22/06/2012
Ventes d'eBooks aux USA : belle progression mais tout de même...
Je suis un peu étonné de lire les titres hyperboliques qui annoncent par exemple que " les ebooks ont dépassé les livres reliés sur le territoire américain !" (titre de la newsletter de Lettres Numériques reçue ce matin) et je leur préfère des accroches plus pondérées comme "l'ebook réalise près de 30 % des ventes du 1er trimestre" (sur Actualitte.com) car si vous regardez le tableau de près (il est disponible dans les deux billets cités), vous verrez qu'aux USA on distingue les livres à couvertures rigides et les livres à couverture souple, une nuance importante puisque tout ça, chez nous, sont des livres papier (et certains souples sont des poches, d'autres seraient inclus chez nous dans le grand format).
La seule conclusion qu'on peut tirer de ces chiffres, c'est donc que le numérique progresse aux USA à vitesse grand V et que sa part de marché a dépassé au premier trimestre celle des livres à couverture rigide.
De là à dire qu'il se vend désormais plus de livres en numérique qu'en version imprimée, il y a vraiment un pas que seule une méconnaissance de la langue anglaise et du marché du livre anglo-saxon permet de franchir.
Il me semblait important de préciser cela.
J'ajouterais également que le livre numérique offre un marché mondial aux livres américains. Ceux qui ont acheté un Kindle d'Amazon, par exemple, savent à quel point il est facile d'acheter en un clic un roman américain récent et commencer la lecture dans la foulée, alors qu'un lecteur québécois doit encore attendre des semaines, voire des mois, pour se faire livrer à prix d'or un exemplaire papier du roman qui le tente, importé depuis la France, la Suisse ou la Belgique.
Le marché francophone dans son ensemble reste largement à la traîne. Les éditeurs historiques, après avoir raté le train de l'édition numérique en 1999-2000, ont préféré tenter de faire interdire les gares en France plutôt que monter dans le train en marche.
On peut rire aujourd'hui en regardant les VRP du SNE courir à toutes jambes après le TGV, leurs valises pleines de lourds livres imprimés bien encombrants. On se dit qu'on est mieux assis dans le train, avec un PC sur les genoux, une tablette sans clavier (vous voyez, genre iPad mais moins cher, ou iPad pour ceux qui sons sensibles au marketing d'Apple), une liseuse ouverte ou un Kindle bien fermé, à télécharger des livres directement des USA.
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11/06/2012
Google - SNE - SGDL : accord sans accord ?
QUELQUES MODIFICATIONS A CETTE NOTE, EN BAS, POUR MISE A JOUR :-)
Je ne sais pourquoi, depuis l'annonce ce matin d'un accord historique entre Google, la Société des Gens de Lettres (SGDL) et le Syndicat Nationale de l'Edition (SNE), j'ai l'impression que quelque chose ne tourne pas rond. Ca m'a chipoté une bonne partie de la journée, comme un caillou dans la chaussure.
Je ne voyais pas de quoi sabrer le champagne, c'était certain, surtout que cet accord semble venir mettre fin à un procès où les éditeurs avaient gagné en première instance face à Google...
Puis soudain, ce soir, ça m'est revenenu, comme une évidence.
Comment le SNE et la SGDL peuvent-ils signer ensemble un accord sur la numérisation des textes sous contrat d'éditeur alors que ces deux mêmes associations professionnelles ne sont pas d'accord sur la gestion des droits numériques ???
A moins qu'un changement ne soit intervenu depuis mars 2011, les deux associations ont interrompu leurs négociations sur les droits numériques. La position de la SGDL est lisible ici, on y voit aussi la position de la partie adverse. En clair, éditeurs et auteurs ne sont pas d'accord sur la manière de gérer le patrimoine numérique au sein des contrats d'édition.
Comment peuvent-elles aujourd'hui signer d'une seule plume un accord sur de la numérisation de textes, s'ils ne sont pas d'accord sur les principes mêmes de l'exploitation numérique des oeuvres ?
Il y a là un paradoxe que je ne m'explique pas et que personne ne semble avoir remarqué...
Mais je serais ravi d'apprendre que c'est moi qui me trompe et que les auteurs et éditeurs ont désormais trouvé un accord cadre sur la façon dont doivent être gérés les droits numériques.
Si vous avez une explication, n'hésitez pas à rebondir ou à commenter !
PS : si vous avez accès à Facebook, prenez le temps de lire le joli "Conte de méfaits" de Yal Ayerdhal sur cet accord historiquement étonnant.
PPS : Si vous n'avez pas accès à Facebook, le même texte d'Yal Ayerdhal est repris sur le blog d'Actualitte.
MISE A JOUR (15h53 -12/6/2012) : dans un article détaillé, le site Actualitte.com a demandé des explications à la SGDL. Mes interrogations semblent être le fruit d'une confusion. Il n'y a pas d'accord à trois mais deux accords séparés, l'un entre Google et le SNE et l'autre entre Google et la SGDL, pour mettre fin à une seule action en justice, et qui sont rendus publics au même moment le même jour par le plus garnd des hasards. Simple coïncidence donc, puisque les négociations se sont tenues distinctement.
Hum. Hum.
J'ai du mal à croire aux coïncidences, je vous laisse donc lire l'article et juger par vous-même si l'on peut croire à ce genre de conte de fées.
22:03 Publié dans Ecriture, Édition numérique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : google, édition numérique, sne, sgdl, accord, contrat | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
09/06/2012
Interview sur les droits d'auteurs et le numérique
J'ai eu le plaisir de répondre aux questions de Stéphanie Michaux, du site Lettres Numériques, à propos des bouleversements amenés par le numérique dans la sphère éditoriale. Cette brève interview a fait pas mal de vagues hier. Elle a été reprise par le site Actualitte.
Je vous glisse ici le début du dialogue, à vous d'allez lire la suite sur l'un des deux sites si vous le souhaitez. Et j'espère que le débat pourra alors avancer sereinement, sur les questions importantes.
N'hésitez pas à réagir, ici ou sur le site Actualitte ou via Facebook ou Twitter.
Bonne lecture et à bientôt !
Pour commencer quel est l’impact du numérique pour les auteurs et notamment l’exploitation de leurs œuvres ?
Dans un contrat d’édition, auteur et éditeur s’accordent sur les modalités de gestion totale des droits patrimoniaux d’une œuvre qui concerne aussi bien les droits de traduction, de merchandising ou d’adaptation cinématographique. S’ils disposent de ces droits, les éditeurs ne les exploitent que très peu. Avant le numérique, l’éditeur était contractuellement tenu d’assurer la mise en vente des ouvrages. Aujourd’hui, non seulement, les contrats incluent une clause sur l’exploitation numérique des ouvrages, mais les formulations ont été revues et l’éditeur se doit d’assurer une diffusion commerciale en continu des œuvres de l’auteur. Autrement dit, et c’est comme ça que je le perçois, la seule possibilité qu’avait un auteur pour résilier un contrat d’édition en évoquant le fait que le livre papier était épuisé, est à présent caduque.
C’est une conséquence directe de l’arrivée du numérique : les clauses juridiques se complexifient et engagent les auteurs et les éditeurs sur un partenariat quasiment à vie. Les auteurs ne peuvent plus se séparer d’un éditeur dont ils ne sont pas satisfaits et les éditeurs souhaitent disposer de l’ensemble des droits d’exploitation d’une œuvre même s’ils dorment dessus. J’en ai fait l’expérience. Un éditeur a par exemple refusé de me racheter les droits d’un de mes titres parce qu’il avait fait l’objet d’une adaptation sous la forme d’une application pour iPhone. Le contrat n’a pu être signé que lorsque l’application a été retirée du catalogue d’Apple.
Selon vous, quelle devrait être la durée d’un contrat d’édition ?
Je ne me prononce pas en faveur d’un contrat d’auteur qui s’applique 70 ans après la mort de l’écrivain, c’est une première chose. Ensuite, je pense qu’un contrat d’édition qui couvrirait une période entre 7 et 10 ans serait préférable. Tout d’abord, il obligerait l’éditeur à bien faire son travail et à envisager toutes les exploitations possibles de l’œuvre. Ce contrat serait, qui plus est, reconductible et permettrait une meilleure relation entre les deux parties. Je m’explique : tous les 7 ans, l’auteur et l’éditeur se reverraient, feraient le bilan et décideraient ensemble de la suite des évènements.
08:16 Publié dans À lire en ligne, Ecriture, Édition numérique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : édition numérique, édition, nicolas ancion, droit d'auteur, interview | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
14/03/2011
Auteurs, lecteurs, éditeurs et bibliothécaires sans DRM
Non, les DRM (ces restrictions de droits, sous forme de verrous sur les fichiers numériques, qui vous empêchent de copier un livre numérique de votre PC à votre liseuse, ou de le donner à un ami après lecture, par exemple) ne sont pas une nécessité.
Non, copier un fichier pour le donner à lire à un lecteur intéressé n'est pas un acte de piraterie.
Le livre numérique peut circuler sans DRM, il doit même le faire s'il veut vivre longtemps.
Afin de vous faire entendre, diffusez ce symbole anti-DRM, dans vos ePub, sur vos sites et vos blogs.
Affichez le logo et montrez votre opposition à ces systèmes de protection qui entravent le bon usage d’un ebook, gâchant l’expérience de lecture et font du lecteur contagieux un pirate.
Vous êtes lecteur, éditeur, bibliothécaire ?
Vous trouverez sur le site eBouquin les différents logos téléchargeables qui vous correspondent !
15:58 Publié dans Ecriture, Trucs en ligne que j'aime | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : édition numérique, lecture, écriture, édition, drm, liberté | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
12/03/2011
Thierry Crouzet - L'édition interdite
J'ai eu le plaisir de faire partie des tous premiers lecteurs de L'édition interdite de Thierry Crouzet (publiée par Numeriklivres). Thierry y développe de nombreuses idées au sujet de l'édition numérique et des changements de paradigme qu'elle entraîne.
Thierry Crouzet est enthousiaste de nature, ce qui est mon cas également, et je partage donc son point de vue optimiste sur bien des points ; en revanche, je ne le suis pas toujours dans certains raisonnements ultimes, que je trouve parfois trop absolus ou idéalistes.
Il les contredit lui-même à plusieurs reprises et ce n'est pas grave, car il a pris soin de mettre en exergue une belle citation de Walt Whitman pour rappeler que la contradiction fait partie intégrante de l'univers de tout auteur.
En outre, les commentaires des premiers lecteurs sont intégrés dans le texte lui-même, sous chacun des paragraphes numérotés, et ouvrent ainsi une discussion à plusieurs voix, où le lecteur peut choisir son camp (mieux encore, trouver un nouveau point de vue plus intéressant).
Comme un exemple vaut mieux qu'un long discours, voici trois extraits du texte, avec les commentaires qui les suivent :
32 20
En devenant capables de s’autopublier à coût nul,
les auteurs gagnent leur liberté. L’autopublication
électronique nous ramène au jardin d’Éden, quand
les auteurs n’avaient pas encore croqué la pomme
qui allait les ranger en deux catégories, ceux promus
aux Paradis et ceux condamnés aux Enfers.
20 [Ancion] Tout d’un coup, je me demande ce que tu entends par auteur.
Tous les adultes des pays développés qui ont achevé la scolarité obligatoire
(c’est-à-dire un peu plus de 80 % de la population) sont capables d’écrire,
d’exprimer des idées, de raconter des histoires, de noter des souvenirs. 80 %
de la population est-elle composée d’auteurs ? Je ne le pense pas du tout.
Un auteur n’est pas simplement quelqu’un qui écrit, pas plus qu’un architecte
n’est « un type qui dessine des maisons sur du papier ». Je ne pense pas
que la question trouve une réponse simple, je déteste en particulier la distinction
imposée par Barthes entre « écrivant » et « écrivain », et pourtant je
pense qu’il y à là une problématique fondamentale, en particulier en ces
temps de grand chambardement où tout le monde peut publier, commenter,
encenser… Ça mériterait en soi un essai, ce sujet-là. [Crouzet] Plus tard, je
dis que les lecteurs décident, c’est eux qui font les auteurs.
122 67
Quand un auteur s’autopublie, c’est souvent après
avoir essuyé le refus des éditeurs. Il est vexé, remonté
contre le système. Il peut finir par être enragé et
c’est ainsi qu’il rejoint la guérilla contre les structures
de domination.
67 [Ancion] Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue. Je publie chez des
éditeurs depuis 1995 et je publie en ligne depuis 1998, j’étais dans le numérique
avant les éditeurs d’aujourd’hui (je fus même éditeur numérique pendant
trois ans, il y a 11 ans de cela), je n’ai jamais considéré l’édition numérique
comme une option qui s’ouvrait après le refus des éditeurs, c’est exactement
l’inverse. J’ai publié avec succès chez des éditeurs des textes déjà
disponibles gratuitement en ligne et personne n’a rien trouvé à y redire.
[Crouzet] Ton exemple ne contredit pas ce que je dis. Quelques auteurs sont
dans ton cas, la majorité des autres non. La plupart ne seront jamais édités
en ligne ou hors-ligne. Et ils en éprouveront un vif ressenti contre les structures
éditoriales.
132 69
J’éprouve plus de satisfaction quand je signe un
contrat avec un éditeur capitaliste qu’un éditeur réticulaire.
Le capitaliste me fait un chèque. Il m’offre
quelque chose qui est rare dans la société : l’argent.
Le réticulaire m’offre son temps, c’est-à-dire sa vie. Je
devrais lui accorder une valeur inestimable. Souvent
je n’y arrive pas. Je suis encore engluée dans l’ancien
paradigme que je réprouve.
69 [Ancion] C’est parce que tu n’as pas admis qu’un écrivain doit aussi être
autonome et chercher aussi sa réussite économique. Si tu admettais cela, tu
comprendrais pourquoi l’édition réticulaire n’est pas aussi gratifiante. Il lui
manque un pan commercial que tu refuses d’accepter, mais dont tu as besoin
pour vivre. Rien ne sert d’entretenir la douce illusion qu’on peut vivre
sans revenu… C’est le mythe que les éditosaures préfèrent : il leur permet de
ne pas rétribuer les auteurs, puisque ceux-ci n’oeuvrent que pour la gloire et
le bonheur d’écrire… [Crouzet] Si je vends un livre à un million d’exemplaires,
j’en serais heureux. L’argent n’est pas du tout sale pour moi, ni méprisable.
Au contraire, j’aime le luxe. Je ne néglige pas le pan commercial, je ne
veux pas qu’il soit prioritaire. C’est différent. D’ailleurs, il ne pourra jamais
être prioritaire que pour une minorité d’auteurs et cette minorité, à elle
seule, ne produira aucun glissement éthique. De plus, un éditeur réticulaire
peut au final me faire gagner autant d’argent qu’un éditeur capitaliste. Je ne
vois pas pourquoi à l’avenir l’ancien modèle resterait le plus profitable. C’est
juste qu’aujourd’hui la perspective d’une avance sur recette me donne l’illusion
d’un engagement plus fort, ce qui n’est pas nécessairement le cas. J’aimerais
me défaire de ce sentiment… pas de l’idée de gagner de l’argent.
Voilà trois extraits, lisez le reste du texte, vous y trouverez nombre d'idées stimulantes, j'en suis certain.
Ces idées m'ont d'ailleurs si bien stimulé que je prépare pour très vite un nouveau billet sur ce que devient, à mes yeux, le rôle d'un auteur à l'ère de l'édition numérique.
Encore un peu de patience...
21:54 Publié dans Notes de lecture, Trucs en ligne que j'aime | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : édition numérique, thierry crouzet, numeriklivres, édition interdite, ebook | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
Interview sur le livre numérique
J'ai répondu aux questions d'une étudiante de fin de secondaire au sujet du livre numérique.
Comme le texte était encodé, je me suis dit que ce serait une bonne idée de le partager.
C'est ce que je fais ici :-)
Et je remercie Marie Bragard pour ses questions. Bonne chance à elle pour son travail !
1- Pensez-vous que le rôle des auteurs va devoir évoluer dans l'avenir ?
Je pense que le rôle d’un auteur, de manière générale, est toujours d’évoluer et de réinventer leur travail. Les auteurs ne sont pas là pour répéter des formules toutes faites et des recettes connues. Les oeuvres qui me plaisent le plus, celles qui me marquent, comme lecteur, sont toujours celles qui innovent, qui trouvent une nouvelle façon de raconter, en littérature, en cinéma, en bande dessinée comme en théâtre.
L’arrivée du numérique offre une opportunité exceptionnelle : les recettes ne sont pas encore fixées, figées, il faut les créer en même temps que les oeuvres. Cela faisait longtemps que la littérature n’avait plus eu une telle opportunité de vraiment tout remettre à plat. A mes yeux, la dernière grande brassée de ce genre, c’est l’effervescence de la bande dessinée dans les années 1990, quand des auteurs ont tourné le dos à l’édition industrielle pour réinventer leur façon de faire de la littérature en images.
2- Pensez-vous que le livre numérique soit une réelle menace pour le livre papier? Tend-il à le remplacer ou au contraire sont-ils complémentaires?
Le numérique est déjà bien en place et il a tué le livre papier dans certains secteurs, où le papier était plutôt un handicap, par exemple pour les modes d’emploi de logiciels (on ne les reçoit plus que sur fichier, téléchargeable ou sur CD-Rom) ou la presse d’information rapide (presse quotidienne mais surtout information sur l’actualité à chaud), et même pour l’édition scientifique et universitaire, où les lecteurs sont parfois nombreux mais répandus à travers le globe.
Le livre papier subsistera mais dans des niches, tant que le public sera prêt à acheter ce genre de support et que les éditeurs seront assez passionnés pour y consacrer leur énergie. Je vois bien la bande dessinée indépendante et la littérature pointue poursuivre la vente en librairie, pour un public restreint. Sans doute l’édition industrielle parviendra-t-elle encore à vendre des livres pour les vacances aux petits lecteurs. Mais les gros lecteurs passeront rapidement au numérique. Il ne faudra même pas une génération pour que la transition s’accomplisse.
3- En tant qu'auteur, comment vous placez-vous par rapport au numérique? Est-ce un avantage pour vous? Quels changements va-t'il opérer?
Je suis un optimiste et un aventurier. Ce sont deux bonnes raisons de me réjouir de l’arrivée du numérique. J’aime ce qui est nouveau et qui stimule l’imagination. Le numérique permet tout cela.
Les possibilités sont infinies et l’investissement nul.
Les auteurs fournissent déjà des textes numérisés aux éditeurs, ils peuvent les transmettre aux lecteurs sans que cela ne leur demande un vrai effort supplémentaire. En théorie, du moins; en pratique, le travail ne fait alors que commencer car qui dit nouveaux supports dit nouvelles lectures et nouvelles habitudes. Les auteurs peuvent être aventuriers si les lecteurs le sont aussi.
Cependant, je ne connais pas le futur et je serais bien présomptueux de prédire quels changements le numérique va opérer, si ce n’est la transformation complète de la chaîne du livre industriel que nous avons vue se mettre en place au cours du siècle dernier à l’échelle mondiale : auteur > éditeur > metteur en page > imprimeur > distributeur > diffuseur > libraire (> presse, radio et télé).
Dans le nouvel environnement numérique, chaque lecteur est libraire et diffuseur (il recommande le livre, il le propulse), chaque auteur est éditeur et diffuseur. Les imprimeurs et distributeurs disparaissent.
4- Possédez-vous une tablette numérique? Préférez-vous lire sur ce genre de support? Pourquoi?
Je n’ai pas de tablette numérique. J’ai eu un pocket PC ily a dix ans de cela, j’étais trop tôt, ça m’a refroidi face à ce genre d’investissement. Je fais tout de mon PC portable.
J’aime bien les liseuses à encore électronique, en noir et blanc, parce que j’y retrouve le confort de lecture et l’économie d’énergie que j’aime dans les livres papier.
5- Pourquoi avez-vous choisi d'éditer sur support numérique? Le pourcentage par livre que vous recevez est-il différent? Quelle technique d'édition préférez-vous? Pourquoi ?
Je pense avoir expliqué plus haut les raisons qui m’ont poussé à explorer l’écriture numérique. Du côté de l’édition, il s’agit toujours pour moi de poursuivre une idée jusqu’au bout, de profiter d’une opportunité, de tenter une nouvelle expérience. C’est ainsi que j’ai publié deux romans feuilletons en ligne il y a dix ans, que j’ai publié l’an dernier un récit sur téléphone portable, que j’ai écrit un roman en direct en 24h chrono sur le web, que je publie régulièrement des nouvelles sur des sites et que je sors dans quelques jours un recueil de nouvelles chez publie.net.
Le pourcentage que je reçois d'un éditeur à l'autre est bien différent. En papier, jé reçois en général :
- 10 % du prix de vente pour les romans et les nouvelles ;
- 8 ou 6 % pour la littérature jeunesse ;
- 0 % sur la poésie ;
- des clopinettes pour la publication dans la presse quotidienne ;
- de meilleurs tarifs pour la presse hebdomadaire ou mensuelle.
En édition numérique, je touche :
- entre 25 et 50 % du prix de vente, selon les éditeurs ;
- 100 % de rien du tout quand je diffuse moi-même gratuitement mes textes.
Tous les moyens de diffusion d’un texte sont bons.
J’aime voir un de mes textes imprimés sur papier, j’adore tout autant en donner simplement lecture à voix haute et retravailler le texte en cours de lecture, à chaud, en fonction de l’émotion qui se partage avec le public. Je suis également convaincu la diffusion en ligne car elle permet d’avoir beaucoup de lecteurs en très peu de temps, sans devoir passer par la médiation de la presse et de la télé.
Être auteur, c’est écrire des textes.
Quel que soit le support, quel que soit le moyen de le partager ensuite.
Le numérique permet aujourd’hui de rencontrer de nouveaux publics. Plus vite, plus loin, autrement. Mon espoir est que cela permettra au 80% de gens qui n’ouvrent jamais un livre papier de, peut-être, rencontrer les textes autrement.
N’est-ce pas une opportunité exceptionnelle ?
04:33 Publié dans À lire en ligne, Ecriture, Livres en cours | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature numérique, édition numérique, ebook, liseuses, écrire, nicolas ancion, interview | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
27/02/2011
Le lecteur est-il propriétaire du texte qu'il lit ?
Amis lecteurs, que vous soyez fidèles de ce blog ou simplement de passage, vous ne suivez pas nécessairement les débats, parfois complexes, qui se tiennent autour de l'avenir de l'édition, à l'ère de la révolution numérique. Et je vous comprends, ils ne sont pas toujours passionnants, la discussion prend trop souvent la tournure d'une querelle entre Anciens et Modernes, défenseurs de l'odeur du papier contre amateurs d'innovations technologiques.
(Je signale aux premiers que les ordinateurs aussi ont une odeur et un bruit de ventilateur dont nous serons nostalgiques dans vingt ans et aux seconds que les poubelles sont remplies de gadgets qui devaient révolutionner notre vie quotidienne. Mais cette querelle stéril n'est pas l'obejt de ce billet. Je m'égare)
Une question essentielle qui surgit, pour savoir vers quel modèle économique l'édition numérique doit s'orienter est de savoir si le lecteur se sent propriétaire du texte qu'il veut lire.
Quelle question étrange, me répondrez-vous ! Pas tant que ça, quand on l'explique en détail.
En effet, on oppose en ce moment le mode de consommation du cinéma, où l'on regarde un film sans nécessairement le posséder (par exemple quand on va le voir en salle, quand on le regarde à la télévision ou quand on le loue au vidéoclub) et la consommation de musique, où les fans purs et durs veulent « acheter un disque », pour parler en termes prénumériques, c'est-à-dire aujourd'hui acheter (ou télécharger gratuitement) un fichier permanent qu'ils pourront copier d'un ordinateur à un baladeur mp3 et ainsi de suite.
En cinéma, le modèle de commercialisation numérique qui semble avoir le vent en poupe aujourd'hui, c'est Netflix, un service où pour 7$ par mois, vous pouvez regarder autant de films que vous le souhaitez, en streaming, sur votre ordinateur, en toute légalité. Vous ne possédez pas le film, vous n'en gardez pas de copie sur votre disque dur, vous payez juste pour le droit de le regarder (comme quand vous regardez un petit film sur Youtube – tiens, celui-ci, au hasard ;-) Amazon propose le même type de service, où l'on paie à la "location", pour le moment. Le forfait devrait suivre.
En musique, en revanche, le modèle le plus répandu est celui d'iTunes (je ne mets pas de lien : Apple fait bien trop de pub dans le monde entier pour que je leur fasse ce plaisir) où l'on paie pour acheter un fichier numérique, que l'on peut ensuite plus ou moins copier selon les droits acquis et les vendeurs qui les cèdent. D'autres modèles existent aussi, comme Spotify, qui offre le service de base gratuitement et légalement (on peut écouter en ligne mais pas copier; quand on paie l'abonnement, on peut avoir accès à tout moment aux morceaux qu'on a téléchargés) ou LastFm, qui, pour un abonnement mensuel (3$ au Canada, je pense) donne accès à tout un catalogue, à des radios et des playlists.
Et la littérature dans tout ça ? Très bonne question, cela fait plaisir de voir que vous suvez, merci de m'aider à garder le fil de ce billet.
Les éditosaures, ces éditeurs papier qui ont peur du numérique - et redoutent tant de s'y aventurer qu'ils ne regardent même pas ce qui s'y fait en ce moment - ne pensent qu'au vieux modèle de la chaîne du livre. Ils se demandent comment l'appliquer au monde numérique. Ils veulent alors vendre les livres à la pièce, à un prix prohibitif (80% du prix du livre papier), via des librairies en ligne et hurlent au scandale quand Apple ponctionne 30% sur les ventes de livre, alors que ces mêmes éditeurs cèdent au moins 35% à la Fnac, à Cultura et aux grosses librairies, quand ce n'est pas beaucoup plus.
Ils viennent même de convaincre le système législatif français à mettre en place un prix unique du livre numérique aberrant, qui oblige tous les acteurs français du marché (donc pas Apple, Amazon et Google) à vendre le livre numérique au même prix, fixé par l'éditeur. Une manière pour eux d'empêcher le marché d'évoluer et sassurer ainsi que pendant quelques années ils peuvent conserver leur quasi monopole sur l'édition-distribution dans l'Hexagone. (Une stratégie d'autrcuhe qui les perdra, mais ce n'est pas l'objet de ce billet.)
Certains éditeurs purement numériques, comme publienet sont déjà passés à la formule abonnement, où tout le catalogue est accessible à volonté pour un forfait annuel. Smartlibris propose également un service similaire pour 9,9 EUR par mois, mais comme il est dédeloppé pour l'iPad en rpiorité, son succès risque d'être limité (le parc d'iPad francophones n'est pas encore très étendu et tous les propriétaires ne sont pas des lecteurs, bien entendu). Amazon prépare très certainement le même genre de forfait pour son lecteur maison (le Kindle) bientôt et il n'est pas impensable que des acteurs historiques comme France Loisirs, Harlequin, ou des aventuriers plus récents comme les éditions Bragelonne, proposent à leur tour une formule du même type. On lit à volonté, on n'achète pas le livre mais le droit de lire, sur son ordi, son téléphone portable, sa liseuse, peu importe. Dans le cas de publienet, on reçoit tout de même le fichier, on peut le copier, l'imprimer...
La question importante arrive alors. Le lecteur veut-il être simple locataire du texte, comme le spectateur d'un concert ou d'un film, l'usager d'une bibliothèque publique, ou propriétaire, comme le collectionneur de DVD, l'acheteur de musique sur iTunes ou le bibliophile ?
À mes yeux, l'auteur est toujours propriétaire du texte qu'il a produit au départ (c'est le fondement du droit d'auteur iamginé par Beaumarchais) mais le lecteur ne sera jamais un simple locataire, bien au contraire.
C'est lui qui héberge le texte dans sa tête, qui transforme les mots (ces petits machins morts qui n'en ont pas l'R) en images, en sensations. Il ne loue pas plus les textes qu'il ne loue ses vacances : il les vit, tout simplement. Et les souvenirs de cette vie-là, celle de la fiction, personne ne pourra les lui enlever.
Bien heureusement, d'ailleurs.
La littérature n'est pas un objet, c'est un mouvement, c'est une expérience qui se sent, s'éprouve et se comprend, simultanément, dans un étrange mélange, quel que soit le support.
Numérique ou papier.
Vieux livre de poche tout puant ou bel écran rétroéclairé, texte lu à travers la radio crachotante ou fraîchement imrpimés sur papier bouffant.
Une fois franchie la frontière de la fiction, on entre de plein pied dans un univers all-inclusive qui n'appartient qu'aux leceteurs, où chacun se fabrique son film, ses photos et ses amours de vacances.
PS : En illustration, un panneau d'affichage en tête de rayon vu dans une librairie anglophone hier à Montréal.
MISE A JOUR : le début de conversation avec Franck Queyraud dans les commentaires ci-dessous a donné naissance à un billet très intéressant sur le rôle des bibliothèques dans ce futur environnement numérique. À lire dans la foulée.
00:48 Publié dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : littérature, édition numérique, netflix, amazon, apple, livre numérique, éditosaures | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer