccrocher sa vie errante à l'image rassurante et stéréotypée du psychopathe de cinéma. Il y a du Meursault dans sa démarche, du Roquentin dans son attitude, mais, si l’on n’est pas loin du roman de l’absurde, on est aussi très près du roman minimaliste dans le droit fil de Monsieur ou de L’appareil-photo de Jean-Philippe Toussaint, où cinéma et interrogations métaphysiques étaient déjà intimement mêlés sur fond de déambulations erratiques.
Tout au long du livre, on ne peut s’empêcher d’imaginer le roman mis en images, avec une musique lente et des paysages hivernaux, des routes nationales balayées par le passage des camions et des visages travaillés par les rides. Couple avec pistolet dans un paysage d'hiver est une métaphore terrible de nos sociétés solitaires, de nos tentatives désespérées pour trouver un sens, des repères, dans un univers où tout se détache, se replie, où rien ne se partage sauf peut-être – et encore – la solitude, justement, et les clichés du mauvais cinéma policier, où les méchants prennent les gentils en otage et s’enfuient jusqu’à ce que la police les attrape. La réalité peut-elle se conformer aux stéréotypes du cinéma de genre ? Une vie peut-elle trouver son apaisement quand on tente de se fondre dans le moule de la fiction ? Voilà les questions que soulève Pierre Ahnne dans ce quatrième roman troublant. Et il en entraîne bien d’autres au passage, comme une voiture qui file à toute allure sur une départementale déserte, en plein cœur de l’hiver.

Pierre Ahnne, Couple avec pistolet dans un paysage d’hiver, Denoël, 2005, 140 pp.

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25/07/2005

Attention, chef d'oeuvre!

Tout le monde n’a pas la chance de commencer sa carrière d’écrivain avec un roman pareil. « Les frère Y » est le genre de bouquin qu’on avale sans mâcher, fasciné par l’univers dès les premières lignes, amusé par le ton léger, l’écriture fluide et le sujet poignant. Nous sommes au milieu du dix-neuvième siècle, en Italie, une femmes donne naissance à un « monstre » un enfant à deux têtes, deux troncs, quatre bras mais un seul corps. Et trois fesses, pour compliquer les choses. Un Y, en résumé, pour les rendre simples et claires à tous.
Le livre ne nous racontera rien d’autre que la vie de ces frères siamois, le parcours extraordinaire qui les fera passer entre les mains des charlatans et des médecins, sur les chemins de l’Italie et dans les villes les plus prestigieuses de l’Amérique, pour revenir, comme Voltaire, cultiver leur jardin dans les environs de Venise.
Bien sûr, on nous parle d’une époque révolue, d’un monde de foires et d’expositions qui n’ont plus grand chose à voir avec les nôtres. Et pourtant, à travers le portrait de ces « aberrations de la nature », ce sont des préoccupations toutes contemporaines que l’auteur nous fourre dans la tête : le cabinet des horreurs du docteur Spitzner est-il vraiment différent du défilé de malades chroniques proposé par Jean-Luc Delarue dans ses émissions de télé-poubelle? La fascination du public pour les enfants-troncs, les femmes à barbe et les hommes-singes n’est elle pas la même que celle de l’audimat d’aujourd’hui pour les TOC, les abouliques, les névrosés de toutes sortes, repoussoirs et exutoires de notre normalité déprimante, de notre banalité épuisante ou de nos travers inquiétants ?
On ne peut que recommander la lecture de ce premier roman exceptionnel, particulièrement à ceux qui ont aimé « Freaks » ou « Elephant Man » au cinéma, à ceux qui traînent dans les musées de sciences naturelles à la recherche des bocaux de formol et des tables de dissection. Mais il ravira aussi tous ceux qui aiment que la lecture les plongent loin de leur quotidien, dans la campagne italienne du dix-neuvième, sur le pont des transatlantiques et les baraques de foire de l’Europe entière. Les personnages sont hauts en couleur, les scènes visuelles, on s’amuse comme au cinéma, c'est divertissant et érudit, malin et tendre à la fois. On tourne les pages sans compter. Pour un premier essai dans l’écriture de fiction, Marie-Eve Stenuit réussit un chef d’œuvre !

Marie-Eve Sténuit, Les frères Y, Le Castor astral, 2005.

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18/07/2005

Naissance d'un gourou de Kitano

Kazuo est dans une mauvaise passe : il vient de se faire larguer, il n’a plus de boulot, et, comme ses repères ont été brouillés, il se pose des tas de questions sur le sens de l’existence et sur le rôle de dieu dans le fonctionnement de l’univers. Pourquoi est-il là et à quoi peut-il bien servir ? On pourrait dire que c’est le hasard le plus pur qui lui fait croiser coup sur coup un prospectus publicitaire pour une secte et la séance de prosélytisme d’une toute jeune religion, dans un parc public. Mais il n’en est rien, on s’en doute ; dans d’autres circonstances, le jeune Kazuo aurait poursuivi son chemin, la main serrée contre celle de sa fiancée, il serait retourné au bureau… Le voici qui s’arrête et assiste, en direct à la guérison d’une paralytique par un gourou barbu, dont les mains font des étincelles bleues et des miracles. En quelques minutes, Kazuo a rejoint le groupe des adorateurs. Il entre en religion sans trop savoir ni pourquoi ni comment et, poussé par le désir de saisir le sens des choses qui le dépassent, il va petit à petit prendre une place de choix parmi les fidèles. Mais le petit monde de la secte est loin d’être un univers de sainteté : les permanents qui entourent le gourou se saoulent au whisky ou à la bière, dépensent les dons dans des salons de massage, fréquentent de fort près certaines fidèles en perte de repères. Kazuo, sorte de Candide japonais au pays des illuminés, découvrira petit à petit les rouages qui font tourner la grande horlogerie religieuse et apprendra à ses dépens que les mystères de la foi s’expliquent bien souvent par les rapports de force entre les hommes qui les édictent. Cela ne l’empêchera pas d’occuper bientôt au sein du groupe une place unique et… inquiétante.
Takeshi Kitano a plus d’une corde à son arc : vedette des médias japonais, réalisateur de cinéma, il utilise ici le roman pour mettre en lumière la grande escroquerie des nouvelles religions, de ces groupes aux leaders charismatiques et aux adeptes naïfs, qui se lancent sur le marché de la foi à coup de marketing, de bluff et de prestidigitation. Le bouquin se dévore sans faim, les pages se tournent d’elles-mêmes tant on s’amuse à suivre cette équipe de religieux tout aussi déséquilibrés et égocentriques les uns que les autres. Le talent de l’auteur consiste à garder constamment intacte l’interrogation du lecteur : tout cela n’est-il qu’une fumisterie ou l’esprit et la foi ont-ils vraiment le pouvoir de changer les choses, de transformer les êtres ? La réponse finale de Kitano n’est certainement pas aussi claire qu’on l’attendrait. Car, si la présence de dieu ne peut être démontrée, son effet sur les hommes, lui, est indubitable. Pour le bien ou pour le mal ? A vous de lire…
Takeshi Kitano, Naissance d'un gourou, Denoël, 2005, 226 pp.

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14/07/2005

Lui aussi, il peut voyager au bout du monde

Le récit de voyage est un genre littéraire presque aussi vieux que le monde, si pas plus, peut-être, et qui a encore de beaux jours devant lui. Avec « Gringoland », Julien Blanc-Gras, qui n’aura trente ans que l’an prochain, signe un premier roman en forme de récit de voyage au goût du jour. Valentin, le jeune héros, décide sur un coup de tête, suite à la mort de sa chienne et la défonce de son téléviseur dans un accès de rage, de mettre les voiles pour de bon, de s’acheter un billet d’avion pour l’Amérique centrale. Pour le Mexique, plus précisément. Histoire d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs, si les moutons qui la broutent et les barbus qui la fument ont d’autres leçons à donner que les bouffons qu’on voit à la télévision. Valentin manque de repère, aime la musique, joue de la guitare, parle espagnol et anglais, adore voyager, mais n’a pas la moindre idée de ce qui l’attend et de ce qu’il doit chercher. Il part le sac au dos et la guitare en bandoulière comme on se suicide, pour en finir une bonne fois pour toutes avec ce qu’il y avait avant. En d’autres mots, pour claquer la porte au nez de la société de surconsommation, de distractions formatées, de ronron boulot, marmots, dodo. Il s’envole pour voir la réalité de près. Et il sera servi, le Valentin. Car sa route croisera celle de tous les paumés de la planète ou presque, les toxicomanes embourbés dans les hallucinogènes, les néos-babas obnubilés par la nature et les merveilles de l’univers, les natifs du coin, édentés, sans ressources, mais guère plus épanouis que les autres. Le voyage de Valentin, qui traversera le Mexique, les temples et le désert, les Etats-Unis en bus, jusqu’à Hollywood et ses apparences écœurantes, le Belize puis Cuba, ne lui fera rencontrer que des êtres tronqués, repliés, frustrés, asservi, aliénés. Sur des milliers de visages, quelques sourires à peine appartiennent à des humains épanouis. Et encore, la mort est toujours à deux pas, prête à leur tomber dessus comme un fruit mûr chute de l’arbre.
On pourrait croire que « Gringoland » est un roman désabusé misant tout sur le désenchantement du monde. Il n’en est rien ; c’est un récit léger, rapide, bourré de cynisme et de lucidité crasse, nourri de mauvaise foi et d’autodérision. Car ce qui frappe le plus dès le début du voyage, c’est à quel point le héros s’inclut dans le monde qu’il dénigre. Si l’humanité et aussi dérisoire que risible, lui-même en fait partie et ne vaut guère mieux que le reste. Tout aussi lâche, tout aussi inabouti que les autres qu’il croise. Son seul mérite, au fond, est d’oser l’avouer et de permettre, ainsi, aux lecteurs de se poser à leur tour ces questions sans réponse. Et, comme l’auteur, de les esquisser avec un sourire amusé.

Julien Blanc-Gras, Gringoland, roman, Au Diable Vauvert, 2005

15:30 Publié dans Notes de lecture | Lien permanent | Commentaires (3) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer

12/07/2005

Bush blessé à vélo

C'est l'agence Belga qui vient de l'annoncer en ces termes :
"George W. Bush a été mercredi victime d'un léger accident de vélo lorsqu'il est entré en collision avec un policier lors d'une promenade autour de Gleneagles où il se trouve pour le sommet du G8, a annoncé son porte-parole, précisant que le président américain s'était simplement égratigné les mains.
Selon le porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan, le président américain est entré en collision avec un policier qui se trouvait là pour assurer la sécurité du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement. M. Bush a été légèrement égratigné aux mains et aux bras et soigné par son médecin personnel. Le porte-parole a précisé que M. Bush allait "assez vite quand l'accident s'est produit". Il faisait du vélo depuis une heure au moment de l'accident. Selon la Maison Blanche, le policier a été transporté à l'hôpital et serait blessé à une cheville. M. Bush a néanmoins participé au dîner donné par la reine d'Angleterre Elizabeth II. (GFR)"
Ca fait plaisir d'apprendre que Bush fait du vélo. Ca fait peur de se rendre compte qu'il parvient à écraser un flic au passage...

13:45 Publié dans Vélo | Lien permanent | Commentaires (1) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer

11/07/2005

Grand Hôtel à Bruxelles

Comme il y a aura toujours des esprits chagrins pour regretter que ce qui se passe à Liège ne se passe pas à Bruxelles ou l'inverse, je signale tout de suite que mon monologue "Grand Hôtel" est programmé dans le cadre des Giboulées au Théatre de l'L à Ixelles.
Là aussi, je connais les dates.
C'est du 1er au 4 mars et du 8 au 11 mars 2006.
Si vous ne saviez pas encore quoi faire un des ces soirs-là, il est encore temps de noter tout ça dans votre agenda.
Comment, ça, vous n'avez pas encore d'agenda 2006?

23:17 Publié dans Théâtre en cours | Lien permanent | Commentaires (0) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer

Grand Hôtel à Liège

C'est au mois de novembre (décidément, tout se passe en novembre pour mon écriture), que "Grand Hôtel", le monologue que j'ai écrit l'an dernier dans le cadre du festival Enfin Seul à Ixelles sera créé à Liège. Avec Ingrid Hederscheid seule en scène et Elisabeth Ancion (oui, ma soeur) à la mise en scène. C'est dans le cadre du festival "Emulation" du Théâtre de la Place (sous la direction de Serge Rangoni) et ça se jouera au Théâtre de l'Etuve.
Je connais même les dates : c'est du 16 au 26 novembre 2005.
Ne me dites pas que vous êtes déjà pris, je ne le croirais pas.
Mais d'ici là, vous avez le temps de l'être, bien sûr.
Si vous voulez en savoir plus, voici la critique publiée par Marie Baudet dans "La Libre Belgique" du 15 octobre 2004, à l'occasion de la création du spectacle au théâtre de l'L à Ixelles:
Mademoiselle Rose, enfin seule
La Biennale du monologue, à L'L, se décline sous diverses facettes, dont les «Chantiers».
Parmi eux, «Grand hôtel», un voyage au bout des ondes, de l'humour, de la nuit.


Mademoiselle Rose, dans le studio, avec le poisson rouge. Ce n'est pas une partie de Cluedo, c'est la situation plantée par le jeune auteur liégeois Nicolas Ancion, mise en scène par sa soeur Elisabeth (on est en famille: sur le gradin du reste les Liégeois sont légion, dirait-on), investie par la comédienne Ingrid Heiderscheidt.

Une jeune femme donc déboule, l'oreille vissée à son portable. «Je dois te laisser, j'arrive au studio. Toujours en chantier, oui... mais on s'habitue.» L'attendent là ses habitudes vespérales: d'un côté le micro, le casque, la petite lampe rouge qui s'allumera quand elle prendra l'antenne, de l'autre la table de mixage. Et un peu plus: des fleurs, un cadeau, une carte qui chante. Et un peu moins: le technicien, Manu, ne viendra pas ce soir.

Ah. Mais Rose a commencé à chauffer sa voix, préparé son cocktail habituel, déjà grillé deux cigarettes. Rose est arrivée avec tant d'entrain. Rose a le virus de la radio. Rose ne renoncera pas à son émission, dût-elle jongler avec câbles, disques, conduite, jingles et curseurs. La voilà partie, embarquant l'auditeur à destination de son «Grand hôtel». Affûtant son personnage, voix chaude en bandoulière, musique originale en stock (Jarby McCoy, Ruddy Toorop, Zop Hopop), elle assure, seule - enfin seule. Elle déroule son fil rouge soyeux (voyage, luxe, exotisme), s'y prend les pieds quelquefois (le 39e épisode de «Massacre au Grand Hôtel» est introuvable), se rattrape avec les moyens du bord (soit! elle le jouera en direct), va jusqu'à le lâcher, dans une grande bouffée de liberté radiophonique.

Quant à la liberté scénique, elle s'appuie ici sur l'astuce du texte et ses épices kitsch, sur la physicalité d'une mise en scène pourtant simple, sur le punch et l'expressivité du jeu. Sur l'ensemble en somme: textuel, visuel, sonore.

Balisé «chantier» par L'L qui rappelle ainsi une de ses missions: suivre et soutenir la jeune création en train de se faire, «Grand hôtel» ne souffre pourtant guère d'inachèvement. S'il doit grandir, souhaitons lui de garder son esprit, vif et langoureux, acide et spontané.



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Faut bien que ça commence un jour

Il se fait tard. Je viens d'achever la relecture du manuscrit que j'ai envoyé la semaine dernière à mon éditeur. Je sais, on devrait relire avant d'envoyer, pas après. On ne choisit pas. J'avais très envie d'ajouter des zombies dans mon roman, comme il n'était pas encore trop tard (mais très, tout de même), je l'ai fait ce soir.
Résultat, "Dans la cité Volta" (c'est le titre) racontera donc aussi une histoire de zombies.
De loin.
Mais des zombies dans Bruxelles, ce n'est quand même pas tous les jours.
Ca tombe bien, le roman sort en novembre aux éditions CFC. Le jour des morts, peut-être?
Qui sait? ca tomberait bien.

23:05 Publié dans Livres en cours | Lien permanent | Commentaires (2) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer