30/01/2011
Livre numérique et livre papier - le vieux débat
Une étudiante vient de me poser par mail une série de questions sur la littérature numérique pour son travail de fin d'études.
Comme j'aime partager, je mets les réponses à disposition ici pour les lecteurs qui passent et en guise de suite au vieux texte que j'avais rediffusé il y a quelques jours.
Si vous avez d'autres questions et des réactions, n'hésitez pas à les partager !
1 - Publiez-vous vos livres sur internet et sur papier ?
Je publie constamment sur support numérique : j'anime deux blogs, je suis actif sur Twitter et Facebook. Tout ça, c'est de la publication numérique sur Internet. Parfois j'utilise ces canaux pour diffuser des textes littéraires mais ce n'est pas toujours le cas. Je publie aussi dans des revues numériques littéraires comme Bon-à-tirer ou ONLiT.
Contrairement à d'autres auteurs, je n'ai pas de lieu spécifiquement dédié à la publication littéraire sur le web : je mélange des bouts d'écriture de fiction avec des infos sur des sujets d'actualité, des idées pour tenter de faire avancer certains débats éternels, des infos pratiques...
J'ai publié pour la première fois un texte littéraire exclusivement en ligne en 1998. En Belgique, j'étais parmi les premiers auteurs à utiliser Internet pour diffuser des textes, gratuitement bien entendu. Depuis lors, nous sommes quelques millions à publier de la littérature en ligne... Sur le web, il n'y a pas lieu de distinguer un texte de quelques lignes, un commentaire, un site complet ou un fichier PDF. Les oeuvres numériques ne sont pas encore fixées en genres littéraires. Certains « auteurs » de statuts Facebook sont de vrais aphoristes alors que bon nombre de poètes qui proposent leurs textes en ligne me laissent plutôt de marbre.
Bien que je publie non stop en ligne, en coulée continue, à de rares exceptions près, la première diffusion de mes textes est presque toujours sur papier, parce que j'ai la chance d'avoir des éditeurs traditionnels qui ont encore envie de publier mes livres. Le monde du livre en librairie et celui des mots échangés numériquement sont en quelque sorte des univers parallèles et des médias indépendants.
2 - Que pensez-vous du récent engouement pour le livre numérique ? Selon vous, les lecteurs sont-ils réellement demandeurs ?
Dernièrement, on assiste avant tout à un engouement médiatique, que l'on analysera sans doute plus tard comme la plus belle manœuvre du service relations publiques d'Apple. Apple a mis les rédactions de presse du monde entier dans sa poche avec l'iPad, en faisant miroiter aux journaux que la presse écrite avait de l'avenir grâce à cette plate-forme. Les journaux adorent y croire, du coup, ils poussent de toutes leurs forces pour qu'arrive enfin le jour où tout le monde lira sur des tablettes payantes et où les éditeurs pourront continuer à vendre leurs journaux « comme avant ». Si on prend un peu de recul, on se rend compte que l'iPad d'Apple n'offre rien de bien neuf. Il propose ce qu'une tablette PC permettait déjà il y a dix ans, avec le sans fil en plus. On n'a plus besoin de stylet, mais sinon...
Les lecteurs sont-ils demandeurs ? Franchement, de nos jours, tout le monde se fout de ce que souhaitent les lecteurs, semble-t-il. On fait acheter ce qu'on veut aux gens si on le matraque suffisamment avec de la pub bien ciblée. Je pense que cet hiver a été la première année où les fabricants et les détaillants se sont mis à faire croire aux gens que c'était cool d'acheter des liseuses (Kindle, iPad, clones de toutes marques...) et, du coup, les ventes ont suivi. Les lecteurs sont soudain demandeurs parce qu'ils ont envie du gadget à la mode, pas parce qu'ils ont envie de lire sur écran.
La technologie a très peu changé au cours des dix dernières années. C'est le marketing qui fait soudain mousser de vieux engins technologiques. Les écrans à encre numérique ont fait des progrès incroyables mais ça ne se voit pas (pour le consommateur d'aujourd'hui, ce sont d'horribles écrans gris et noir), du coup les acheteurs foncent sur l'iPad et son écran scintillant plein de couleurs. Faites le test avec un bébé de vingt mois, lui aussi est plus attiré par l'écran en couleur qui bouge que par les lecteurs noir et blanc pourtant bien mieux pensés pour la lecture de livres.
3 - Pensez-vous que le livre numérique constitue une menace pour le livre papier ? A-t-il une place durable dans notre société ?
La lecture numérique a déjà pris une place considérable dans nos habitudes, grâce à Internet. Tout le monde ou presque lit déjà sur écrans. Et cela mange du temps, qu'on vole à d'autres médias : à la télé (c'est une bonne chose), à la lecture de presse (c'est considérable), à la lecture de livres (on constate une érosion des ventes de livres)... De là à ce qu'un média remplace l'autre ou le menace, il y a un pas que je ne franchirais pas tout de suite. Le cinéma n'a pas tué le théâtre ni la télé la radio. Mais l'imprimerie a remplacé la copie manuscrite dans de nombreuses fonctions. Le changement profond qui s'annonce, ce n'est pas le livre numérique qui menace le livre papier... c'est le papier numérique qui menace le papier traditionnel. Et ce bouleversement, nous allons le connaître dans les cinq ans à venir, je pense, du moins en Asie, où les unifs abandonnent le livre papier et les cahiers au profit de tablettes légères et bon marché où l'on lit et écrit. C'est annoncé en Chine pour 150 millions d'étudiants et en Corée pour tous les élèves. On interdit tout simplement les livres scolaires imprimés pour des raisons économiques et écologiques. Et parce qu'il n'y a pas assez d'arbres sur terre pour imprimer les livres dont la Chine a besoin.
Le livre numérique, sur ces nouveaux supports et sur d'autres à venir a évidemment une place durable. Essayez de trouver aujourd'hui une manuel d'utilisation de logiciel, de périphérique fourni autrement qu'en fichier PDF... Ça n'a pas pris dix ans pour que les manuels techniques basculent dans le numérique. D'autres exemples vont suivre et certains domaines, comme le roman, résisteront mieux que d'autres car ils sont parfaitement adaptés au support papier et ne supporteront pas bien la transposition numérique. Mais dans d'autres secteurs comme la presse écrite, la diffusion web en temps réel est autrement plus efficace que le journal imprimé une fois par jour...
4 - Possédez-vous une tablette numérique ? Pourquoi ?
Non, mais je lis énormément sur mon ordinateur portable, qui ne sert pas qu'à ça. Je n'ai pas l'intention d'acheter une liseuse tant que ce sont des objets chers et fermés. Le jour où on commercialise le papier électronique à 20 EUR pour un format A5, alors je m'y mets.
5 - Depuis l'année passée, les maisons d'éditions se sont-elles adaptées aux livres numériques ? Ont-elles mis en place certaines structures ?
Pourquoi depuis l'année passée ? Cela fait plus de dix ans que les maisons d'édition traditionnelle ne bouge pas et, au mieux, tentent de vendre des versions numériques de leurs titres au même prix que le papier ou presque. Elles ont peur de ne plus vendre de livre papiers. Or, on ne crée rien de bon quand on est motivé par la peur. Aujourd'hui, on ne vend presque pas de livres numériques mais on diffuse tous les jours des millions de contenus gratuitement sur le web.
6 - Selon vous, en tant qu'auteur, quel est l'avenir réservé aux librairies et bibliothèques ?
Les librairies et les bibliothèques, dans la chaîne du livre sont des intermédiaires entre les lecteurs et les livres, ils permettent de guider les premiers vers les seconds soit par des conseils (parfois), le plus souvent par une sélection et la mise en évidence des œuvres dans l'espace où circulent les lecteurs. Dans l'univers numérique, ce rôle existe encore, mais il n'est pas joué par des professionnels, aujourd'hui. Les lecteurs recommandent sur les réseaux sociaux les textes qu'ils ont aimé (livres, billets, blogs...). Ils les aident à circuler, à trouver leurs lecteurs.
23:16 Publié dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : interview, nicolas ancion, livre numérique, ebook | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
27/01/2011
La dure vie d'écrivain
Être lu dans les classes, c'est un vrai plaisir pour les écrivains. Je le répète souvent, j'ai des surprises incroyables à chaque fois que je rencontre les élèves dans les écoles.
Ce sont de très bons lecteurs, exigeants, précis, pointus et souvent enthousiastes.
Mais toute médaille à son revers. La lecture en classe provoque aussi des messages aussi étonnants que celui-ci, reçu ce matin :
Bonjour mon nom est ***** *********
j'habite a belgique et j'ai un question
vous m'aider avec devoir de vos livre mission eurovision. Les affectations sont: décrivez un des personages (aspect physique et caractère), contenu (qui, quoi, quand, ou), decrivez ce qui passe dans votre scène préféré et expliquez pourqoui vous préférez cette scène + donnez la page. Merci de m'aider!
J'ai beau utiliser tous les outils de Google Translations, je ne parviens pas à découvrir la langue dans laquelle ce mail est écrit. Ni quel genre de culot ou d'incosncience il faut pour imaginer que je vais faire le devoir à la place d'un élève !
Mais qui n'essaie rien n'a rien, dit le dicton.
18:11 Publié dans Rencontres publiques | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : enseignement, classe, littérature, école, devoir, lecture, français, mission eurovision | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
PPDA se plante dans ses fiches sur Beaumarchais
PPDA se lance dans une belle envolée pour se défendre face à la "meute" qui lui en veut tant et tant depuis qu'on a relevé de lourdes traces de plagiat dans la version de sa biographie d'Hemingway distribuée "par erreur" (sic) à la presse, dédicacée par l'auteur.
Il s'est fendu d'un billet dans Le Monde aujourd'hui pour expliquer qu'il écrivait tout à la main, au stylo, et que son éditeur s'était planté dans les fichiers puis qu'il n'avait pas relu les épreuves avant de donner son bon-à-tirer parce qu'il représentait l'UNICEF au bout du monde, je vous passe les détails sauf un... qui est plutôt piquant.
Pour montrer qu'il est cultivé, PPDA ne se contente pas de parler de calomnie, il va jusqu'à citer une phrase de Beaumarchais. Je vous copie-colle cela pour vous éviter de lire toute sa prose larmoyante :
Bien avant d'autres, Beaumarchais avait fustigé dans Le Barbier de Séville, la calomnie. "Il en restera toujours quelque chose…"
Le hic, c'est que cette phrase ne figure pas dans le Barbier de Séville, elle n'est même pas tirée de l'oeuvre de Beaumarchais.
Beaumarchais parle bien de la calomnie dans cette pièce mais avec une autre verve :
BAZILE. La calomnie, Monsieur ! Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens près d’en être accablés. Croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde, qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville en s’y prenant bien : et nous avons ici des gens d’une adresse !… D’abord un bruit léger, rasant le sol comme hirondelle avant l’orage, pianissimo murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné.
Telle bouche le recueille, et piano, piano, vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait ; il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable ; puis tout à coup, ne sais comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’oeil. Elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne, et devient, grâce au Ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription. Qui diable y résisterait ?
Voilà sans doute la preuve que PPDA n'utilise pas de fiches ! S'il avait recours à des documentalistes un peu compétents, il aurait attribué la citation à son véritable auteur et il semblerait que ce soit Francis Bacon, dans son Essai sur l'athéisme. Enfin, c'est ce que j'ai trouvé après quelques recherches sur Internet, un peu plus fouillées que la première occurence Google...
PS : le texte complet du Barbier est disponible chez Gallica, dans Wikisources et Google Books, notamment.
04:00 Publié dans Ecriture, Théâtre en cours | Lien permanent | Commentaires (4) | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
26/01/2011
Qu'est-ce qu'un éditeur (numérique) aujourd'hui ?
En fouillant le site Luc Pire Electronique dans les Internet Archive, j'ai retrouvé ce texte rédigé par Patrick Bartholomé (si ma mémoire est exacte) en 2000 dans "Les dossiers de l'e-book", pour répondre à la question "Que devient le rôle de l'éditeur ?"
Au fond, son analyse est toujours d'actualité, simplement onze ans ont filé et les éditeurs traditionnels ont largement laissé passer le train, au point de chercher aujourd'hui à écarter les jeunes structures éditoriales qui occupent la place que les édinosaures ont laissé vacante. Allez, je me tais, je vous laisse lire ce texte :
Nouvelle donne dans ce métier, difficile compromis entre marchand de papier imprimé et découvreur de talents, créateur de tendances et commercial docile, manager avisé et vecteur d'opinions...
Le livre électronique représente une diversification pour les éditeurs-papier, la possibilité de mieux diffuser leur fonds, celle de réexploiter un fonds plus ancien... et surtout il représente une concurrence potentielle importante. Voilà pourquoi les éditeurs de papier se livrent actuellement à de grandes manoeuvres, pleines de faux-pas et de valses-hésitations, pour être présents quand le marché sera prêt à consommer du livre électronique. Les grandes compagnies pétrolières ne font pas autre chose, qui sont occupées à investir lourdement dans la recherche sur les cellules photovoltaïques...
Les produits peuvent changer, mais ce qui ne peut varier, c'est que notre argent aille dans leur poche... Pourquoi pas, après tout ? Car ces entreprises concentrent un savoir-faire et des moyens importants, capables de faire bouger les choses. Pourquoi pas, à condition qu'il reste, dans le domaine de l'énergie, comme dans celui de l'édition, de la place pour une démarche libre, une "pensée latérale", alernative, non alignée, non-commerciale... C'est l'éternelle question des monopoles de fait et de la pensée unique.
En ce qui concerne l'édition, voici venir une chance pour les éditeurs inspirés (grands ou petits) de prouver ce qu'ils savent faire, de redevenir des découvreurs de talent, de faire le tri entre ce qui mérite d'être publié et le reste...
Distribution et position dominante
Il faut dire également que plus encore que les éditeurs, aussi géants soient-ils, ce sont les distributeurs qui font la fortune d'un livre ou non. Leur puissance d'achat et de présence sur le marché, la rapidité avec laquelle ils renvoient les invendus ne laissent guère d'autre choix aux éditeurs que le pilon ou le stockage. Vu les coûts du stockage, c'est la première option qui est le plus osuvent choisie.
La position des distributeurs est tellement puissante que c'est sur eux que repose réellement le sort d'un ouvrage. Or, dans la chaîne liant l'auteur d'un livre électronique à son lecteur, l'intervention des distributeurs est entièrement escamotée, au contraire de celle des éditeurs. Voilà qui pourrait bien changer pas mal de choses... Un risque de perte de qualité Il faut garder à l'esprit qu'en rendant chacun de nous éditeur potentiel, l'édition électronique risque de devenir synonyme "d'édition de tout et de n'importe quoi". C'est déjà ce qu'on voit sur le web, où de nombreux sites ont un intérêt limité et un contenu de qualité insuffisante. Avec l'avènement du livre électronique, les éditeurs professionnels, venus du papier ou nouveaux venus, libérés des contraintes matérielles, devront pour être crédibles continuer à exercer une vraie politique éditoriale, c'est à dire une vraie (donc dure) sélection.
Les éditeurs actuels sauront-ils nous étonner ? Ou confinés frileusement sur leur pré carré, se feront-ils manger sur la tête par les "petits nouveaux" ? L'avenir nous le dira...
Si vous voulez en lire plus, voici le lien vers les archives de ce dossier.
PS : l'illustration est tirée du site original de Luc Pire Electronique en 2002, créée par Olivier Evrard. On peut désormais retrouver Olivier sur son site.
01:13 Publié dans Trucs en ligne que j'aime | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
05/01/2011
Qu'est-ce qui va se passer en 2011 ?
D'habitude, en début d'année, j'ai tendance à faire le bilan de ce que j'ai réussi à abattre comme boulot dans l'année qui s'achève, puis de dresser la liste de ce que je dois faire au cours de celle qui commence (j'adore rédiger des listes de choses à faire, ça m'évite de devoir les réaliser ensuite, même si j'ai presque autant de plaisir à les biffer quand je les ai accomplis ; je n'arrive pas à savoir ce que je préfère, à vrai dire, biffer ou lister).
Mais, là, je ne vais pas dresser de longue liste, juste signaler que c'est en février que sortira la première anthologie de textes publiés par le site ONLiT. Comme la couverture est très belle, je vous la colle ici :
Et comme ONLiT fait bien les choses, ce sera un gros livre plein de petits textes. Exactement comme sur le site sauf qu'on peut les lire partout et en tout temps, même quand il n'y a plus de courant et d'Internet (même après la fin du monde en 2012, donc : prenez vos précautions dès 2011).
Comme vous vous demandez certainement qui sont les 25 auteurs du recueil, en voici 24 en vrac : Felicia Atkinson, Alain Bertrand, Pierre Borion, Frédéric Bourgeois, Lucille Calmel, Corentin Candi,
Laurent D'Ursel, Serge Delaive, Cédric Francis, Corentin Jacobs, Edgar Kosma, Lario Lacerda, Pierre-Brice Lebrun, Benoit Leclerc, Karel Logist, Lucille Lux, Jacques Raket, Milady Renoir, Georges Richardot, Laurence Soetens, David
Spailier, Vincent Tholomé, Luc Vandermaelen, Andy Vérol. Pour le 25e, à vous de deviner.
Et puisque c'est de saison, je vous souhaite une année 2011 pleine de lectures passionnantes et d'écriture rebondissante !
05:24 Publié dans Ecriture, Notes de lecture | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : onlit, collectif littéraire, recueil, rentrée littéraire 2011, nouvelles | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer