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31/10/2016

L'odeur du papier imprimé

Aimer les livres n’empêche pas de dire et de penser des conneries. Ni même d’en écrire d’ailleurs. Bien au contraire.

librairie-4.jpgCombien de fois ai-je lu, entendu, subi, la rengaine des amateurs de bouquins imprimés, prétendant qu’avec le livre numérique, on allait perdre l’essentiel : l’odeur du livre, le toucher des pages, le bosselé de l’encre sur le papier épais ou même la beauté des couvertures en quadrichromie glacée ? À chaque fois que ce refrain arrive à mes oreilles, il se superpose aux images tout droit sorties de ma mémoire, où la lecture est à jamais associée aux pages décolorées et ternes, au couvertures fanées et à l’odeur de tabac froid qui accompagne les romans d’occasion, quand ce n’est pas aux feuilles rabotées des collections reliées plein cuir de la bibliothèque des Chiroux, coupées si ras, façon coiffeur militaire, qu’il ne reste plus place dans les marges pour poser les doigts. Si je devais décrire les livres qui m’ont fait voyager pendant l’adolescence, les premiers mots qui me viendraient à l’esprit seraient sans doute : jaunâtres, poussiéreux et malodorants.

Oui, je l’avoue volontiers, la plupart des livres que j’ai dévorés puaient !

Si j’ai évoqué l’odeur de tabac froid, plus haut, c’est par respect pour les sensations des lecteurs de ce petit texte, car l’antre dans lequel j’achetais mes poches d’occasion, à l’entrée de la rue Saint-Séverin, sentait plutôt à la fois la vieille cave, le champignon et le renfermé que le cendrier trop plein. Le libraire colossal aux cheveux gras qui surveillait l’entrée par-dessus la couverture d’un livre auquel je ne prêtais aucune attention avait beau afficher en vitrine quelques vieux Tintin et l’une ou l’autre revue littéraire d’avant-guerre, il n’était pas à proprement parler bibliophile, plutôt – comme bien d’autres – bibliophage, voire biblio-dealeur, transformant sa librairie d’occasion en biblio-souk, en bibliothèque infinie où quelques heures de fouilles ne permettaient pas de sonder les trésors enterrés dans les profondeurs de ces étagères, de ces caisses et de ces bacs, dans les arrière-salles crasseuses, derrière les piles de magazines jaunis, parmi les dons à trier, les rebuts à composter, les livres à emporter. Pour parler de la douce odeur du livre imprimé, dans un taudis pareil, il aurait fallu se boucher les deux narines à la fois et avoir les yeux sérieusement à côté des orbites. (...)

Pour lire gratuitement la suite de cette nouvelle publiée cet automne par les éditions de la Province de Liège, dans le cadre de l'opération "C'est écrit près de chez vous", il suffit de suivre ce lien et de télécharger le fichier epub.

L'image qui illustre ce texte est tirée de ce blog. Ce texte a été écrit à partir de quelques témoignages de lecteurs recueillis en 2015 dans les bibliothèques de la Province de Liège. En plus de ce texte, n'oubliez pas de lire aussi les deux autres nouvelles, écrites par Katia Lanero Zamora et Luc Baba dans le même cadre.

03/10/2012

Le Pape a disparu : de retour sur vos écrans !

La littérature en ligne n'en est pas à ses balbutiements, loin de là. Il y a plus de dix ans, déjà, c'est-à-dire très précisément entre l'année 2000 qui achevait le millénaire précédent et l'an de grâce 2002 qui la suivit de peu, j'ai publié toutes les semaines ou presque, un nouvel épisode d'un roman-feuilleton intitulé « Le Pape a disparu ». On pouvait recevoir le texte par mail ou le lire sur le site Internet de Luc Pire Electronique, on pouvait même l'imprimer si on en avait envie, on faisait ce qu'on voulait, c'était du texte numérique...

Les années ont passé et l'éditeur Luc Pire Electronique a disparu dans les tréfonds du nuage numérique, ainsi que le site qui avait hébergé le roman. Le texte n'était plus disponible.

pape,roman,livre numérique,littérature,ebook,onlit,édition,rentrée littéraireDepuis hier, il fait son grand retour sur toutes les plate-formes de téléchargement, dans une toute nouvelle édition relue et corrigée, chez Onlit Editions (C'est d'ailleurs un plaisir pour moi de participer ainsi à la même rentrée littéraire numérique que Patrick Delperdange et Serge Coosemans, je le signale au passage.)


Qu'y a-t-il donc dans ce livre ?

« Le Pape a disparu » n'est pas un simple roman : c'est une version remixée d'un classique de la littérature pour adolescentes des années 50.

En musique, il est habituel de voir un tube réinterprété, trituré, malaxé par d'autres artistes, pour toucher de nouveaux publics. En littérature, le remix est beaucoup plus rare. Il est même exceptionnel.
Le respect du texte, la vénération de l'auteur, la sclérose générale dans laquelle la littérature se complaît empêchent de jouer avec les œuvres, de se les réapproprier.

Au mieux se permet-on aujourd'hui de rééditer les textes classiques avec de nouvelles couvertures ou de nouvelles illustrations, certains auteurs allant parfois jusqu'à - quelle hérésie ! - adapter des romans en bande dessinée !

A la fin du siècle dernier, j'ai eu envie, avec les moyens dont je disposais, d'aller un peu plus loin.

 

Comment peut-on remixer un roman ?

J'ai tout simplement pris un roman qui m'avait beaucoup plus quand j'étais ado, je l'ai scanné page par page, ce qui, je l'avoue m'a pris pas mal de temps. Je l'ai passé entièrement à la reconnaissance optique puis, à partir du fichier texte, je me suis laissé aller : j'ai changé le personnage principal et j'ai regardé ce qu'il advenait de l'histoire racontée.

Je n'ai donc pas entièrement écrit ce livre : je l'ai réécrit. À partir d'une trame, de personnages, de lieux, de phrases et de rythmes qui préexistaient.

Je me suis beaucoup amusé et j'ai l'impression que les lecteurs à l'époque de la diffusion en ligne s'amusaient beaucoup eux aussi.

 

Une nouvelle vie pour un texte disparu

Aujourd'hui, les moyens de diffusion numérique permettent de rendre ce roman accessible sur tous les appareils de lecture : sur votre téléphone, votre ordinateur, votre liseuse, votre tablette numérique.
Deux clics et c'est parti, pour 4,99 EUR le livre est à vous, vous pouvez le dévorer.

Le lire et le relire, le faire passer de votre tablette à votre PC, de votre smartphone en forme de pomme à votre vieux Commodore 64 tiouné.

Vous n'avez jamais lu de livre numérique ?

C'est l'occasion rêvée de vous y mettre car ce titre n'arrivera jamais en papier chez votre libraire.

 

Et les droits, là-dedans ?

Quand j'ai publié le roman-feuilleton en ligne il y a dix ans, je n'avais l'autorisation de personne : l'éditeur original avait fait faillite, l'auteur écrivait sous pseudonyme et était décédé, je n'avais aucun moyen d'entrer en contact avec les ayants-droit.

Puis le hasard d'un article en ligne, puis le site d'un collectionneur bien informé m'ont permis, via Facebook et les mails, d'entrer en contact avec les enfants de l'auteur. Je leur ai présenté mon projet, ils ont eu l'occasion de lire le texte, ils m'ont donné leur accord. Ce livre-ci n'est donc plus un bootleg mais un remix officiel.

Qu'ils en soient mille fois remerciés.

13/03/2011

Les ours n'ont pas problème de parking - résumé

C'est une des requêtes que je préfère, parmi celles que j'observe dans les statistiques de ce blog :

Les ours n'ont pas problème de parking - résumé

Existe-t-il une demande plus spécifique et plus transparente ?

J'imagine l'élève stressé, la veille du jour de l'interro, qui cherche à se débarrasser au plus vite de son devoir. Plutôt que lire les neuf histoires qui composent le recueil de nouvelles, il cherche si le web ne propose pas une solution clef sur porte.

Eh bien, non.

On ne trouve pas de résumé en ligne de ce recueil de nouvelles pour la raison toute simple qu'un recueil ne se résume pas. Ce n'est pas un roman. Il faudrait neuf résumés. Et résumer des nouvelles prend bien plus de temps que les lire, tout simplement.

Mais il se peut que l'élève stressé ait tout simplement oublié d'acheter le recueil (pourtant disponible dans toutes les librairies grâce à la version de poche publiée par Pocket), voilà qu'Internet peut désormais lui venir en aide !

 

coverours.jpg

 

"Les ours n'ont pas de problème de parking" sont désormais disponibles en ligne sur publie.net au prix de 3,49 EUR. On peut les lire instantanément sur son ordinateur, son téléphone intelligent (bon, ok, on dit Smartphone mais le sens est le même), sur son iPad ou sa liseuse, qui sait.

Et dans tous les cas, le texte est le même... Bonne lecture à toutes et tous !

 

27/02/2011

Le lecteur est-il propriétaire du texte qu'il lit ?

Littérature, édition numérique, netflix, amazon, Apple, livre numérique, éditosauresAmis lecteurs, que vous soyez fidèles de ce blog ou simplement de passage, vous ne suivez pas nécessairement les débats, parfois complexes, qui se tiennent autour de l'avenir de l'édition, à l'ère de la révolution numérique. Et je vous comprends, ils ne sont pas toujours passionnants, la discussion prend trop souvent la tournure d'une querelle entre Anciens et Modernes, défenseurs de l'odeur du papier contre amateurs d'innovations technologiques.

 

(Je signale aux premiers que les ordinateurs aussi ont une odeur et un bruit de ventilateur dont nous serons nostalgiques dans vingt ans et aux seconds que les poubelles sont remplies de gadgets qui devaient révolutionner notre vie quotidienne. Mais cette querelle stéril n'est pas l'obejt de ce billet. Je m'égare)

 

 

Une question essentielle qui surgit, pour savoir vers quel modèle économique l'édition numérique doit s'orienter est de savoir si le lecteur se sent propriétaire du texte qu'il veut lire.

 

Quelle question étrange, me répondrez-vous ! Pas tant que ça, quand on l'explique en détail.

 

En effet, on oppose en ce moment le mode de consommation du cinéma, où l'on regarde un film sans nécessairement le posséder (par exemple quand on va le voir en salle, quand on le regarde à la télévision ou quand on le loue au vidéoclub) et la consommation de musique, où les fans purs et durs veulent « acheter un disque », pour parler en termes prénumériques, c'est-à-dire aujourd'hui acheter (ou télécharger gratuitement) un fichier permanent qu'ils pourront copier d'un ordinateur à un baladeur mp3 et ainsi de suite.

 

 

En cinéma, le modèle de commercialisation numérique qui semble avoir le vent en poupe aujourd'hui, c'est Netflix, un service où pour 7$ par mois, vous pouvez regarder autant de films que vous le souhaitez, en streaming, sur votre ordinateur, en toute légalité. Vous ne possédez pas le film, vous n'en gardez pas de copie sur votre disque dur, vous payez juste pour le droit de le regarder (comme quand vous regardez un petit film sur Youtube – tiens, celui-ci, au hasard ;-) Amazon propose le même type de service, où l'on paie à la "location", pour le moment. Le forfait devrait suivre.

 

 

En musique, en revanche, le modèle le plus répandu est celui d'iTunes (je ne mets pas de lien : Apple fait bien trop de pub dans le monde entier pour que je leur fasse ce plaisir) où l'on paie pour acheter un fichier numérique, que l'on peut ensuite plus ou moins copier selon les droits acquis et les vendeurs qui les cèdent. D'autres modèles existent aussi, comme Spotify, qui offre le service de base gratuitement et légalement (on peut écouter en ligne mais pas copier; quand on paie l'abonnement, on peut avoir accès à tout moment aux morceaux qu'on a téléchargés) ou LastFm, qui, pour un abonnement mensuel (3$ au Canada, je pense) donne accès à tout un catalogue, à des radios et des playlists.

 

 

Et la littérature dans tout ça ? Très bonne question, cela fait plaisir de voir que vous suvez, merci de m'aider à garder le fil de ce billet.

 

 

Les éditosaures, ces éditeurs papier qui ont peur du numérique - et redoutent tant de s'y aventurer qu'ils ne regardent même pas ce qui s'y fait en ce moment - ne pensent qu'au vieux modèle de la chaîne du livre. Ils se demandent comment l'appliquer au monde numérique. Ils veulent alors vendre les livres à la pièce, à un prix prohibitif (80% du prix du livre papier), via des librairies en ligne et hurlent au scandale quand Apple ponctionne 30% sur les ventes de livre, alors que ces mêmes éditeurs cèdent au moins 35% à la Fnac, à Cultura et aux grosses librairies, quand ce n'est pas beaucoup plus.

 

 

Ils viennent même de convaincre le système législatif français à mettre en place un prix unique du livre numérique aberrant, qui oblige tous les acteurs français du marché (donc pas Apple, Amazon et Google) à vendre le livre numérique au même prix, fixé par l'éditeur. Une manière pour eux d'empêcher le marché d'évoluer et sassurer ainsi que pendant quelques années ils peuvent conserver leur quasi monopole sur l'édition-distribution dans l'Hexagone. (Une stratégie d'autrcuhe qui les perdra, mais ce n'est pas l'objet de ce billet.)

 

 

Certains éditeurs purement numériques, comme publienet sont déjà passés à la formule abonnement, où tout le catalogue est accessible à volonté pour un forfait annuel. Smartlibris propose également un service similaire pour 9,9 EUR par mois, mais comme il est dédeloppé pour l'iPad en rpiorité, son succès risque d'être limité (le parc d'iPad francophones n'est pas encore très étendu et tous les propriétaires ne sont pas des lecteurs, bien entendu). Amazon prépare très certainement le même genre de forfait pour son lecteur maison (le Kindle) bientôt et il n'est pas impensable que des acteurs historiques comme France Loisirs, Harlequin, ou des aventuriers plus récents comme les éditions Bragelonne, proposent à leur tour une formule du même type. On lit à volonté, on n'achète pas le livre mais le droit de lire, sur son ordi, son téléphone portable, sa liseuse, peu importe. Dans le cas de publienet, on reçoit tout de même le fichier, on peut le copier, l'imprimer...

 

 

La question importante arrive alors. Le lecteur veut-il être simple locataire du texte, comme le spectateur d'un concert ou d'un film, l'usager d'une bibliothèque publique, ou propriétaire, comme le collectionneur de DVD, l'acheteur de musique sur iTunes ou le bibliophile ?

 

 

À mes yeux, l'auteur est toujours propriétaire du texte qu'il a produit au départ (c'est le fondement du droit d'auteur iamginé par Beaumarchais) mais le lecteur ne sera jamais un simple locataire, bien au contraire.

 

C'est lui qui héberge le texte dans sa tête, qui transforme les mots (ces petits machins morts qui n'en ont pas l'R) en images, en sensations. Il ne loue pas plus les textes qu'il ne loue ses vacances : il les vit, tout simplement. Et les souvenirs de cette vie-là, celle de la fiction, personne ne pourra les lui enlever.

 

Bien heureusement, d'ailleurs.

 

La littérature n'est pas un objet, c'est un mouvement, c'est une expérience qui se sent, s'éprouve et se comprend, simultanément, dans un étrange mélange, quel que soit le support.

 

Numérique ou papier.

 

Vieux livre de poche tout puant ou bel écran rétroéclairé, texte lu à travers la radio crachotante ou fraîchement imrpimés sur papier bouffant.

 

Une fois franchie la frontière de la fiction, on entre de plein pied dans un univers all-inclusive qui n'appartient qu'aux leceteurs, où chacun se fabrique son film, ses photos et ses amours de vacances.

 

PS : En illustration, un panneau d'affichage en tête de rayon vu dans une librairie anglophone hier à Montréal.

 

MISE A JOUR : le début de conversation avec Franck Queyraud dans les commentaires ci-dessous a donné naissance à un billet très intéressant sur le rôle des bibliothèques dans ce futur environnement numérique. À lire dans la foulée.

30/01/2011

Livre numérique et livre papier - le vieux débat

ordicarton.jpgUne étudiante vient de me poser par mail une série de questions sur la littérature numérique pour son travail de fin d'études.

Comme j'aime partager, je mets les réponses à disposition ici pour les lecteurs qui passent et en guise de suite au vieux texte que j'avais rediffusé il y a quelques jours.

Si vous avez d'autres questions et des réactions, n'hésitez pas à les partager !

1 - Publiez-vous vos livres sur internet et sur papier ?


Je publie constamment sur support numérique : j'anime deux blogs, je suis actif sur Twitter et Facebook. Tout ça, c'est de la publication numérique sur Internet. Parfois j'utilise ces canaux pour diffuser des textes littéraires mais ce n'est pas toujours le cas. Je publie aussi dans des revues numériques littéraires comme Bon-à-tirer ou ONLiT.

Contrairement à d'autres auteurs, je n'ai pas de lieu spécifiquement dédié à la publication littéraire sur le web : je mélange des bouts d'écriture de fiction avec des infos sur des sujets d'actualité, des idées pour tenter de faire avancer certains débats éternels, des infos pratiques...

J'ai publié pour la première fois un texte littéraire exclusivement en ligne en 1998. En Belgique, j'étais parmi les premiers auteurs à utiliser Internet pour diffuser des textes, gratuitement bien entendu. Depuis lors, nous sommes quelques millions à publier de la littérature en ligne... Sur le web, il n'y a pas lieu de distinguer un texte de quelques lignes, un commentaire, un site complet ou un fichier PDF. Les oeuvres numériques ne sont pas encore fixées en genres littéraires. Certains « auteurs » de statuts Facebook sont de vrais aphoristes alors que bon nombre de poètes qui proposent leurs textes en ligne me laissent plutôt de marbre.

Bien que je publie non stop en ligne, en coulée continue, à de rares exceptions près, la première diffusion de mes textes est presque toujours sur papier, parce que j'ai la chance d'avoir des éditeurs traditionnels qui ont encore envie de publier mes livres. Le monde du livre en librairie et celui des mots échangés numériquement sont en quelque sorte des univers parallèles et des médias indépendants.


2 - Que pensez-vous du récent engouement pour le livre numérique ? Selon vous, les lecteurs sont-ils réellement demandeurs ?


Dernièrement, on assiste avant tout à un engouement médiatique, que l'on analysera sans doute plus tard comme la plus belle manœuvre du service relations publiques d'Apple. Apple a mis les rédactions de presse du monde entier dans sa poche avec l'iPad, en faisant miroiter aux journaux que la presse écrite avait de l'avenir grâce à cette plate-forme. Les journaux adorent y croire, du coup, ils poussent de toutes leurs forces pour qu'arrive enfin le jour où tout le monde lira sur des tablettes payantes et où les éditeurs pourront continuer à vendre leurs journaux « comme avant ». Si on prend un peu de recul, on se rend compte que l'iPad d'Apple n'offre rien de bien neuf. Il propose ce qu'une tablette PC permettait déjà il y a dix ans, avec le sans fil en plus. On n'a plus besoin de stylet, mais sinon...

Les lecteurs sont-ils demandeurs ? Franchement, de nos jours, tout le monde se fout de ce que souhaitent les lecteurs, semble-t-il. On fait acheter ce qu'on veut aux gens si on le matraque suffisamment avec de la pub bien ciblée. Je pense que cet hiver a été la première année où les fabricants et les détaillants se sont mis à faire croire aux gens que c'était cool d'acheter des liseuses (Kindle, iPad, clones de toutes marques...) et, du coup, les ventes ont suivi. Les lecteurs sont soudain demandeurs parce qu'ils ont envie du gadget à la mode, pas parce qu'ils ont envie de lire sur écran.

La technologie a très peu changé au cours des dix dernières années. C'est le marketing qui fait soudain mousser de vieux engins technologiques. Les écrans à encre numérique ont fait des progrès incroyables mais ça ne se voit pas (pour le consommateur d'aujourd'hui, ce sont d'horribles écrans gris et noir), du coup les acheteurs foncent sur l'iPad et son écran scintillant plein de couleurs. Faites le test avec un bébé de vingt mois, lui aussi est plus attiré par l'écran en couleur qui bouge que par les lecteurs noir et blanc pourtant bien mieux pensés pour la lecture de livres.


3 - Pensez-vous que le livre numérique constitue une menace pour le livre papier ? A-t-il une place durable dans notre société ?


La lecture numérique a déjà pris une place considérable dans nos habitudes, grâce à Internet. Tout le monde ou presque lit déjà sur écrans. Et cela mange du temps, qu'on vole à d'autres médias : à la télé (c'est une bonne chose), à la lecture de presse (c'est considérable), à la lecture de livres (on constate une érosion des ventes de livres)... De là à ce qu'un média remplace l'autre ou le menace, il y a un pas que je ne franchirais pas tout de suite. Le cinéma n'a pas tué le théâtre ni la télé la radio. Mais l'imprimerie a remplacé la copie manuscrite dans de nombreuses fonctions. Le changement profond qui s'annonce, ce n'est pas le livre numérique qui menace le livre papier... c'est le papier numérique qui menace le papier traditionnel. Et ce bouleversement, nous allons le connaître dans les cinq ans à venir, je pense, du moins en Asie, où les unifs abandonnent le livre papier et les cahiers au profit de tablettes légères et bon marché où l'on lit et écrit. C'est annoncé en Chine pour 150 millions d'étudiants et en Corée pour tous les élèves. On interdit tout simplement les livres scolaires imprimés pour des raisons économiques et écologiques. Et parce qu'il n'y a pas assez d'arbres sur terre pour imprimer les livres dont la Chine a besoin.

Le livre numérique, sur ces nouveaux supports et sur d'autres à venir a évidemment une place durable. Essayez de trouver aujourd'hui une manuel d'utilisation de logiciel, de périphérique fourni autrement qu'en fichier PDF... Ça n'a pas pris dix ans pour que les manuels techniques basculent dans le numérique. D'autres exemples vont suivre et certains domaines, comme le roman, résisteront mieux que d'autres car ils sont parfaitement adaptés au support papier et ne supporteront pas bien la transposition numérique. Mais dans d'autres secteurs comme la presse écrite, la diffusion web en temps réel est autrement plus efficace que le journal imprimé une fois par jour...

4 - Possédez-vous une tablette numérique ? Pourquoi ?


Non, mais je lis énormément sur mon ordinateur portable, qui ne sert pas qu'à ça. Je n'ai pas l'intention d'acheter une liseuse tant que ce sont des objets chers et fermés. Le jour où on commercialise le papier électronique à 20 EUR pour un format A5, alors je m'y mets.


5 - Depuis l'année passée, les maisons d'éditions se sont-elles adaptées aux livres numériques ? Ont-elles mis en place certaines structures ?

Pourquoi depuis l'année passée ? Cela fait plus de dix ans que les maisons d'édition traditionnelle ne bouge pas et, au mieux, tentent de vendre des versions numériques de leurs titres au même prix que le papier ou presque. Elles ont peur de ne plus vendre de livre papiers. Or, on ne crée rien de bon quand on est motivé par la peur. Aujourd'hui, on ne vend presque pas de livres numériques mais on diffuse tous les jours des millions de contenus gratuitement sur le web.

6 - Selon vous, en tant qu'auteur, quel est l'avenir réservé aux librairies et bibliothèques ?

Les librairies et les bibliothèques, dans la chaîne du livre sont des intermédiaires entre les lecteurs et les livres, ils permettent de guider les premiers vers les seconds soit par des conseils (parfois), le plus souvent par une sélection et la mise en évidence des œuvres dans l'espace où circulent les lecteurs. Dans l'univers numérique, ce rôle existe encore, mais il n'est pas joué par des professionnels, aujourd'hui. Les lecteurs recommandent sur les réseaux sociaux les textes qu'ils ont aimé (livres, billets, blogs...). Ils les aident à circuler, à trouver leurs lecteurs.

23:16 Publié dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : interview, nicolas ancion, livre numérique, ebook | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer

14/04/2009

Le livre que je n'ai pas lu

ancion.jpgJ'aime beaucoup dire, en boutade, que je n'ai pas lu tous mes livres. Je ne suis pas le seul, d'ailleurs; une consoeur plus connue (et plus lue) que moi, Victoria Beckham avait un jour déclaré en intreview n'avoir jamais lu un seul livre de sa vie. La journaliste - pas très douée pour la répartie, malheureusement - n'a pas pas pensé à lui poser la question qui m'aurait brûlé les lèvres : "et le livre que vous avez publié vous-même, vous ne l'avez pas lu non plus ?" En réalité, la réponse va de soi, elle ne l'a pas plus lu qu'elle ne l'a écrit. Et l'interview touche à sa fin (si vous posez des questions pareilles, d'ailleurs, vous ne risquez pas d'interviewer souvent des ex-spice girls anorexiques).

Je réponds parfoir que je n'ai pas relu entièrement la version du texte qui a finalement été publiée par l'éditeur pour certains de mes romans. Quand on en est aux quatrièmes corrections sur un même manuscrit, on fait comme tout bon lecteur, on saute des passages (surtout qu'on les connaît par coeur ou presque). Mais dans le cas qui nous occupe, c'est parfaitement vrai, je n'ai pas lu la version numérique de "Comme un donut perdu dans un champ de tabac" que je publie au Québec chez Robert ne veut pas lire. Et cela pour deux raisons.

La première c'est que je ne possède aucun des outils sophistiqués sur lesquels ces livrels se laissent lire avec plaisir (Kindle, Reader, iPhone et autres PDA 3G). La seconde c'est que le roman n'est pas encore achevé, je l'écris par épisode et, même si j'ai une longueur d'avance sur mes lecteurs, je n'en sais guère beaucoup plus qu'eux.

Grâce à ce blog (joliment nommé De tout sur rien), néanmoins, j'ai pu découvrir à quoi ressemble mon livre en version publiée. C'est joli, on dirait une vieille télé monochrome. Pourvu que ce que je publie ne soit pas aussi fade que les feuilletons de l'époque !