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25/09/2015

"En mille morceaux" et quelques uns de plus pour les enseignants

En mille morceaux, nicolas Ancion, couverture, mijadeLa rentrée est là et c'est le moment où les enseignants choisissent quels romans ils vont travailler en classe avec leurs élèves. Tenez, vous, par exemple, qui lisez ceci, si ça se trouve vous enseignez à des quatrièmes ou des cinquièmes secondaires en Belgique, ou dans un lycée français à des secondes ou des terminales. Et vous aimeriez proposer autre chose à vos élèves que les romans qui vous emballent depuis des années... 

Infor-Drogues a une suggestion pour vous : pourquoi ne pas faire lire "En mille morceaux" que j'ai publié aux Editions Mijade au printemps de cette année ? Hein, oui, pourquoi ?

Et ce n'est pas une bête suggestion dans le vide, c'est carrément une brochure imprimée que vous avez peut-être reçue dans votre courrier à l'école, avec des pistes pédagogiques, des propositions de séquences et d'activités pour l'exploitation du roman en classe (en cours de français, mais pas que, aussi en morale, en religion, même en biologie, si j'ai bien lu).

Le dossier, pour les plus pressés, est téléchargeable ici en PDF

infor drogues,en mille morceaux,mijade,jeunesse,roman,école,enseignement, dossier pédagogiqueComme vous le savez sans doute, le roman est déjà accompagné d'un site Internet (http://www.enmillemorceaux.be/). La brochure, réalisée grâce au soutien de Joëlle Milquet, Ministre de l'Education, de la Culture et de l'Enfance, propose d'utiliser le livre pour parler autrement des psychotropes et des assuétudes, en se penchant non pas sur les produits, comme on le fait trop souvent dans les actions de prévention, mais sur les relations sociales qui entourent la consommation des ces produits : les comportements de groupe, le besoin d'affirmation de soi ou d'appartenance au collectif.

Un fameux boulot qui, pour le petit auteur que je suis rappelle, bien heureusement, que pendant tout le temps où on écrit, on n'a absolument pas conscience de ce que l'on produit. Bien sûr, on espère creuser des pistes, ouvrir des portes, laisser deviner des réalités que les lecteurs ne percevaient pas de cette manière, mais la dernière chose que j'avais en tête en imaginant ce roman, c'est de donner des leçons.

Ca ne veut pas dire que je ne l'ai pas fait malgré moi...

Allez, zou, avant de vous quitter, je laisse le livre se défendre tout seul avec sa C4 :

« Je m’appelle Jessica et je ne suis pas dans le livre que vous tenez entre les mains… parce que je suis morte.
Ceux que vous allez rencontrer, ce sont mes potes : Léa, Phil, Karine, Erik et tous les autres. Ils continuent leur route en se demandant ce qui a bien pu m’arriver pour finir comme ça, avant même d’avoir dix-huit ans. Banal accident ou meurtre prémédité ? Maltraitance, overdose, suicide ou autre chose encore ? Malheureusement, je ne suis plus là pour répondre à leurs questions. »

27/01/2011

La dure vie d'écrivain

classe.jpgÊtre lu dans les classes, c'est un vrai plaisir pour les écrivains. Je le répète souvent, j'ai des surprises incroyables à chaque fois que je rencontre les élèves dans les écoles.

Ce sont de très bons lecteurs, exigeants, précis, pointus et souvent enthousiastes.

Mais toute médaille à son revers. La lecture en classe provoque aussi des messages aussi étonnants que celui-ci, reçu ce matin :

Bonjour mon nom est ***** *********
j'habite a belgique et j'ai un question
vous m'aider avec devoir de vos livre mission eurovision. Les affectations sont: décrivez un des personages (aspect physique et caractère), contenu (qui, quoi, quand, ou), decrivez ce qui passe dans votre scène préféré et expliquez pourqoui vous préférez cette scène + donnez la page. Merci de m'aider!

J'ai beau utiliser tous les outils de Google Translations, je ne parviens pas à découvrir la langue dans laquelle ce mail est écrit. Ni quel genre de culot ou d'incosncience il faut pour imaginer que je vais faire le devoir à la place d'un élève !

Mais qui n'essaie rien n'a rien, dit le dicton.

02/03/2009

Comment faire l'interview d'un auteur sans se fatiguer

chimp_at_typewriter.jpgCe week-end, j'ai reçu en deux jours trois mails différents d'élèves qui devaient « interviewer un poète ». Le premier était une avalanche de questions, qui auraient pu aussi bien s'adresser à Alfred de Vigny ou à Maurice Carême qu'à moi, je n'ai donc pas répondu du tac-au-tac, je me suis dit que j'attaquerais ça plus tard, au calme. Mais le deuxième est du coup arrivé dans ma boîte, il était un peu plus personnel mais j'y ai reconnu, mot pour mot, quelques unes des questions qui figuraient dans le premier envoi. Ce deuxième émetteur s'excusait de devoir me presser de répondre très vite car « un premier poète, après avoir promis de répondre, venait de les laisser tomber ». Le troisième mail me demandait la permission de m'envoyer les questions, je n'ai pas attendu de les recevoir, j'ai pris mes réponses aux questions des deux premiers et je les lui ai transmises.

Du coup, je me suis fait quelques réflexions.

A l'attention des enseignants, d'abord :

  • Quel est l'intérêt de demander à plusieurs élèves d'envoyer séparément une liste de question à peu près identique à des auteurs ?

  • Quel enjeu pédagogique y a-t-il à copier-coller une liste de questions et la balancer par mail à un auteur qu'on n'a pas lu ?

Aucun, à mon avis. Les élèves feraient mieux de lire quelques textes poétiques pour savoir à qui ils s'adressent avant de poser les questions, cela me semble une leçon importante à leur apprendre. Avant de prendre contact avec quelqu'un (que ce soit pour poser des question à un auteur ou pour envoyer son CV à une entreprise, la règle est la même), on se renseigne, on lit, on s'informe (avec Internet, de nos jours, cela ne demande même pas de vrai effort de recherche, tout arrive tout seul sur l'écran en rendant visite à Google), puis on tente de montrer qu'on sait à qui on s'adresse.

A l'attention des élèves ensuite :

Si vous avez la malchance de tomber sur un enseignant maladroit et peu subtil, soyez plus malin que lui. Même si on ne vous a pas précisé de le faire en classe, prenez le temps de mieux connaître la personne à qui vous adressez vos questions. Un auteur n'est pas un moteur de recherche, on ne lui balance pas une liste de questions (dont plusieurs se recoupent et sont redondantes), à charge pour lui de faire le tri, de choisir ce à quoi il a envie ou non de répondre.

Une anecdote m'est revenue à l'esprit

Quand j'avais 17 ans, j'ai eu la chance d'accueillir Jacques-Gérard Linze dans ma classe. Avec un copain, j'ai dû partir à Bruxelles en train pour rencontrer l'auteur chez lui rien que pour préparer l'interview qu'on allait faire de lui en classe. Il va de soi qu'avant de rencontrer l'homme j'avais avalé ses livres les uns après les autres. Ça m'avait pris quelques soirées, bien sûr, et ses romans n'étaient pas les plus faciles d'accès qu'on puisse imaginer, mais quel plaisir ensuite de discuter en connaissance de cause ! Quelle impression d'entrer dans le monde des adultes, d'être d'égal à égal avec l'auteur, lui dans son rôle d'écrivain, moi dans celui du lecteur attentif et intéressé.

On m'objectera que cette anecdote se déroulait il y a vingt ans. C'est vrai. Et alors ? Rien n'a changé depuis lors dans l'enseignement, les objectifs sont à peu près identiques et les moyens à mobiliser pour y arriver également. C.'est simplement une question d'exigence vis-à-vis de soi-même, avant tout, par respect de l'autre qu'on va rencontrer.

Je ne suis pas certain d'être clair, alors je vais encore préciser ma pensée : j'adore rencontrer des élèves, la question n'est pas là. Ce n'est pas l'idée qui me choque, c'est la manière de procéder.

Je ne souhaite plus soutenir une forme de paresse qui ne fait de bien à personne, celle qui consiste à faire semblant qu'on a fait son travail alors qu'on s'est juste contenter de pousser sur deux ou trois boutons d'une machine.

Sur les trois mails reçus ce week-end, un seul avait tenté (maladroitement, mais ce n'est pas grave) de mettre les formes : de présenter le cadre du travail, l'enjeu et les raisons pour lesquelles il s'adressait à moi. Les deux autres considéraient sans doute qu'il était du devoir de l'auteur de répondre à ce genre de demande voire, pire encore, qu'il fait partie du devoir des élèves de forwarder à des auteurs une liste de question présentée par le ou la prof en classe de français. Et qu'ils avaient donc bien fait leur devoir. Quelle horreur.

Afin que ce genre d'élèves n'ait plus à se fatiguer à m'envoyer des mails, je propose donc de poster ici une liste de questions/réponses qu'on peut présenter au prof pour faire croire qu'on a fait le travail demandé.

Quant à moi, j'aurais la sensation d'avoir fait le mien.

Une fois, mais pas trois, faut pas exagérer ;-)

Après avoir écrit ceci, mais avant de le publier, je reçois un quatrième mail qui dépasse toutes les bornes :

« Je voudrais vous demander si c'était possible de m'envoyer un de vos poèmes (pour pouvoir faire une analyse complète) car sur internet je ne trouve pas de poèmes qui viennent de vous. A part un (Le mal du ùatin) mais celui-là est trop long. »

Autant vous dire que ma réponse n'a pas dû lui plaire.

Finalement, je renonce, pour le moment, à publier une liste de questions-réponses.

J'en ai assez d'être gentil et accueillant pour des élèves pareils. Je vais plutôt m'acheter un fusil et du poivre pour leur tirer aux fesses s'ils osent encore s'approcher de ma poésie... Non mais!

 

23:25 Publié dans Ecriture | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : ecole, lycée, poésie, littérature, enseignement, interview | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer

26/09/2008

Appel aux enseignants

Depuis deux jours, je me suis lancé dans une grande aventure scolaire !

Je cherche à rassembler les travaux que des enseignants ont développés pour leurs élèves à partir des livres que j'ai écrits : romans, nouvelles, théâtre, peu importe... Tout est le bienvenu !

Je sais que de nombreux profs de français de secondaire ont analysé des textes, ont préparé des fiches d'exercices, ont utilisé des extraits pour aborder un thème ou l'autre. J'en suis ravi. Et je souhaiterais pouvoir rassembler tout ça pour un de mes éditeurs, qui cherche à constituer un dossier pédagogique autour de certains de mes livres.

Si vous avez quelque chose de ce genre-là, surtout au sujet de :
- Quatrième étage
- Nous sommes tous des playmobiles
- Les ours n'ont pas de problème de parking
- Ecrivain cherche place concierge

Je serais enchanté d'en recevoir une copie, par mail, par commentaire sous ce blog, par poste, par telex ou signaux de fumées, comme vous préférez.

Un grand merci pour votre collaboration!

07/08/2008

Comment lire un recueil de nouvelles en classe ?

ancion02.jpgSi les éditeurs francophones détestent publier des recueils de nouvelles (ils croient toujours que ça ne se vend pas alors que ça se vend juste aussi bien que du roman, c'est juste une question de savoir-faire et de patience; un roman tout le monde sait ce dont il s'agit, un recueil de nouvelles c'est moins courant, du coup on imagine que ça va être moins bien alors que, pour le lecteur curieux, le plaisir est parfois bien plus intense qu'avec la plupart des romans ennuyeux que les éditeurs accueillent à bras ouverts), les profs, eux adorent les donner à lire.

Mais pourquoi les enseignants aiment-ils tant les nouvelles ? Pour des tas de bonnes raisons.

D'abord, parce qu'une nouvelle, ça se lit bien à voix haute en classe. C'est beaucoup mieux qu'un extrait de roman parce que c'est complet, rapide, efficace. Ça démarre au quart de tour et ça n'épuise ni le lecteur ni ses auditeurs. Un quart d'heure de lecture et c'est joué. Oui, joué, comme un jeu, pas comme un devoir, c'est important aussi, ça... Et, aux yeux du prof, c'est capital, on est assuré que tout le monde a bien lu. Pas besoin de faire une interro pour vérifier que personne n'a sauté des pages. Un texte lu en classe est fatalement lu par tous.

Ensuite, parce que dans un recueil chaque élève pourra trouver l'un ou l'autre texte à son goût. C'est difficile de trouver un roman qui plaît à tous les élèves (pire que difficile, ça contraint surtout à ne donner à lire que des romans raccoleurs et faciles, dont je tairai les noms ici, qui trônent au sommet des ventes et s'éventent sur les plages d'été). Par contre, dans un recueil, il est normal de préférer un texte à un autre. C'est une excellente base de débat et de critique littéraire, d'ailleurs : expliquer aux autres élèves pour quelle raison on préfère tel texte à tel autre.

Enfin, parce que les nouvelles se photocopient facilement et que les profs, en Belgique, adorent photocopier des textes pour les distribuer.

Enfin, parce qu'un seul recueil de nouvelles peut servir de départ à de nombreux travaux, où l'élève aura le choix.

De mémoire, je me souviens des exercices suivants :

- choisir sa nouvelle préférée et explique pourquoi (par écrit ou en débat oral, qui peut se transformer en jury littéraire, avec des votes pour décerner un prix);

- prendre une des nouvelles (au choix, donc) et dessiner une couverture pour le livre ou une illustration pour le texte;

- écrire la quatrième de couverture d'une seule des nouvelles;

- trouver une autre fin pour une des nouvelles ou poursuivre l'histoire un peu plus loin;

- chercher des points communes entre les textes (dans le style, les métaphores, l'univers, l'avancée du récit...);

- réécire une des nouvelles en changeant de point de vue ou de personnage...

J'imagine qu'il y en a encore bien d'autres. A vous de jouer.

Et puis, pour terminer, bonne nouvelle, après "Nous sommes tous des playmobiles", mon premier recueil "Les ours n'ont pas de problème de parking" va être également réédité en poche chez Pocket. C'est pour 2009. D'ici là, armez-vous de patience ou écrivez-moi si vous cherchez des exemplaires pour travailler en classe, le recueil n'est plus disponible ne librairie.

 

03/04/2008

Visites dans les classes

269174951.jpgIl y a quelques jours, j'ai complété, à l'attention du Ministère en charge de la Promotion des Lettres belges, un relevé des visites que j'ai eu le plaisir d'effectuer dans les classes en Belgique (pour ceux qui ne connaissent pas le système, la Communauté française défraie les auteurs qui sont invités par une école, à condition que tous les élèves aient au moins lu un livre de l'auteur et aient préparé la rencontre): j'ai rencontré 28 classes au cours de ce premier trimestre, dans des communes aussi proches les unes des autres que Gembloux, Jumet, Liège et Beauraing, par exemple. Ça représente 1233 kilomètres rien qu'en Belgique, auxquels il faut encore ajouter mes déplacements depuis Carcassonne. Beaucoup de CO2 dégagé, auquel il faut ajouter les gaz que je laisse échapper dans le train quand je me lève avant l'aurore, les tonnes de bois et de chlore pour produire le papier sur lequel tous ces bouquins sont imprimés. De quoi laisser une fameuse empreinte derrière soi. Il y a des jours où je me sens une dégaine de Yéti...

N'empêche, quel plaisir! A chaque fois, de nouvelles têtes, de nouvelles questions, une manière différente d'apprécier une histoire, de percevoir un personnage. Et puis les surprises, comme cette école de Court-Saint-Etienne qui a carrément adapté en film de 40 minutes mon roman "Le garçon qui avait mangé un bus". Le projet de toute une année! Tous les élèves de 1re et 2e secondaire ont joué au moins un bout de rôle, après avoir mis au point le scénario et les dialogues. J'étais littéralement sans voix. Au point que j'ai eu bien du mal à prendre la parole à la fin de la projection, tant j'étais encore sous le coup de l'émotion. Un vrai moment de magie, c'est certain. Et un DVD que je conserve précieusement.

En avril, c'est reparti pour un tour. Au programme, cette fois, Gand, Bruxelles, Ans, Kain, Mons et Stavelot. Je vais en voir du pays en une semaine! 

(La photo qui illustre cette note a été prise à Huy à l'Institut Technique de la Communauté française, en mars dernier, à l'invitation de Madame Depermentier) 

Et tant que j'y suis, je copie-colle les réactions transmises par l'enseignante à la suite de la visite :

« Nicolas (sic) nous a parlé avec franchise, générosité et honnêteté. Cette rencontre restera gravée dans mon esprit. Merci.  »

-         « J’aime son esprit de voyageur, son respect de la nature. »

-         « Il dégage une forte personnalité. J’ai aimé quand il parlait des peluches et aussi de sa vie. »

-          « J’ai retenu que les arbres peuvent voyager malgré leurs racines, c’est un encouragement pour moi dans mes projets futurs. »

-         « Je pensais que les écrivains étaient différents de nous, mais non, sauf qu’ils s’expriment avec plus de vocabulaire et en profondeur…. C’est une bonne chose d’avoir fait cette rencontre. »

-         «  Quel bavard !  Mais j’ai aimé sa façon de voir et de vivre les choses. » 

-         « Merci à lui d’avoir bien voulu dédicacer notre livre. »

-         « J’ai retenu les titres de ses livres, qui sont comiques et attirants (sauf Une vraie Merde) » (hé, hé, celui-là n'est même pas encore écrit, ndla)

-          « Je croyais qu’on allait voir quelqu’un de trop sérieux, mais c’est mieux comme ça, il m’a donné envie de lire autre chose. »

 

 

29/01/2007

« Nettoyage à sec », un choix malheureux ?

Il paraît qu’une polémique a été déclenchée dans les écoles ces dernières semaines par les textes littéraires proposés aux enseignants par la Communauté française pour un test de lecture. On dit que l’un d’eux est trop violent (celui destiné aux cinquième primaires, écrit par Bernard Friot) et que l’autre utilise un langage cru (alors qu’il est destiné aux élèves de deuxième secondaire). Il se fait que je suis l’auteur du second et que je m’étonne sincèrement de voir de pareilles remarques émaner d’enseignants de français. Oui, mon texte fait appel à différents niveaux de langue : d’un côté, deux malfrats racontent leur hold-up qui tourne mal, de l’autre on évoque les scènes de l’enfance d’un petit vieux et les raisons pour lesquelles il tient tant à son ours en peluche. Oui, les gangsters utilisent un registre familier, tutoient leur otage malgré son grand âge, l’appellent « Papy » au lieu de lui donner du « Monsieur » et préfèrent évoquer Lucky Luke dans leurs comparaisons plutôt que les héros de la mythologie grecque. Et alors ? C’est peut-être précisément pour cette raison que ce texte a séduit les autorités de la Communauté : parce qu’il mobilise chez le lecteur des compétences de compréhension plus larges que celles qu’on trouve dans un texte qui n’aurait choqué personne (ah ! les vertus de Pagnol et Duhamel ! ah ! le bon vieux français qu’on causait avant-guerre, les bonnes vieilles histoires de garnements en culottes courtes qui chapardent dans les vergers ! Comme tout cela est rassurant !) et qui n’aurait, sans doute, testé que les compétences de l’élève à régurgiter des connaissances littéraires fort peu adaptées au monde dans lequel il vit. C’est vrai que j’ai été étonné moi-même du choix des inspecteurs : la nouvelle « Nettoyage à sec » a été imaginée pour un public adulte, je l’avais écrite à destination de l’émission de polar diffusée sur La Première en radio vers 23h le dimanche. Une heure où les bambins de 14 ans chattent sur MSN, regardent les émission érotico-ringardes d’AB3 ou dégomment des aliens sur leur PSP, c’est vrai. Mais j’en ai été ravi : voilà que l’école, et en particulier le cours de français, peut enfin parler du monde dans lequel nous vivons, sans se réfugier dans celui dans lequel les frère Grimm, Chrestien de Troyes ou Victor Hugo ont vécu, et dont ils rapportaient, ne l’oublions pas, eux aussi, la violence et la fureur. Toutes les époques sont violentes. L’homme est un loup pour l’homme, on l’écrivait déjà en latin, bien avant que le français ne soit une langue. Bine avant qu’il ne soit l’objet d’un cours et encore moins d’un test d’évaluation. La langue est un outil formidable et une arme redoutable. Apprendre aux enfants à bien l’utiliser, c’est les rendre capables, aussi, de désamorcer la violence avec des mots, de tempérer leur discours, de construire la compréhension mutuelle. Mais pour y arriver, il faut les confronter à la vraie langue : un objet multiple, riche, qui se  partage, se tiraille et se déchire. Il faut leur donner à lire la langue dans toute son amplitude. Sans pudeur. Sans cocon protecteur. « Nettoyage à sec » est une histoire d’aujourd’hui, avec des mots d’aujourd’hui (seule réserve à mes yeux, on y parle encore de « francs » car le texte a été écrit au siècle dernier), je suis content qu’elle soit lue par des jeunes d’aujourd’hui. Si elle paraît crue au lecteur ou à la lectrice, c’est qu’il n’est pas allé au bout de sa lecture. Car cette histoire attendrit. Elle émeut. Je ne vous explique pas pourquoi, car on n’explique pas les textes, on les lit, on les écoute. On les vit. Du moins, c’est ce que je crois et c’est ce que je professe. Alors quand j’entends Madame la Ministre-Présidente juger qu’il s’agit là d’un « choix malheureux », j’ai très envie de lui poser quelques questions :

  1. Madame la Ministre-Présidente, avez-vous lu ce texte avant de vous prononcer ? Je ne le pense pas. C’est pourquoi je tiens à votre disposition un exemplaire et, si vous n’avez pas envie de le lire, je peux vous procurer la version audio, très bien enregistrée par la RTBF (dont votre gouvernement a la tutelle, ce sera l’occasion de féliciter d’excellents collaborateurs) et qui ne dure pas plus de quinze minutes ;
  2. Madame la Ministre-Présidente, je vous pose ensuite la question qui me brûle la langue : quel autre texte auriez-vous choisi en lieu et place de celui-là, dont personne n’aurait pu contester le choix et qui permettrait de juger de la compétence des élèves ? Pensez-vous vraiment qu’un bon texte de fiction puisse plaire à tous sans prêter à aucun moment le flanc à la critique, surtout parcellaire ?
  3. Enfin, Madame la Ministre-Présidente, vous qui parlez de contrat pour l’école, d’école de la réussite, qui visez à donner à chacun sa chance à travers l’enseignement, pourquoi redoutez-vous un texte qui se passe ici et maintenant, à Bruxelles, dans un « pressing » durant les fêtes de fin d’année ? Pensez-vous que l’école pour tous doive n’évoquer que des textes lisses et formatés, qui ne parlent pas du monde, complexe et protéiforme, dans lequel nous sommes plongés ?
Sachez en tout cas que votre administration n’a pas fait ces choix. Une belle leçon de français eût été de rappeler à tous (et notamment aux journalistes et aux enseignants) que la fiction n’aime pas la censure, que le cours de français n’est pas le cours de morale. Qu’on peut s’amuser à imaginer des pots de fleurs qui tombent sur la tête du prof. Qu’on peut jouer à se faire peur. Parce que tout ça, c’est de la fiction. Votre jugement, par contre (« un choix malheureux », avez-vous dit, je le rappelle), ne relève pas de la fiction. C’est dans ce monde-ci que vous l’avez prononcé. J’espère que c’était en connaissance de cause et après lecture des textes incriminés. Sinon, je suis au regret de vous l’annoncer, vous avez lamentablement échoué dans le test. Car la règle est claire pour tous : il faut d’abord lire les textes avant de répondre aux questions. Ça, au moins, il ne se trouvera pas un prof pour le contester !

11:40 Publié dans Presse | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littéreature, enseignement, fiction, culture, ministre, Arena | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer