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28/02/2011

On est toujours jaloux de la littérature des autres

On ne choisit pas l'endroit où l'on naît

Encore moins le moment

Ça se fait comme ça neuf mois après un moment d'égarement

Ou de fureur terrible et passionnée

On ne choisit pas

On fait avec

 Québec, Révolution tranquille, nuitblanche

On fait avec

ça pourrait être la devise de ma patrie

Je viens de Belgique

Ce petit pays dont on dit – en ce moment - qu'on ne le gouverne pas

Alors qu'il y a six gouvernements en place

- et un seul hors d'état -

Mais on fait avec on ne choisit pas

 

Je suis né là

au début des années soixante-dix

ces années qui n'ont jamais existé en Belgique francophone

on les a remplacées par les années septante

 

J'ai grandi dans ce pays-là

Avec de la famille dans celui-ci

J'aimais ce Québec où l'on faisait pousser mes deux cousines

Année après année

Dans des écoles fermées pour cause de tempête de neige

En hiver

- ça me faisait rêver -

Et fermées en été

une fois la neige fondue

Pour cause de vacances en Belgique

Dans le jardin de ma grand-mère

 

J'ai grandi avec dans un coin de la tête

Ce Québec-ci qui bouillonnait

Celui que l'on réécoute ce soir

Avec son français aux couleurs rouges d'érable

Avec ses mots et ses histoires

Dont je ne connaissais que les contours

et les échos

Ces histoires d'indépendance et de souveraineté

De combat pour la langue

Alors qu'on ne se battait chez nous que dans la cour de récré

Et encore pas très fort

 

On est toujours jaloux de la littérature des autres

Celle du Québec en ces années-là me faisait rêver

 

L'idée que la littérature puisse se chanter se gueuler

Se mêler au monde pour le changer

Se mêler de politique

 

Que les livres puissent s'écrire et se lire au milieu des gens

avec non seulement quelque chose à dire

mais aussi à gagner

 

Que la littérature risque par moment la prison

Ou la victoire

 

C'était à rendre pâle d'envie

Le petit Belge que j'étais

dans sa littérature endormie

Où l'on coupait les cheveux en quatre

Pour savoir si oui ou non

La Belgique

Ce petit machin laissé pour compte

Avait droit à son histoire

Ou si elle n'était qu'un département de France mal annexé

Mal indexé dans la grande histoire littéraire

Sorte de toilettes au fond du jardin de la Cacadémie française

 

Alors qu'ici

Non seulement il y avait une littérature

Mais elle se soulevait

 

Comme le couvercle d'une marmite à pression mal fermée

 

Comme la levure d'une génération

 

Une littérature levure poussée par son imaginaire

 

L'image me plaît

On voit les bulles d'air dans la pâte

Pour respirer

 

 

On est toujours jaloux de la littérature des autres

De toute façon

Et c'est très bien ainsi

La jalousie est un excellent moteur

De découverte

D'exploration

Et d'écriture

 

Aussi plus tard à l'Université

Quand j'ai dû lire et étudier ces textes aux titres importés

qui se mêlaient en une grande fête :

La vallée des rapaillés

Prochain épisode dans la vie d'Emmanuel

L'amélanchier hurle

ou encore

Salut, la grosse Galarneau est enceinte

 

J'avais l'impression que ma langue dans tous ces livres-là

Avait plus de sens que ma petite langue à moi

Qu'elle prenait de l'ampleur

Qu'on lui avait ajouté cette drôle de levure aux saveurs d'automne

 

J'avais l'impression que publier des livres et que monter sur scène

Cognait plus fort ici

Dans les veillées

Dans les assemblées

Dans les chansons

Que chez les vieux libraires d'Europe

Et dans ces universités poussiéreuses

Où la littérature ressemblait à un cadavre depuis longtemps enterré

Qu'on ressortait du formol pour mieux la disséquer

 

Québec, Révolution tranquille, nuitblancheMes impressions étaient sans doute fausses

Et déformées

Ce n'est pas grave

 

On est toujours jaloux de la littérature des autres

De toute façon

Et c'est très bien ainsi

 

Au même moment vous rêviez peut-être d'Hergé ou de Magritte

De Verhaeren ou de Simenon

Qui sait

 

C'est ce qui nous manque

qui donne envie de découvrir le monde.

 

On dit parfois que la littérature c'est l'évasion

Mais la littérature c'est le voyage et c'est la vie

C'est le rêve

C'est le réveil après le rêve

Et le sommeil quand on a les yeux cernés

Les yeux fermés et grand ouverts sur le monde intérieur

la littérature c'est tout ça et tout le reste

 

Et c'est si beau quand ça se partage

Sur la place du village ou les quais du métro

Que ça vaut bien une indépendance et une révolution

 

Mes impressions sons sans doute encore fausses

Et déformées aujourd'hui

Ce n'est pas grave

Elles m'ont permis de croire depuis toujours

 

Qu'on peut écrire tout seul

Dans sa petite langue à soi

Celle que l'on brasse à l'intérieur

Et que ces mots qu'on pense tout bas

Lâchés à haute voix

Sont les armes d'une révolution en marche

Une révolution qui ne s'arrête pas à un drapeau

À un combat

À un choix sur un bulletin de vote

Qu'elle est une forme de résistance permanente

 

Un acte de foi

Un passe partout

Qui ouvre une porte oubliée

Sur l'autre bout du monde

 

Sur un continent où l'on n'a pas encore mis les pieds

Où l'on retourne cependant chaque soir

Plein d'espoir

Tout seul

A sa table

Creusant à l'intérieur de soi

À l'intérieur des textes

Pour inventer ces pays libres qui n'existent pas

Tant qu'on ne leur a pas donné vie

 

On est toujours jaloux de la littérature des autres

C'est vrai

Mais à tout prendre l'herbe me semble plus verte sous la neige

D'une province qui veut s'émanciper

Que sous le ciel gris d'un pays morcelé

qui a renoncé à la fois

à la révolution et à ses rêves

 

Ce texte a été écrit et lu hier en public à Montréal, le 26 février, à l'occasion de la Nuit Blanche à la Grande Bibliothèque, dans le cadre du Cabaret Pas Tranquille, hommage à la littérature de la Révolution tranquille.

Le cabaret pas tranquille a été organisé par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et l'Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ).

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Merci au passage à l'UNEQ, qui a proposé de me joindre aux festivités (et tout particulièrement à Denise Pelletier, qui est aussi la photographe des deux clichés ci-dessus, en cours de révision et en cours de lecture) puis à Olivier Kemeid qui a orchestré la soirée.

18/11/2010

Interview à l'université de Sherbrooke

Nicolas Ancion: «On n’est jamais écrivain qu’aux yeux des autres»

15 novembre 2010

À 40 ans, Nicolas Ancion a réussi son pari: vivre de sa plume. Mais c’est en 1995 que ce Liégeois d’origine a publié son premier roman, Ciel bleu trop bleu, «qui intrigue la critique par sa poésie absurde et cruelle». Aujourd’hui, j’ai décidé de vous ouvrir la porte de cet écrivain multi-genres qui a un regard très humble sur son parcours et de nombreuses idées dans ses cartons.

Christelle Lison 

Le Collectif (LC): Qu’est-ce qui vous a amené à devenir écrivain?

Nicolas Ancion (NA): On n’est jamais écrivain qu’aux yeux des autres, et encore, pas dans toutes les circonstances: quand je vais chercher mes enfants à l’école, je suis le papa de Lucie et Joseph, quand je prends le train je suis un passager, quand je suis dans la queue à la caisse du supermarché (épicerie), je suis un client et ainsi de suite. On ne décide pas de devenir écrivain, je pense, on le devient aux yeux des autres un peu par accident. En revanche, j’ai toujours aimé écrire et imaginer des histoires. Ce plaisir-là n’a pas changé avec les années, même si aujourd’hui, je ne fais plus que ça et que je n’ai plus d’autre métier à côté.

J’ai publié pendant 13 ans sans en faire mon métier, puis je me suis rendu compte que ça ne me tomberait pas dessus par hasard, un beau matin. Si je voulais vivre de l’écriture, il fallait d’abord que je m’y consacre entièrement. Le succès viendrait peut-être ensuite. Cela fait trois ans que j’ai fait le pari de vivre de ma passion et jusqu’ici tout va bien. Croisons les doigts (mais ne nous croisons pas les bras).

(LIRE LA SUITE SUR LE SITE ORIGINAL)

Cette interview a été publiée le 16 novembre 2010 sur le site Le collectif, journal des étudiants de l'Université de Sherbrooke.

31/08/2009

Vous adorez la lecture : ce questionnaire est fait pour vous !

3350.jpgEn cette période de rentrée littéraire, on parle beaucoup des livres qui déboulent par caisses entières, des libraires qui ne suivent pas, des auteurs qui croient à leur bouquin et à ses chances, des journalistes qui doivent faire semblant de tout lire et on passe sous silence l'essentiel :

Les lecteurs !

Sans eux, tous ces livres ne serviraient à rien du tout. Et les histoires qu'ils contiennent resteraient à tout jamais de bêtes alignements de mots sans signification.

Heureusement, l'Université du Québec à Montréal a pensé aux lecteurs et, plus particulièrement aux gros lecteurs (qui sont souvent des lectrices), ceux qui dévorent les livres et ont fait de la lecture une de leurs passions.

Un quart d'heure suffit pour répondre au questionnaire en ligne.

Pour être plus précis, voici l'intro du questionnaire. Si vous pensez correspondre au profil, n'hésitez pas à répondre à l'étude, vous aiderez la science à mieux connaître les passionnés de lecture !

Merci pour elle.

Le Laboratoire de Recherche sur le Comportement Social de l’Université du Québec à Montréal effectue présentement une étude visant à mieux connaître les attitudes et les comportements des personnes qui adorent lire. Dans les pages suivantes, vous serez invité(e) à nous décrire vos attitudes face à cette activité et de quelle façon vous percevez certains éléments de votre vie en général. Nous tenons à préciser que cette étude n’est ni un test, ni une évaluation. Il n’y a donc pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Nous vous demandons simplement de répondre aux questions de façon honnête et spontanée. Les renseignements qui vous seront demandés demeureront CONFIDENTIELS et ne serviront que pour les fins de cette recherche.

 

26/01/2009

Du roman sur votre téléphone portable

chiottes et pc.jpgLa question à un centime (de franc français, de franc belge ou suisse ou même d'euro, peu importe), qui revient sous la plume des journalistes comme la floche au-dessus de la tête, à chaque tour de carrousel, c'est celle qui consiste à savoir quand la lecture sur les horribles machines électroniques supplantera la lecture sur papier.

La preuve, encore un billet à ce sujet publié récemment au Canada, qu'on peut lire ici.

La seule réponse que j'aime c'est celle qui consiste à dire que c'est déjà le cas depuis longtemps.

Je passe bien plus de temps, et je ne suis pas le seul, à lire sur mon écran bien plus que sur papier. Internet est devenu mon premier loisir, loin devant tous les autres, c'est à travers le courrier électronique que je suis en contact avec les éditeurs, les lecteurs et les critiques, c'est à travers les blogs que je suis l'actualité du livre, c'est sur des sites web spécialisés que je trouve la documentation pour mes propres histoires, des dictionnaires compétents, des atlas pointus, des encyclopédies d'une richesse incroyable. Et je lis encore bien d'autres choses, de l'actualité, surtout, parce que le web se nourrit de vitesse et de nouveauté comme le WC de déjections.

Le pire, c'est que je ne suis pas le seul. On chatte, on passe du temps sur Facebook, on twitte. Tout ça c'est du texte. Et c'est de la lecture.

Alors, la question n'est pas de savoir quand on lira sur des écrans plutôt que dans des livres mais... quand se mettra-t-on enfin à lire des choses intéressantes sur tous ces écrans ? Quand la littérature, la vraie - celle qui bouscule et irrite, celle qui fait sourire et émeut, celle qui change le monde -, fera-t-elle son entrée sur l'Internet et les téléphone portables ?

Dès que j'attaquerai pour de bon ce roman pour téléphone portable ?

Non, sérieusement, à votre avis, ça commence quand, la littérature sur le Net ?

25/10/2008

Est-ce une bonne idée d'écrire sur l'horoscope ?

Grrr. J'avais écrit une super note de blog. Je la trouvais drôle, légère, informative. J'étais d'autant plus content que je l'avais écrite en cinq minutes en direct sur www.hautetfort.com, sans perdre de temps.

Grrr. J'ai appuyé sur le bouton enregistrer et mon routeur m'a affiché la page de mise à jour des paramètres sécurité pour enfants, qui m'emmerde depuis trois ans et n'apparaît jamais que dans des moments comme ça.

Grrr. Je hais les ingénieurs de chez Belkin. Tous. Même ceux qui sont sympas. Tant pis pour eux.

t-horoscope2.jpgDans cette note, je vous expliquais  comment j'avais trouvé une idée pour mon roman-feuilleton commandé par un éditeur québécois (si vous n'avez pas suivi cette histoire, il est toujours temps de la relire ici) et que je me demandais si elle était bonne. J'avais trouvé des tas d'arguments, que j'avais organisés en une jolie liste pour vous expliquer mon point de vue et vous demander quel était le vôtre. Il me semblait, de mémoire, que parler de l'horoscope dans un roman feuilleton était une bonne idée parce que :

  1. tout le monde lit son horoscope (sauf moi et des tas d'autres gens qui trouvent qu'il y a mieux à faire que lire la mauvaise prose d'un pigiste philosophe sous-payé) ;
  2. tout le monde dit qu'il se fout de son horoscope (sauf Soeur Emmanuelle et DSK, ils ont d'autres chats à fouetter, ils ne répondent d'ailleurs plus aux questions ces dernières heures et sont difficlement joignables) ;
  3. quand on écrit une connerie au sujet de n'importe quel signe du zodiaque, il y a au moins un lecteur sur douze qui se sent concerné (et une lectrice sur six, parce qu'elle s'intéresse aussi à ce qu'on dit du signe de son compagnon ou de sa meilleure amie) ;
  4. j'ai un ami qui a écrit des horoscopes pour des magazines pendant des annés pour gagner sa croûte et qui s'est bien amusé ;
  5. ma femme a publié un horoscope dans un hebdo toutes les semaines et le type qui les fournissait, lorsqu'il prenait des vacances, demandait à la rédaction de "republier des anciens en décalant les signes" ;
  6. c'est la première idée qui m'est venue à l'esprit et elle a continué à trottiner dans ma tête, c'est un signe qui ne trompe pas, ça signifie que j'ai envie d'écrire là-dessus ;
  7. parce que parce que parce que ;
  8. enfin et surtout parce que je n'ai pas encore trouvé d'argument fort pour m'empêcher d'aller dans cette direction-là.

Bon, dès que j'aurai réécrit cette note, je me mets à penser sérieusement à ce roman-feuilleton pour GSM qui parle d'horoscope.

Sauf si vous avez une meilleure idée à me proposer...

Et si vous la trouvez bonne, vous pouvez aussi me suggérer une idée de titre...