21/11/2011
Une Belgique sans gouvernement
A l'occasion du nouvel échec des négociations gouvernementales, je republie ici un texte écrit pour le psectacle Mensuel, qui a tourné dans les salles, il y a plus de six mois de cela...
Le texte n'a pas vraiment pris une ride, bien au contraire.
Bonne lecture, et faites tourner autour de vous si vous en avez l'envie :-)
On dit que la Belgique n'a pas de gouvernement.
Les mauvaises langues prétendent que nous détenons le record, qu'aucun pays au monde n'a mis autant de temps pour se mettre d'accord, pas même l'Irak après la guerre.
Eh bien, c'est vrai, le record du Cambodge est bien dépassé.
En 2003, le Cambodge avait tenu 353 jours et finalement formé un gouvernement avec 207 ministres !
207 ministres... ça fait rêver.
Pourquoi pas dix millions de ministres, tant qu'on y est.
Ah non : 5 millions de ministres et 5 millions de chauffeurs, pour les conduire.
Un joli gouvernement... Enfin !
Ah mais non ! La Belgique n'est pas du tout sans gouvernement.
Bien au contraire ! On n'en a jamais eu autant
Pendant toute cette crise, nous avons encore 6 gouvernements en état de marche. Gouvernement wallon, flamand, bruxellois, gouvernement de la Communauté germanophone, de la communauté flamande, de la Communauté française.
Pas de gouvernement en Belgique ? Qui a dit une bêtise pareille ?
Parce qu'en plus de ces six là, faudrait pas oublier les 10 provinces, les 589 communes, avec chacune leur petites tribunes, leurs élus et leurs chauffeurs. Et les budgets à dépenser.
Et aujourd'hui, on a aussi l'Europe, avec son Président qui est Belge, ses commissaires de tous les pays et ses lois qui pleuvent comme des retombées nucléaires.
Pas de gouvernement en Belgique ? Faut habiter très loin pour le penser !
Il n'y a juste plus de gouvernement fédéral.
Plus de chauffeur dans la locomotive mais le train roule encore.
C'est tout de même chez nous qu'est arrivé le premier train du continent, quand la Belgique était deuxième puissance mondiale. C'était le bon temps.
Depuis, on se contente de suivre les rails, en espérant qu'ils nous mènent ailleurs que dans le mur. Ou qu'on ne déraille pas bien avant...
Mais ce qu'on ne nous dit pas, c'est que la Belgique va beaucoup mieux depuis qu'elle est en affaires courantes.
Car dans tous les autres pays, quand la crise économique est arrivée, les gouvernements en ont profité pour appliquer des mesures d'austérité. Sous prétexte de relancer la machine, ils ont coupé là où ils aiment le faire :
- dans les services publics
- dans les salaires (pour améliorer la compétitivité comme ils disent alors que ça n'améliore jamais que les bénéfices)
- dans les allocations de chômage
- dans les pensions
- dans la sécurité sociale en général.
Pas un n'a pensé à réduire les cadeaux fiscaux aux entreprises, les réductions d'impôts sur les grosses fortunes...
On préfère toujours couper des petits bouts à plein de gens que quelques têtes fortunées.
Faudrait des guillotines pour ça.
Bref, ils ont coupé dans tous les services qui ne servent pas les riches...
Ils ont appliqué la recette miracle chantée d'une seule voix par l'Union Européenne, le fonds monétaire international et les redoutables agences de notation.
Et parmi tous ces bons élèves européens, ce sont les Anglais qui ont appliqué la recette avec le plus de zèle. Et ce sont eux qui se sont, du coup retrouvé avec une nouvelle crise un an plus tard.
Parce que les recettes miracles, c'est exactement comme les miracles tout court : ça n'existe pas.
Si on enlève l'aide pour les plus pauvres, ils sont encore plus pauvres, du coup ils coûtent plus cher à la société, c'est ainsi.
Plus les pauvres sont pauvres et plus les États sont pauvres aussi.
Mais la bonne nouvelle, c'est que dans notre petit pays sans gouvernement fédéral, on n'a pas pu appliquer ces coupes franches.
On avait déjà du mal à retenir qui était formateur et qui avait dit quoi sur quelle note... Alors impossible de réformer la sécurité sociale.
L'État n'a pas pu appauvrir les pauvres.
Du coup, nous sommes un des pays qui a le moins ressenti les effets de la crise.
Parce qu'il n'avait pas de gouvernement pour appliquer les réformes injustes.
Pas de gouvernement pour profiter de la crise pour accélérer la locomotive.
Pour nous rapprocher plus vite du mur où nous finirons bien par nous écraser...
Un pays sans gouvernement... n'est-ce pas finalement cela le vrai miracle ?
Pourvu que ça dure...
18:27 Publié dans À lire en ligne, Ecriture, Théâtre en cours | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : belgique, gouvernement, #nogov, théâtre, mensuel, politique | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
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