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24/06/2014

Figure d'auteur

bear.jpgLe titre n'est pas bon, je le reconnais tout de suite. Je n'ai pas envie d'en chercher un autre dans l'immédiat, désolé, c'est le contenu de cette note qui m'intéresse, pas son titre.

Et si j'écris ce matin (NdA : cette note a en réalité été écrite il y a deux ans et jamais publiée, je viens de la lire et de décider de la publier en 2014, tout colle assez bien, sauf l'allusion à ce matin, désolé, ce n'est plus le même) c'est à la suite d'une série de questions qui portent sur l'auto-édition, autour du refrain très souvent repris ces derniers temps :

« Que pensez-vous de l'auto-édition ? »

ou

« Que pensez-vous de l'édition à compte d'auteur ? »

 

Avant l'ère numérique, ma position était très claire : pas question de payer pour publier un livre. Si un éditeur demande à l'auteur de contribuer, c'est qu'il ne fait pas son métier, point final. Le débat s'arrêtait là. Par conséquent, un auteur qui acceptait le compte d'auteur ou l'auto-édition, à mes yeux, était un sous-auteur, un réprouvé ou un imbécile, soit qu'il avait été refusé partout et finissait par payer pour imprimer lui-même son texte, soit qu'il était trop bête pour comprendre la farce éditoriale dont il était le dindon.

En clair, donc :

avant, c'était très simple

Compte d'auteur = arnaque

Auteur auto-édité = pigeon

Livres auto-édités = bouquins à éviter

 

Précisons tout de même : si je méprisais complètement les ouvrages publiés par cette voie, je n'encensais pas pour autant tout ce qui était publié à compte d'éditeur, je vous rassure. Il s'imprimait bien des merdes à bon nombre d'exemplaires, là n'est pas la question, d'ailleurs

Depuis l'arrivée d'Internet et des outils de diffusion en ligne, tout cela s'est compliqué. Dès 1997, j'ai ouvert mon site (à l'époque, hébergé gratuitement sur Geocities.com, jusqu'à ce que l'hébergeur disparaisse avec tout mon contenu en ligne puis sur iBelgique.com, où l'histoire s'est répétée) et j'ai publié des textes en ligne. De fait, je m'auto-éditais pour ces textes-là. Je ne vendais rien du tout, je me contentais de diffuser, d'offrir, de partager.

Et là, tout d'un coup, ça ne m'embêtait pas d'être à la fois l'auteur et l'éditeur. Fallait surveiller l'orthographe, lire et relire, prendre de la distance et, bien entendu, tendre l'oreille pour tenir compte des commentaires des nombreux lecteurs en ligne. La masse de lecteurs remplaçait efficacement les compétences des quelques lecteurs professionnels d'une maison d'édition qui nettoient les textes avant leur publication.

Pourtant, aujourd'hui, quand je vois nombre d'auteurs publier eux-mêmes leur romans en ligne, sur Amazon, sur l'Apple Store, sur leurs sites, leurs blogs et passer leurs journées à faire de la pub sur les réseaux sociaux, je sens qu'il manque quelque chose d'essentiel.

Non, pas l'éditeur. Franchement, avec une bonne équipe coopérative (voir l'édition interdite de Crouzet, par exemple), on peut réunir les mêmes compétences pour retravailler le texte.

Non, ce qui manque, c'est la figure d'auteur.

J'ai déjà expliqué en détail qu'à mes yeux un auteur n'est pas simplement une femme ou un homme qui écrit (relisez cette note, tiens, par exemple), qu'il faut autre chose aussi.

 

Je pense surtout qu'un auteur n'est pas un vendeur de livres. Ni hier ni aujourd'hui. L'auteur est celui qui rédige le texte, qui le pense, qui le mûrit, qui le triture, qui le pétrit puis qui le polit.

Qui le lit par la suite, qui en discute, qui le défend.

Mais jamais celui qui le vend, non.

 

Les gens qui vendent des livres sont des libraires et des éditeurs.

Les auteurs écrivent des textes.

 

Les auteurs aiment les donner à lire mais ils ne sont pas là pour les commercialiser.

Cela me semble du moins incompatible avec la figure de l'auteur, ce petit conglomérat imaginaire de qualités qui constitue un écrivain à mes yeux.

Quelles qualités devrait-on y trouver ?

En vrac :

- la distance et le recul par rapport au monde ;

- le bonheur d'écrire ;

- le plaisir de discuter de mots, de langue, d'histoires, de personnages et de bouquins ;

- l'attention aux rythmes secrets qui secouent les phrases, au trébuché des mots, à la saccade des idées et au déferlement des images ;

- le goût du partage, de la discussion, de l'approximation et du paradoxe qui aident à mieux cerner l'inconnu, à apprivoiser l'inacceptable ;

- un culte infini pour les histoires et leur magie toute puissante ;

- la certitude permanente d'être un incapable qui fait de son mieux ;

- et ainsi de suite...

 

Nulle part, là-dedans, je n'ai envie de faire rentrer des compétences commerciales. Un auteur n'est pas un bon vendeur, en tout cas pas un bon vendeur de ses propres œuvres.

Autant un auteur peut me donner l'envie d'en lire un autre (rien de plus contagieux que la passion d'un auteur pour l'œuvre d'un autre écrivain), autant, l'auteur en séance d'auto-promotion, forcé de souligner son propre génie me dégoûte, me repousse, me terrifie.

L'auteur n'est pas là pour encenser son propre travail. Il est là pour douter de ce qu'il fait et tenter d'améliorer ses textes. Il ne s'engage pas à vendre davantage à chaque nouveau titre, il s'engage juste à aller plus loin plus profond et plus fort. A aller là où il n'est jamais allé lui même.

Il écrit mais ne vend pas.

Il peut partager, offrir, échanger. Pas promouvoir.

Voilà pourquoi j'ai tant de mal aujourd'hui avec les auteurs auto-édités : leurs manœuvres pour pêcher les lecteurs (pour attirer le chaland, pour accroître leur chiffre d'affaire) sont incompatibles avec l'image que je me fais d'un auteur. Elles les discréditent définitivement à mes yeux.

Arrivé au bout de cette note, je me rends compte que je ne sais toujours pas vraiment ce qu'est un auteur. Dans mon cas, c'est sans doute tout simplement quelqu'un qui parle trop.

Un bavard.

Oui, c'est ça, un bavard qui, incapable de se taire, fait passer son vice pour de la littérature.

12/02/2013

Ernest, premier pape belge et héros d'un roman que je n'ai pas écrit

En octobre dernier, les éditions ONLiT BOOKS publiaient mon roman « Le pape a disparu » en version numérique. Ce n'était pas le premier avatar de ce texte. Les lecteurs très fidèles, dotés d'une excellente mémoire, se souviendront peut-être que j'avais publié ce roman, par épisodes hebdomadaires, sur le défunt site de Luc Pire Electronique, entre 2000 et 2002.

Pendant dix ans, le manuscrit a dormi dans le disque dur de mes différents ordinateurs. Et pour cause : je n'avais pas les droits de diffuser ce texte. En effet, je n'en suis pas l'auteur.

Voilà, c'est dit. Vous pouvez arrêter ici la lecture et retourner à vos occupations favorites.

 

Pourquoi et comment je n'ai pas écrit « Le pape a disparu »

Pendant mon adolescence, j'ai beaucoup lu. J'ai notamment dévoré de nombreuses aventures de Sylvie, hôtesse de l'air, publiée dans la collection Marabout Mademoiselle par le très prolifique René Philippe. Sylvie, hôtesse de l'air de profession, était une jeune fille un peu naïve mais très dynamique qui vivait des aventures mouvementées, qui n'avaient rien à envier à celles, plus musclées et exotiques, que vivait Bob Morane, son pendant masculin, chez le même éditeur. C'était la littérature pour ados des années 60, j'en ai hérité quinze ans plus tard et l'ai dévorée avec grand plaisir.

Quand je suis retombé, un peu par hasard, à la fois sur un stock de livres des aventures de Sylvie soldé dans une vente de bibliothèque ET sur un ordinateur équipé d'un scanner et d'un logiciel de reconnaissance optique, une idée a germé dans ma tête : pourquoi ne pas scanner tout le texte d'un roman de René Philippe et le réécrire. J'ai très vite choisi une des toutes premières aventures de l'hôtesse de l'air et je me suis mis au travail. D'emblée, l'idée de remplacer l'héroïne par un autre personnage s'est imposée. Et qui, mieux qu'Ernest 1er, pape belge un peu naïf, pour remplacer la jeune Sylvie ?

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Un héros peut en cacher une autre

Voilà comment je n'ai pas écrit « Le pape a disparu ». J'ai réécrit tout le texte en changeant le héros, en triturant l'histoire pour qu'elle puisse coller au rythme de vie du Souverain Pontife et à ses amours secrètes pour le cardinal Vertupoint. D'un roman pour jeunes filles catholiques, on aboutit à un roman délirant pour lecteurs numériques.

Il faut que je remercie très vivement ici les enfants de René Philippe, sur lesquels j'ai réussi à retomber grâce à des pages de fans consacrées aux éditions Marabout. Ils m'ont très gentiment autorisé à publier mes délires et se sont montrés ravis que les romans de leur père soient encore bien vivants dans l'imaginaire de certains lecteurs.

 

Un pape belge ?

La question d'actualité, évidemment, est de savoir si le prochain pape s'appellera Ernest ou non.
Vous voulez mon opinion à ce sujet ?

Je m'en fiche. J'écris de la fiction, si la réalité lui court après, tant mieux. Elle ne la rattrapera jamais car l'imaginaire a toujours deux ou trois longueurs d'avance.

 

Enfin, un petit résumé du roman, pour vous allécher

Toujours ardent, enthousiaste, prêt à se lancer dans les plus folles aventures, le premier pape belge, Ernest Ier, est un héros moderne et dynamique dont les aventures palpitantes font rêver bien des jeunes filles. Et bien des jeunes hommes… Cette fois, cependant, le Pape semble s'être laissé entraîner trop loin. Son attitude insolite inquiète ses amis et bouleverse son confident, le Cardinal Vertupoint. Le Pape se voit soupçonné d'hypocrisie et même surveillé par la police. Et brusquement, alors que tout semble rentrer dans l'ordre, surgit la catastrophe : le Pape a disparu !

Le Pape a disparu n'est pas un simple roman, c'est un dérapage contrôlé permanent qui relit et réinvente la littérature pour jeunes gens telle qu'on l'écrivait dans les années 50.

"Le pape est belge, il est jeune et c’est un mec sympa. Il accepte de transporter chaque semaine, entre la France et la Belgique, un médicament pour la mère de Mady. Un problème de douanes complique les soins de la pauvre malade. Et les douanes, le pape, vous pensez bien… Le pape est soupçonné de trafic de drogue, puis d’avoir vendu la mèche. Tout ce qu’il faut pour disparaître. Et réapparaître ensuite, après des aventures fantaisistes enlevées comme un court feuilleton." Pierre Maury - Le Soir

Là-dessus, je vous souhaite bonne lecture !

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09/06/2012

Numérisation des indisponibles : lettre de Bernard Blanc au Président

Pause.jpgDepuis quelques mois, la loi sur la numérisation des oeuvres indisponibles indispose bon nombre d'auteurs, dont je suis. J'ai déjà eu l'occasion de m'en expliquer à plusieurs reprises.
Ce matin, j'ai reçu copie d'une lettre adressée au nouveau Président de la République par Bernard Blanc.
Comme elle me semble aussi pertinente que bien tournée, je lui ai demandé l'autorisation de la diffuser ici. C'est donc avec grand plaisir que je vous la communique.
Et merci à Bernard pour ce joli courrier. J'espère de tout coeur qu'il recevra les suites qu'il mérite.

 

Lorgues, le 6/6/2012


Monsieur le Président,

Je vous parlais, hier, de la question des droits d'auteur qui bloquent la diffusion de chefs-d'oeuvre du cinéma français. Je vous fais confiance pour trouver une solution à ce problème. Hélas, cette même question empoisonne aussi l'existence des écrivains et des traducteurs littéraires.
En effet, la loi du 22 février 2011 permet désormais à une Société de perception et de répartition des droits, créée avec des fonds publics (on parle de 50 millions d'euros) d'assurer une rémunération aux éditeurs et aux auteurs grâce à la numérisation de tous les textes publiés avant le 1er janvier 2001 indisponibles en version papier. Cette société est autorisée à les remettre en vente et ce, sans que les auteurs ou leurs ayants-droit en soient informés. Il leur faudra surveiller régulièrement une base de données pour s'y opposer. Si le jour où l'une de leurs œuvres épuisée est numérisée ils sont en train de boire un coup à la plage ou de travailler à un autre livre en Sibérie, tant pis pour eux, ils n'avaient qu'à être plus vigilants ! À leur retour, à eux d'engager une procédure longue et coûteuse avec un bon avocat pour s'opposer à cette violation du droit d'auteur et du Code de la Propriété intellectuelle.
Bien sûr, il est essentiel d'assurer l'édition numérique de toutes les œuvres du XXème siècle. C'est notre patrimoine, et il doit rester à la disposition de tous. Mais pas sur le dos des auteurs ou de leurs ayants-droit ! Il n'est pas acceptable qu'un éditeur décide de ne plus exploiter une œuvre papier et soit rémunéré à égalité avec l'auteur quand un texte tombe sous la loi du 22 février 2011. En gros, le patron ferme l'usine, mais il continue à toucher un pourcentage sur l'allocation chômage de ses ouvriers – j'aimerais savoir ce qu'en pense Mr Arnaud Montebourg, Ministre du redressement productif !
Et si je décide de distribuer gratuitement un de mes livres dont j'ai récupéré les droits ? La société qui gère tous les textes indisponibles en version papier publiés avant le 1er janvier 2001 me fera un procès ? Monsieur le Président, on marche sur la tête, là. C'est l’auteur – ou, à défaut, ses ayants droit – qui décide seul d’une nouvelle diffusion de son œuvre. Tout éditeur – numérique ou papier – qui souhaite exploiter à nouveau l'œuvre en question doit d'abord lui proposer un contrat.
Le 22 février 2011, l'État français a légalisé le piratage. Je vous prie de demander à votre Ministre de la Culture (à laquelle j'envoie une copie de cette lettre) d'abroger tout simplement cette loi et de chercher, en concertation avec les auteurs et les éditeurs, un moyen plus décent de remettre en circulation les œuvres littéraires et les traductions introuvables en version papier.
Dans l'attente, recevez, Monsieur le Président, l'assurance de mes meilleurs respects.


Bernard Blanc

27/02/2011

Le Prix Unique du Livre Numérique est un combat perdu

loi, numérique, prisunic, PULN, auteurs, littérature, ebookCela fait déjà quelques jours que la loi sur le Prix unique du livre numérique (loi PULN ou Prisunic, selon les goûts) a été votée à l'Assemblée nationale (en France, donc) après avoir été débattue au Sénat. Depuis cet épisode, et suite à quelques commentaires publiés à gauche et à droite (parfois même au milieu) quelques personnes m'ont demandé ce que je pensais de cette loi.

 

 

Pour faire court, je pense qu'elle est déplorable, passéiste, archaïque et inadaptée.

 

 

Mais cela demande tout de même un peu d'explication.

 

 

La loi, en résumé, vise à établir un prix unique pour le livre numérique homothétique (ce vilain mot, qui rappelle le vocabulaire de la géométrie, désigne un livre numérique qui correspond à un livre papier sans y ajouter de contenu multimédia). L'éditeur sera chargé de déterminer ce prix et de le faire connaître au public. Le prix de vente ne pourra donc varier d'un vendeur en ligne à un autre.

En théorie, cela peut sembler séduisant.

En pratique, c'est une vraie aberration pour les auteurs, les lecteurs, les libraires.

Cet avant-projet ne travaille que pour défendre les éditosaures et, plus encore, les distributeurs, qui aujourd'hui, sont les intermédiaires qui s'enrichissent le plus dans le monde du livre papier industrialisé

Voici les extraits de mails que j'ai échangés à ce sujet pour expliquer en détail pourquoi les auteurs ne devraient en aucun cas soutenir cette loi.

 

MAIL 1

Autant je défends le prix unique du livre papier en France (et me suis battu, en vain jusqu'ici, pour qu'il soit établi en Belgique également) parce qu'il défend la librairie, autant je ne peux soutenir un projet de loi qui tente de maintenir, dans l'édition numérique, la position de force des éditeurs papier et de leurs consortiums de distribution. Cette proposition de loi est le simple résultat de l'influence d'un lobby qui, au lieu de travailler à l'évolution de son métier, préfère user de son influence pour protéger son pré carré.
Depuis douze ans, je vois les anciens éditeurs raconter des salades, prétendre parler au nom des auteurs alors qu'ils ne parlent qu'en leur nom propre, chercher à convaincre des dangers du piratage au lieu de voir les enjeux pour la création, la diffusion, la démocratisation de la lecture que représente le numérique.
Ces éditosaures fixent le prix du numérique non pas en fonction des coûts de fabrication mais dans le seul but de "ne pas nuire au papier" alors que de nombreux auteurs, dont je suis, peuvent démontrer par exemple qu'en donnant le livre gratuitement en ligne (les vieux appellent ça du piratage) on multiplie les ventes en librairie.

Je sais, en théorie, cela semble aberrant. Dans la profession, on ne veut pas y croire. On ne veut pas essayer. Ceux qui font le test; pourtant, connaissent la réponse.
En pratique, pourtant, c'est la réalité observée. (À bien y réfléchir, les éditeurs le savent très bien, eux qui arrosent chaque sortie de livre de 200 à 1500 copies gratuites envoyées à la presse et aux relais qui comptent, dont les libraires et les blogueurs. Ils se piratent eux-mêmes, devrait-on alors dire, pour respecter leur façon de penser le numérique.)

Ce genre de politique (distribution gratuite du fichier PDF à la sortie du livre par l'auteur) sera interdite par la loi, qui voudrait que l'éditeur fixe un prix et une valeur pour les textes numériques, quel que soit le canal de diffusion...
L'enjeu du numérique, pour les auteurs, est d'utiliser ces nouveaux outils de diffusion des textes pour exister en dehors du rapport de force commercial imposé en librairie, dans la distribution et dans l'édition par de grands groupes adossés à une presse complaisante.
Ces groupes français ont aujourd'hui peur des géants américains, alors ils exigent une loi, qui n'a rien à voir ni avec les auteurs ni avec les lecteurs.
Les auteurs ne devraient pas, à mes yeux, soutenir ce projet qui va dans le mauvais sens et se contourne si facilement, en installant le siège des sociétés au Luxembourg, par exemple, qu'il n'a aucun sens. Il ne s'applique pas, de toute façon, aux géants internationaux, Amazon, Google et Apple qui y sont déjà installés. En outre, cette loi n'a pas de champ d'application car elle signale que le prix doit être identique pour des vendeurs qui offrent le même service. Or, à ce jour, Amazon, Apple et Google, par exemple, offrent des livres numériques dans des formats différents, qui ne proposent pas le même service (et chaque revendeur peut ou non ajouter des DRM, un marquage, grouper des oeuvres... on estdans le numérique, tout est possible, justement, c'est une simple manipulation de données)
Les auteurs et leurs associations devraient être au créneau aujourd'hui pour défendre les 50% de revenus sur les droits numériques perçus par l'éditeur, comme c'est le cas dans les droits dérivés (traductions, adaptations cinéma ou théatre).

Voilà le combat qui devrait être mené.

Celui-là, au moins, les auteurs pourraient être fiers de le remporter !

 

 

MAIL 2

Je n'aime pas le travail législatif inutile. Au mieux, il fait perdre du temps, au pire, il sert d'écran de fumée pour masquer les vrais combats.
Première question (elle est double) : quel est l'enjeu de cette loi et quel objectif vise-t-elle ?
Une loi qui ne concerne que les entreprises établies sur le territoire français pour régler un enjeu numérique, c'est un non sens complet. C'est aussi idiot qu'un prix unique du livre qui ne s'appliquerait que dans un département de France et autoriserait tout de même la vente par correspondance depuis les autres départements. Dès aujourd'hui, la loi ne s'applique ni à Amazon ni à Google ni à Apple. La loi s'en débarrasse en disant que tout cela relève du contrat de mandat (quelqu'un peut-il me dire ce dont il s'agit ?)

Une loi qui parle de livre numérique mais ne s'applique qu'aux acteurs français du secteur se transforme aussitôt en handicap concurrentiel pour les acteurs nationaux. Tant mieux pour les éditeurs belges, canadiens et suisses ;-)
Ensuite, une loi sur le prix de vente numérique qui ne s'applique qu'aux éditeurs papier, c'est un deuxième non sens. Les vrais éditeurs numériques, qui éditent des livres inédits ne seraient donc pas concernés (ce ne sont pas des livres homothétiques, puisqu'il n'y a pas de papier).
Je devine derrière ces paradoxes la vraie nature et les véritables enjeux de ce projet de loi : préserver dans le numérique les rapports de force de l'édition traditionnelle et obliger les petits acteurs à plier le cou devant les gros (Hachette, Editis, Gallimard,...) En d'autres termes, préserver les vents de livre en librairie, pour sauver financièrement les maisons d'édition et leur éviter de faire face aux enjeux qu'elles devraient avoir pris à bras le corps depuis... dix ans
Ma deuxième question découle de la première : en quoi les auteurs doivent-ils soutenir le sauvetage des éditeurs alors que tout montre que l'évolution des l'édition dans les vingt dernières années (regroupement et rachats puis industrialisation à outrance, avalanche de titres, système d'office et de retours aberrants...) s'est faite sur le dos des auteurs, en rongeant petit à petit leurs revenus, leurs à-valoir et leurs droits ?
Il n'y a pas de raison de se montrer solidaire de ce système, bien au contraire.
Le moment serait venu de frapper du poing sur la table, de réclamer des conditions correctes pour les auteurs (aujourd'hui, je suis deux fois mieux payé pour traduire un mauvais roman américain qui ne marchera pas que pour écrire un roman original qui sera republié en poche et adapté pour le théâtre ou le cinéma ! Si l'on compare les à-valoir en usage, les traducteurs sont, en moyenne, deux fois mieux payés que les auteurs ! Et trois ou quatre fois mieux que les auteurs littéraires.

Cette loi prisunic n'aura aucun effet.
Elle n'a pas d'avenir.
Il faut l'abandonner sans même en discuter et se pencher sur la meilleure manière de travailler à l'heure du numérique.


Travailler, ça veut dire publier, diffuser, partager.

Ça ne veut certainement pas dire légiférer, à mon sens. Il est bien trop tôt pour ça.

Il faut créer, publier, diffuser.

Bosser. Contrer. Argumenter.

Ensuite évaluer et, si nécessaire, légiférer avec un objectif concret et un enjeu réel.

 

Le combat sur le Prix unique du livre numérique est un combat qu'il faut perdre pour mieux gagner la vraie guerre. L'enjeu est d'utiliser le numérique comme un tremplin pour faire se rencontrer les textes et les 80% de citoyens alphabétisés par notre système scolaire, dont la grand majorité ne lit jamais ou presque.

(Pas même les merdes industrielles empilées en tête de rayon dans les supermarchés. C'est dire s'il y a du travail ;-)

C'est tout de même une tâche plus noble que de maintenir le petit monde de l'édition en état de marche, vous ne pensez pas ?

18:32 Publié dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : loi, numérique, prisunic, puln, auteurs, littérature, ebook | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer