18/11/2011
Je me numérise - texte préparatoire
1.0
Je me suis levé ce matin.
Je suis allé jusqu'à la salle de bain pour me raser mais mon miroir a rejeté mon mot de passe.
Il refusait d'afficher mon image.
Juste un écran vide, avec le logo de la brosse à dent et l'icône du dentifrice.
J'ai réessayé une première fois.
Même refus. J'ai recommencé encore.
Je me suis dit que j'avais peut-être laissé la touche majuscule enfoncée. J'ai cherché partout sur mon corps et je n'ai pas trouvé. J'ai voulu balancer le miroir par la fenêtre puis j'ai pensé à combien ça coûtait. Sept ans de malheur et le risque de trancher un passant en deux, dans la rue plus bas.
Il devait bien y avoir une explication.
Je m'y suis pris avec méthode. J'ai marché jusqu'au tableau électrique et j'ai coupé les plombs.
J'ai tout rebooté.
Ça n'a rien changé.
Il a fallu du temps pour que l'appartement se recharge, je voyais le paysage réapparaître peu à peu derrière les vitres.
J'ai tenté de me raser sans me voir mais ça n'a rien donné de bon.
Je me suis entaillé la joue.
Ma pensée s'est mise à dériver suivant un fil tordu, comme du sang qui s'écoule.
Puis le téléphone a coupé le fil et j'ai décroché.
C'était du télémarketing. Une jeune fille voulait me vendre des produits surgelés.
C'est toujours quelqu'un qui cherche à vendre. Sans ça, le téléphone ne sonnerait jamais.
Je ne sais même pas si elle existe, cette vendeuse de surgelés, elle m'a donné un faux nom, elle m'a lu de jolies phrases qui sonnaient creux, ce n'est pas à moi qu'elle voulait parler mais à un client, je n'avais pas envie de recommencer le coup du miroir, me sentir rejeté, j'ai commandé des légumes pour la soupe.
C'est bon la soupe. Surtout les légumes.
Il y avait une promo pour trois sachets.
J'ai pris la promo.
Je n'ai pas de congélateur.
Ce n'est pas grave, j'ai bien senti que je lui faisais plaisir en jouant les clients.
C'est comme ça qu'on joue bien. En endossant le rôle qu'on attend de nous.
Le téléphone sonne.
VOIX D'HOMME
Vous avez commandé des légumes surgelés ce matin ?
LUI
Oui
VOIX D'HOMME
Il y a un problème avec votre carte de banque. Le paiement a été rejeté.
(A SUIVRE)
Extrait de textes préparatoires à l'écriture de "Je me numérise" pour la Compagnie de la gare (Vitry-sur-Seine)
10:23 Publié dans À lire en ligne, Ecriture, Théâtre en cours | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gare au théa^tre, je me numérise, théâtre, écriture, littérature, 2.0 | |
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14/11/2011
Je me numérise à Gare au Théâtre
Je suis en ce moment en résidence d'écriture à Vitry-sur-Seine, à l'invitation de Mustapha Aouar et de l'équipe de la Compagnie de la Gare. La résidence bénéficie du soutien de la Région Île de France.
D'ici quelques semaines, je devrais avoir achevé le texte d'une pièce de théâtre qui sera créée à par la compagnie, à Gare au Théâtre, au cours de la saison 2012. La pièce s'intitule « Je me numérise » et j'essaie d'y parler, très concrètement, des mutations profondes que notre monde traverse en ce moment. Oui, oui, l'arrivée massive des Chinois comme financiers du monde et fabricants de tout. Oui, oui, les caméras de surveillance et le flicage du web. Oui, oui, le tout au numérique et les réseaux sociaux. Oui, oui, la grande solitude des villes et la santé mentale défaillante.
Enfin, j'espère que je mettrai tout ça dedans, comme on cuisine un plat au four avec tous les restes de la veille, en ajoutant de l'ail et une couche gratinée pour enrober le tout et le rendre un peu moins fade...
Jeudi soir, j'ai donné une première lecture du début du texte. Un quart d'heure chrono, pas plus, puisqu'on m'avait suggéré de lire « maximum vingt minutes ».
(C'est une vieille leçon que j'ai retenue, après une de mes premières soirées de lecture où j'ai vu comment Pierre Mertens montait tout le public contre lui parce qu'il lisait deux fois plus longtemps que les autres auteurs, puis Nicole Malinconi et Jean-Luc Outers endormir le public à lire des extraits de roman saisis hors contexte. Il y a prescription, les événements ont eu lieu il y a plus de dix ans, je peux donc révéler les noms de ceux qui m'ont enseigné, un peu malgré eux, il est vrai cette règle d'or : toujours faire court. Si possible émouvoir les gens – et je compte le rire parmi les émotions les plus agréables à partager. Lire bref et tonique. Préférer cinq bonnes minutes qui donnent envie d'en entendre plus à vingt-cinq minutes dont dix sont de trop.)
Grand soulagement : le texte a été bien accueilli. Le public a ri. Il a réagi quand il le fallait, alors que l'exercice de lecture, par une seule voix d'une pièce de théâtre à trois personnages est un vrai casse-gueule, d'où le texte ressort forcément amoché.
Après ça, soirée cabaret par Monsieur Delagare et Cie (Mustapha Aouar et son orchestre au complet : Rico et Aurélien) à partir des textes de mon recueil « Métro boulot dodo » (éditions l'Arbre à Paroles). Le spectacle s'appelle « Boulododo » et il sera rejoué à la mi-décembre trois soirs d'affilée. J'avais mon téléphone, j'étais assis dans le fond, je me suis donc permis de filmer un petit bout qui vous donne un aperçu de ce que ces trois énergumènes peuvent produire à partir de petits textes en prose... Ce morceau est particulièrement calme et posé, par rapport à l'ensemble du spectacle.
Bon, à côté de l'écriture, une résidence d'auteur, c'est aussi beaucoup de rencontres.
Au cours des mois de septembre et d'octobre, j'aurai rencontré 12 classes des lycées et collèges de Vitry-sur-Seine, soit plus de 300 élèves de troisième et de seconde au total, qui ont tous lu (en détail et sans sauter un mot, ça s'entend dans leurs questions) mon recueil de nouvelles « Nous sommes tous des playmobiles ».
Maintenant, on passe aux choses sérieuses. Avec une bonne partie de ces jeunes gens, nous allons écrire des épisodes de série télé. Sans doute une soixantaine d'épisodes au total d'ici la fin mars. Qui dit mieux ?
Si ça vous intéresse, je vous donnerai des nouvelles de tout ça dans les prochaines semaines.
19:08 Publié dans Ecriture, Livres en cours, Musique, Théâtre en cours | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gare au théâtre, nicolas ancion, je me numérise, atelier, résidence, écriture, Île-de-france, théâtre | |
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13/05/2011
Qui vient au théâtre ce samedi ?
Je participe en ce moment au 34e Bocal Agité à Gare au Théâtre.
Du coup, je vous invite très cordialement ce samedi à voir le résultat sur scène.
Voici le programme complet :
34e BOCAL AGITÉ
Gare au Théâtre
13, rue Pierre Sémard
94400 Vitry-sur-Seine
Réservation :
01 55 53 22 22
SAMEDI 14 Mai a 19 heures (entrée gratuite)
- "Mort au Théâtre" de Nicolas Ancion
Mise en scène par Julien Feder
Avec : Marie Hélène Peyresaubes, Pascale Maillet, Francis Leonesi, Lionel
Zilder et Carine Greilsamer
- "Learning´ the blues" de Georgia Doll
Mise en scène par Claude Bonin
Avec : Aurélie Gourves, Aurélie Frère, Anne Leblanc, Claire Amouroux,
Mouhcine Mahbouli, Marjorie Bleriot
- "Le Compte Rendu" de Fabien Arca
Mise en scène : René Chenaux assisté de Geneviève de Buzelet
Avec: Angéline Falaise, Elisa Millot, Annick Cornette, Romain Coquelin
- "J'irai pas" de Haim Adri
Mise en scène par Mathieu Huot
Avec : Christelle Kerdavid, Marine Pennaforte, Audrey Tarpignan, Alice
Benoist d'Etiveaud, Natalie Rafal, Catherine Casabuanca
Mais qu'est-ce qu'un Bocal Agité ? C'est une aventure théâtrale en trois jours.
Le premier jour, à 9h, les auteurs (six en général) reçoivent une contrainte d'écriture.
Ils écrivent toute la journée et à 19h, ils donnent lecture du texte aux acteurs et metteurs en scène.
Les metteurs en scène décident alors quel texte chacun va monter.
Ils annoncent leurs besoins en comédiens (X hommes et X femmes), dont on tire les noms au hasard dans un grand bocal.
Le deuxième et troisième jour, les équipes répètent le spectacle dans leur coin.
En soirée, donc vers 19h le troisième jour, le public est invité à assister à la première et dernière représentation de ce spectacle unique.
19:20 Publié dans Ecriture, Théâtre en cours | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : gare au théâtre, bocal agité, théâtre, écriture, littérature | |
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01/04/2011
(Rond comme un ballon)
Il n’y a rien qui ressemble plus
À un joueur de foute
Qu’un joueur de foute
Rien qui ressemble plus à un gardien
Qu’un autre gardien ou un autre gardien
Ou un joueur de foute
Et la rumeur du stade derrière les commentaires
Est toujours identique
Quelles que soient les couleurs
Quels que soient les drapeaux
Exactement comme un poème
En noir sur la page si blanche
Ressemble à tous les autres poèmes
Et le silence est toujours le même
Entre les mots
Le froissement de la page qu’on tourne
La salive qu’on avale et la respiration
Il n’y a pas de clameur
Il n’y a pas de foule
Qui hurle pour les poètes
Et les commentateurs se taisent
Quand se tourne la page
On est toujours seul à écouter les mots
Comme le gamin perdu avec son beau ballon
Qui n’a plus qu’un copain pour jouer avec lui
C’est le mur de l’usine
11:00 Publié dans À lire en ligne, Ecriture, Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : foot, poésie, écriture, littérature, nicolas ancion | |
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14/03/2011
Auteurs, lecteurs, éditeurs et bibliothécaires sans DRM
Non, les DRM (ces restrictions de droits, sous forme de verrous sur les fichiers numériques, qui vous empêchent de copier un livre numérique de votre PC à votre liseuse, ou de le donner à un ami après lecture, par exemple) ne sont pas une nécessité.
Non, copier un fichier pour le donner à lire à un lecteur intéressé n'est pas un acte de piraterie.
Le livre numérique peut circuler sans DRM, il doit même le faire s'il veut vivre longtemps.
Afin de vous faire entendre, diffusez ce symbole anti-DRM, dans vos ePub, sur vos sites et vos blogs.
Affichez le logo et montrez votre opposition à ces systèmes de protection qui entravent le bon usage d’un ebook, gâchant l’expérience de lecture et font du lecteur contagieux un pirate.
Vous êtes lecteur, éditeur, bibliothécaire ?
Vous trouverez sur le site eBouquin les différents logos téléchargeables qui vous correspondent !
15:58 Publié dans Ecriture, Trucs en ligne que j'aime | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : édition numérique, lecture, écriture, édition, drm, liberté | |
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03/03/2011
Deux poèmes par jour
Au moins deux poèmes par jour
ce n’est pas le médecin qui le dit
c’est moi
et je ne suis pas médecin du tout
ni même poète
tant mieux
Au moins deux poèmes par jour
c’est simplement du plaisir
on n’a que la poésie qu’on se donne
ou qu’on s’offre
Au moins deux poèmes par jour
l’un sous la douche dès le matin
qui mousse sous les bras
et se mélange aux poils
Au moins deux poèmes par jour
l’autre tombe au plus mauvais moment
dans les toilettes du train
dans la file à la caisse
un gros poème joufflu
avec une casquette et des petites lunettes rondes
Sans les deux poèmes du jour
impossible de tourner la page
le soir
impossible de regarder le monde
qui tourne sous la neige
il faut alors rester au lit
rester au chaud
rester au calme
et lire les poèmes des autres
15:25 Publié dans À lire en ligne, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, nicolas ancion, écriture, littérature | |
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22/02/2011
Suivez mon regard : le ring de Charleroi
À l'invitation de l'institut du Patrimoine wallon, d'Armel Job et de Christian Libens, j'ai rédigé une nouvelle pour "mettre en valeur" un élément du patrimoine architectural de Wallonie POUR LE RECUEIL "Suivez mon regard".
Comme des tas d'auteurs écrivaient déjà sur des décors qui me sont familiers, j'ai proposé d'écrire sur le Ring de Charleroi.
C'est laid, c'est voyant, ça bouffe la paysage, mais c'est un vrai "geste fort" comme disent les urbanistes. Une forme de bras d'honneur des gestionnaires de voiries et des ingénieurs adressé aux passants, au cyclistes, aux piétons, aux habitants qui doivent passer sous cette masse d béton qui survole et ceinture la ville.
Pour couronner le tout, Jurg a concocté une magnifique illustration aux couleurs de pizzas.
N'est-ce pas joli ?
A vous de découvrir le texte en librairie !
Voici la présentation du livre :
Quarante auteurs et quarante illustrateurs se sont plu, l’espace d’un recueil, à exercer leurs talents sur les biens de famille. Chaque écrivain, épaulé d’un complice plasticien, a fait son choix dans le vaste fonds domestique et a laissé courir son imagination. Pas de traité d’archéologie, pas de guide touristique et surtout pas de plaidoyer nationaliste ! Quarante poèmes, fictions, évocations, en ricochet sur un fragment de Wallonie. Pour le plaisir !
« Suivez mon regard ! », nous disent les auteurs. Suivons-le à travers les cinq provinces, nous découvrirons que le patrimoine n’est pas un bloc de granit figé dans le silence des siècles. Le patrimoine parle. Il ne radote pas, il dialogue avec nous et suscite sans cesse des rêves insolites, des idées nouvelles, de l’espoir pour les hommes d’aujourd’hui.

Auteur(s) : Sous la direction d'Armel Job et de Christian Libbens
- Avant-propos de Freddy Joris
- André-Marcel ADAMEK, Le freux du Château de Vêves
- Nicolas ANCION, Superpizza
- Frank ANDRIAT, D'Orval en Gaume
- Luc BABA, Le petit rouge de Liège
- Alain BERTRAND, Spa-Francorchamps
- Philippe BRADFER, Post tenebras spero lucem
- Eric BROGNIET, Tutti cadaveri
- Daniel CHARNEUX, Emile et Marthe
- Pierre CORAN, Le beffroi de Mons
- Ghislain COTTON, Un week-end à la campagne
- Alain DANTINNE, Entre deux eaux
- Guy DELHASSE, Bon plongeon à toi Johnny Personne
- Xavier DEUTSCH, Les feux de plateaux
- Eddy DEVOLDER, Van Gogh à la cathédrale
- François EMMANUEL, Petites pratiques de l'utopie
- Vincent ENGEL, Festives hostilités
- Bernad GHEUR, La cathédrale de mon enfance
- Françoise HOUDART, Le rêve de pierre d'Eléonore
- Jean JAUNIAIX, Le Bull de mon père
- Armel JOB, Le dolmen
- Eva KAVIAN, Le chant des odonates
- Stéphane LAMBERT, Des injures et des prières
- Pascal LECLERCQ, In Mémorial
- Christian LIBENS, La bête
- Françoise LISON-LEROY, En cet écrin dernier
- Karel LOGIST, 374e marche
- Malika MADI, Losseau, l'oiseau du paradis
- Paul MATHIEU, Les testaments de pierre. Lettres à un ami
- Colette NYS-MAZURE, Un enlèvement
- Marc PIRLET, Entre ciel et terre
- Claude RAUCY, Les rassembleurs
- Frédéric SAENEN, La langue première
- André SCHMITZ, Sources et Sortilèges
- Irène STEYCK, La statue de Grétry
- René SWENNEN, La banlieue industrielle
- Georges THINES, Le lors et le tumulus
- Michel TORREKENS, Gembloux, ma planète
- Jean-Pierre VERHEGGEN, On a décapité Sigebert
- Jean-Luc WAUTHIER, Le manège
- Evelyne WILWERTH, Les confettis roses
Parution : Namur 2011
Edition : IPW
408 pages
ISBN : 978-2-87522-055-4
Prix TTC EUR : 15.00
17:45 Publié dans Livres en cours | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : suivez mon regard, charleroi, écriture, nouvelles, littérature, architecture, liège | |
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26/09/2010
Les salons du Livre sont morts, que vivent les salons
Dans un billet très bien argumenté et joyeusement engagé, Francis Mizio annonce qu'il refuser désormais de se rendre dans les salons pour dédicacer ses livres, quand cette invitation n'est pas liée à l'une ou l'autre activité rémunérée (atelier d'écriture, conférence, lecture...). À ses yeux, le rapport entre auteurs et lecteurs dans un salon n'a pas beaucoup de sens : la dédicace et les quelques mots qu'on échange, les milliers de livres identiques à ceux qu'on trouve en librairie et, comme dans les magasins, tous ces noms d'auteurs que les lecteurs ne connaissent pas (et souvent, pour ne rien arranger, leurs tronches de types pas propres et pas télégéniques). Une foire ne bénéfie ni aux auteurs ni aux lecteurs, tant que le système de vedettariat et de surproduction éditoriale est en place. Voilà le propos violemment résumé. Allez lire l'original, il est plus complexe que ces quelques lignes et plein de jolies initiatives pour changer les choses.
Ces impressions, je les partage presque toutes.
C'est pour cette raison que j'avais tant apprécié, il y a bien longtemps de cela, à la Foire du Livre de Bruxelles, un stand sponsorisé par la Poste, qui proposait aux auteurs de venir, une heure durant, mettre leur plume au service des lecteurs. Pour écrire quoi ? C'était aux lecteurs d'en décider. L'un voulait une déclaration d'amour, l'autre un souvenir d'enfance, une troisième une lettre d'insulte. Le texte était rédigé à chaud, puis, dans la foulée, si le lecteur le souhaitait, transcrit en braille par un aveugle et, toujours en option, envoyé au destinataire éventuel.
J'ai raffolé de cet exercice. Les auteurs n'étaient plus juste des gueules qu'on colle au dos de leurs livres, ils redevenaient des gens qui écrivent et qui aiment ça, qui, face à un problème donné, trouvent volontiers une solution en mots et en phrases, qui ravit les lecteurs et les lectrices.
Bien entendu, l'année suivante le stand n'était plus là. Sans doute s'était-on trop bien amusé ? Sans doute avait-on bousculé les ordres protocolaires habituels ? Sur le stand de La Poste, les lecteurs ne connaissaient pour la plupart pas les auteurs mais ils les rencontraient vraiment et, peut-être, mais on s'en fout un peu, avaient-ils envie de lire ensuite leurs autres textes. C'est possible, mais ce n'était pas le but premier.
Quelques années plus tard, l'équipe des donneurs, menée par Jean-Pierre Girard, a débarqué à Liège, puis à Bruxelles, pour rallier les écrivains à sacause, celle d'écrivains qui offrent leur plume au public. L'esprit était le même, le plaisir aussi. Au Québec, cela dure depuis longtemps et c'est permanent.
Mais tout seul, sans un collectif d'auteur, on ne peut proposer ça sur un seul stand dans un salon quelconque.
Suffit pas de mettre un petit panneau « Ici auteur à votre disposition ».
J'avais aussi beaucoup aimé la lecture performance organisée par l'embryon de Maelström réEvolution en 2007 dans le petit théâtre de la Foire du Livre de Bruxelles, les lectures en musique y suivaient un cours très organique et festif, façon auberge espagnole où les auteurs se confrontent et s'explorent, se succèdent et s'écoutent, dans la grande tradition des Nuits de la Poésie de feu le Cirque Divers à Liège, par exemple.
Du coup, j'ai proposé l'an dernier d'écrire un roman en 24h chrono à la Foire du Livre de Bruxelles. J'ai adoré ça, j'en ai déjà beaucoup parlé sur ce blog, et je ne pense pas que ça a fait vendre des tas de livres dans la foulée, malgré la couverture médiatique exceptionnelle, mais ce n'était pas le but du tout.
La plus grande vertu de cette performance, à mes yeux, c'est d'avoir remis l'écriture au centre du débat, d'avoir montré dans un salon qu'un écrivain est un bête type avec un cahier ou un clavier et que les trucs qu'on lit ensuite, joliment imprimés, coulent d'abord très spontanément comme la cervelle s'écoule d'un crâne fracassé.
J'ai aussi appris à écrire seul mais en équipe. Pour mon projet, j'avais organisé un concours pour avoir des noms de personnages à intégrer dans le texte, puis, durant toute la rédaction, le manuscrit était lisible en ligne en temps réel, à mesure que je le rédigeais. C'était fun. C'était excitant. C'était surtout vivant et j'ai pu parler de ça, très simplement avec beaucoup de visiteurs du salon. Tout d'un coup, nous avions quelque chose de très concret à échanger. Les gens étaient gentils, m'apportaient à boire et à manger, prenaient de mes nouvelles.
Autre chose que trois heures de signature sur un stand perdu parmi 500 autres auteurs à Brive ou à Nancy, par exemple.
Je serai au Québec l'hiver prochain, je compte bien réitérer le coup de l'écriture en direct. Et recommencer ensuite partout où on voudra bien de moi.
Non pas parce que les textes que j'écris ainsi sont bons mais parce que le moment que je vis avec les visiteurs est exceptionnel.
Je m'amuse et chaque minute est unique.
Comme chaque rencontre avec les lecteurs.
Je suis certain qu'en comptant sur les idées des auteurs pour rendre les salons vivants, ces événements auront encore de très belles années à vivre.
En alliant l'écriture en direct, la lecture et la diffusion numérique, on peut même faire rayonner les salons bien plus loin que la grand-place des villes de province et leurs tentes interminables.
PS : pour illustrer cette note, une auto-photo que j'ai prise la nuit dans la Foire du Livre de Bruxelles, vers 3 ou 4h du mat, tandis que je joggais entre les stands vides pour me dégourdir pendant l'écriture de mon roman. Un moment magique, dans la halle vide, avec les pigeons qui volent et les chauffages qui claquent dans le silence.
21:55 Publié dans Ecriture, Rencontres publiques | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : nicolas ancion, salon littéraire, salon du livre, performance, lecture, écriture, auteur, littérature | |
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