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07/03/2011

Dans le tram à Varsovie

tram.jpgDans le tram ça faisait longtemps

que je n’avais plus écrit dans un tram

pourtant les rails

pourtant le bruit

la pluie battant sur le carreau

c’est comme si c’était hier

c’était il y a au moins cinq ans

Bruxelles

la poésie ne colle pas du tout à

Bruxelles

(dans le tram j’écrivais des romans)

les années ont passé

dans le tram ça faisait longtemps

que je n’avais plus écrit dans un tram

ce n’est pas un drame

mais d’être ici à Varsovie

juste à côté des doubles portes

avec le vent

avec la pluie

et le sol du tram glacé

qui colle aux pieds

j’en ai les doigts tout raides

à chaque arrêt

les portes s’ouvrent

les pneus de voitures lancent

des bruits d’eau qu’on écrase

des gémissements de freins

je suis dans le tram 29

ça ne s’invente pas

tram sale en site propre

et dans la nuit qui couvre la Pologne

je rejoins une dernière fois

l’hôtel de luxe

qui m’héberge

les feux tricolores les enseignes

dédoublés dans les flaques d’eau

ponctuent le trajet rectiligne

bientôt l’hôtel bientôt le luxe

puis la très très courte nuit

avant de dormir dans l’avion

combien de poèmes reste-t-il

avant de rejoindre la maison

et de ranger mon carnet

nul ne le sait sauf mon stylo

mais il ne compte jamais

que jusqu’à un

04/03/2011

C’était sur MTV Allemagne

pologne, télévision, poésie, nicolas ancion, mtv

C’était sur MTV Allemagne

une caméra cachée

avec chrono

je n’ai jamais compris à quoi servait le décompte

mais un gros type à lunettes

bouffait de la saucisse bien grasse

avec ses doigts

avant de rendre aux clients effarés leurs photos développées

pleines de graisse et de traînées

C’était sur MTV Allemagne

en amerloque doublé de teuton

avec de la musique de fond

au même moment Michel Drucker

léchait les pompes de Pascal Sevran

ou peut-être le contraire

c’en était dégoûtant

devant le sourire complice de Geluck

la publicité les a interrompus

c’était Brise WC et c’était salvateur

un peu d’air frais chimique

après la merde publique franchouillarde

London Calling - The Clash

pour un résumé de foot sur Eurosport

les années passent

le monde ne bouge pas vraiment

il n’y a toujours que onze joueurs par équipe

ailleurs des flics en noir dans une banque enfumée

un Polonais en chaise roulante

des Taïwanais fachés

tout ça en quelques minutes

dans le poste à Katowice

publicité se dit Werbung

sur MTV Allemagne

mais c’est toujours la même soupe

en sachet

et des sonneries de téléphone

quoi qu’il arrive

après la pub toujours la caméra cachée

il faut que je me remette à écrire

car rien ne change jamais

sur MTV Allemagne

03/03/2011

Deux poèmes par jour

poésie, nicolas ancion, écriture, littératureAu moins deux poèmes par jour

ce n’est pas le médecin qui le dit

c’est moi

et je ne suis pas médecin du tout

ni même poète

tant mieux

Au moins deux poèmes par jour

c’est simplement du plaisir

on n’a que la poésie qu’on se donne

ou qu’on s’offre

Au moins deux poèmes par jour

l’un sous la douche dès le matin

qui mousse sous les bras

et se mélange aux poils

Au moins deux poèmes par jour

l’autre tombe au plus mauvais moment

dans les toilettes du train

dans la file à la caisse

un gros poème joufflu

avec une casquette et des petites lunettes rondes

Sans les deux poèmes du jour

impossible de tourner la page

le soir

impossible de regarder le monde

qui tourne sous la neige

il faut alors rester au lit

rester au chaud

rester au calme

et lire les poèmes des autres

02/03/2011

Entre Varsovie et Katowice

pologne,train,poésie,nicolas ancionEntre Varsovie et Katowice

dans un compartiment surchauffé

j’ai vu défiler la Pologne

si plate

avec ses petits pins plantés

au milieu des lacs de neige

Entre Varsovie et Katowice

c’était déjà l’heure du dégel

et du crépu minuscule

qui se balade au crépuscule

sur les étendues glacées

trois femmes dans mon compartiment

l’une d’entre elles lit un roman

l’autre un fatras de papier

la troisième ronfle

comme moi

nous sommes au cœur de la Pologne

Entre Varsovie et Katowice

et d’un coup une des femmes demande

dans un très joli français

s’il ne fait pas trop chaud

qui le traduit aussitôt en joli polonais

tout le monde est bien d’accord

que le chauffage nous incommode

on se sourit en double langue

et l’air frais

oui l’air frais

celui qui caresse les oreilles rouges

d’un infime baiser

glisse par la porte entrouverte

jusqu’à mon cahier ligné

le train repart

emportant avec lui la petite ville

au nom imprononçable

et ses usines enneigées

Nous étions trois à lire

trois à parler français

dans le compartiment six

entre Varsovie et Katowice

23:34 Publié dans À lire en ligne, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pologne, train, poésie, nicolas ancion | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer

28/02/2011

On est toujours jaloux de la littérature des autres

On ne choisit pas l'endroit où l'on naît

Encore moins le moment

Ça se fait comme ça neuf mois après un moment d'égarement

Ou de fureur terrible et passionnée

On ne choisit pas

On fait avec

 Québec, Révolution tranquille, nuitblanche

On fait avec

ça pourrait être la devise de ma patrie

Je viens de Belgique

Ce petit pays dont on dit – en ce moment - qu'on ne le gouverne pas

Alors qu'il y a six gouvernements en place

- et un seul hors d'état -

Mais on fait avec on ne choisit pas

 

Je suis né là

au début des années soixante-dix

ces années qui n'ont jamais existé en Belgique francophone

on les a remplacées par les années septante

 

J'ai grandi dans ce pays-là

Avec de la famille dans celui-ci

J'aimais ce Québec où l'on faisait pousser mes deux cousines

Année après année

Dans des écoles fermées pour cause de tempête de neige

En hiver

- ça me faisait rêver -

Et fermées en été

une fois la neige fondue

Pour cause de vacances en Belgique

Dans le jardin de ma grand-mère

 

J'ai grandi avec dans un coin de la tête

Ce Québec-ci qui bouillonnait

Celui que l'on réécoute ce soir

Avec son français aux couleurs rouges d'érable

Avec ses mots et ses histoires

Dont je ne connaissais que les contours

et les échos

Ces histoires d'indépendance et de souveraineté

De combat pour la langue

Alors qu'on ne se battait chez nous que dans la cour de récré

Et encore pas très fort

 

On est toujours jaloux de la littérature des autres

Celle du Québec en ces années-là me faisait rêver

 

L'idée que la littérature puisse se chanter se gueuler

Se mêler au monde pour le changer

Se mêler de politique

 

Que les livres puissent s'écrire et se lire au milieu des gens

avec non seulement quelque chose à dire

mais aussi à gagner

 

Que la littérature risque par moment la prison

Ou la victoire

 

C'était à rendre pâle d'envie

Le petit Belge que j'étais

dans sa littérature endormie

Où l'on coupait les cheveux en quatre

Pour savoir si oui ou non

La Belgique

Ce petit machin laissé pour compte

Avait droit à son histoire

Ou si elle n'était qu'un département de France mal annexé

Mal indexé dans la grande histoire littéraire

Sorte de toilettes au fond du jardin de la Cacadémie française

 

Alors qu'ici

Non seulement il y avait une littérature

Mais elle se soulevait

 

Comme le couvercle d'une marmite à pression mal fermée

 

Comme la levure d'une génération

 

Une littérature levure poussée par son imaginaire

 

L'image me plaît

On voit les bulles d'air dans la pâte

Pour respirer

 

 

On est toujours jaloux de la littérature des autres

De toute façon

Et c'est très bien ainsi

La jalousie est un excellent moteur

De découverte

D'exploration

Et d'écriture

 

Aussi plus tard à l'Université

Quand j'ai dû lire et étudier ces textes aux titres importés

qui se mêlaient en une grande fête :

La vallée des rapaillés

Prochain épisode dans la vie d'Emmanuel

L'amélanchier hurle

ou encore

Salut, la grosse Galarneau est enceinte

 

J'avais l'impression que ma langue dans tous ces livres-là

Avait plus de sens que ma petite langue à moi

Qu'elle prenait de l'ampleur

Qu'on lui avait ajouté cette drôle de levure aux saveurs d'automne

 

J'avais l'impression que publier des livres et que monter sur scène

Cognait plus fort ici

Dans les veillées

Dans les assemblées

Dans les chansons

Que chez les vieux libraires d'Europe

Et dans ces universités poussiéreuses

Où la littérature ressemblait à un cadavre depuis longtemps enterré

Qu'on ressortait du formol pour mieux la disséquer

 

Québec, Révolution tranquille, nuitblancheMes impressions étaient sans doute fausses

Et déformées

Ce n'est pas grave

 

On est toujours jaloux de la littérature des autres

De toute façon

Et c'est très bien ainsi

 

Au même moment vous rêviez peut-être d'Hergé ou de Magritte

De Verhaeren ou de Simenon

Qui sait

 

C'est ce qui nous manque

qui donne envie de découvrir le monde.

 

On dit parfois que la littérature c'est l'évasion

Mais la littérature c'est le voyage et c'est la vie

C'est le rêve

C'est le réveil après le rêve

Et le sommeil quand on a les yeux cernés

Les yeux fermés et grand ouverts sur le monde intérieur

la littérature c'est tout ça et tout le reste

 

Et c'est si beau quand ça se partage

Sur la place du village ou les quais du métro

Que ça vaut bien une indépendance et une révolution

 

Mes impressions sons sans doute encore fausses

Et déformées aujourd'hui

Ce n'est pas grave

Elles m'ont permis de croire depuis toujours

 

Qu'on peut écrire tout seul

Dans sa petite langue à soi

Celle que l'on brasse à l'intérieur

Et que ces mots qu'on pense tout bas

Lâchés à haute voix

Sont les armes d'une révolution en marche

Une révolution qui ne s'arrête pas à un drapeau

À un combat

À un choix sur un bulletin de vote

Qu'elle est une forme de résistance permanente

 

Un acte de foi

Un passe partout

Qui ouvre une porte oubliée

Sur l'autre bout du monde

 

Sur un continent où l'on n'a pas encore mis les pieds

Où l'on retourne cependant chaque soir

Plein d'espoir

Tout seul

A sa table

Creusant à l'intérieur de soi

À l'intérieur des textes

Pour inventer ces pays libres qui n'existent pas

Tant qu'on ne leur a pas donné vie

 

On est toujours jaloux de la littérature des autres

C'est vrai

Mais à tout prendre l'herbe me semble plus verte sous la neige

D'une province qui veut s'émanciper

Que sous le ciel gris d'un pays morcelé

qui a renoncé à la fois

à la révolution et à ses rêves

 

Ce texte a été écrit et lu hier en public à Montréal, le 26 février, à l'occasion de la Nuit Blanche à la Grande Bibliothèque, dans le cadre du Cabaret Pas Tranquille, hommage à la littérature de la Révolution tranquille.

Le cabaret pas tranquille a été organisé par Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et l'Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ).

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Merci au passage à l'UNEQ, qui a proposé de me joindre aux festivités (et tout particulièrement à Denise Pelletier, qui est aussi la photographe des deux clichés ci-dessus, en cours de révision et en cours de lecture) puis à Olivier Kemeid qui a orchestré la soirée.

09/10/2010

70 raisons de péter en public - Nicolas Ancion

péteur, euse. N. (1380; de péter).
Rare. Personne qui a l'habitude
de laisser échapper des vents.

Le Petit Robert

 

Parce qu'il fait beau
Parce qu'il pleut
Parce qu'il y a du soleil entre nos dents
Pétons en marchant

Parce qu'il bruine
Parce qu'il neige
Parce qu'un grand vent couvre les tout petits
Pétons à l'envi

Parce que le ciel est bleu
Parce que le siècle est vieux
Parce que les fesses comme les femmes veulent leur libération
Pétons en toutes directions

Parce que le pays est petit
Parce qu'il est triste
Parce qu'il est gris
Puisqu'on nous l'interdit
Pétons de minuit à midi

Parce que les usines sont sales
Parce que les nuits sont pâles
Parce que le temps s'en va
Pétons sans cesse ou ne pétons pas

Parce que le Pape pourrait être dans la pièce
Avec ses moufles avec sa nièce
Parce qu'il chante pendant la messe
Pétons des deux fesses

Parce que le roi est sur les timbres
Parce que les timbres sont sur les lettres
Parce que les lettres sont dans l'alphabet
Larguons vingt-six pets

Parce que les pâtes cuisent dans l'eau
Parce que l'eau bout à cent degrés
Et parce qu'elle gèle à zéro
Lâchons un gros

Parce que la maladie nous ronge
Parce que la mort viendra sans bruit
Parce que la vie ne s'use que si l'on s'en sert
Parlons du derrière

Crions parce que notre intestin nous mord
Crions parce que le fessier nous chatouille
Crions parce que le colon nous fait mal
Crions du trou d'balle

Et puisque la foule est aussi sourde que muette
Puisque les klaxons font pouêt-pouêt
Pétons comme on pète

Étant donné qu'il n'y a de nuisance
Ni pour les morts
Ni pour les sourds sans odorat
Pétons à tour de bras

Pétons pour les famines
Pour les ouvriers dans la mine
Pour les enfants dans le berceau
Qui pètent sans connaître les mots
Pétons pour ceux qui sont dans le besoin
Les éboueurs les videurs de drains
Les épandeurs et leurs fosses à purin
Ceux qui nettoient les chiottes des trains

Pétons pour ceux qui n'en ont plus le goût
Les nonnes et les anoblis
Les mannequins amaigris
Les tueurs du Brabant
Patrick Haemers aussi

Pétons pour tous ceux qui nous ont définitivement quittés
Mère Thérésa
qui
miracle
ne pétait pas
Lady Di
qui pétait
aussi
en bikini
Albert deux
qui n'est pas mort calmez-vous
mais a fait le vœu
en tremblant
de ne plus rouler à moto
et de ne péter dorénavant
qu'aux toilettes
et sans un mot
le pauvre
Claude François
qui pète sur son île
et devient vieux
avec Elvis Presley
qui pète toujours en anglais

Jeanne d´Arc et ses compagnons
comme Godefroid de Bouillon
qui pétaient
malgré la religion
Hitler Napoléon
Ceaucescu et peut-être Néron
chacun dans sa région
pétait en canon

Ils ne pètent plus désormais
le seul vent qui les aère
est celui que lâchent les vers
dont ils sont rongés

Pétons néanmoins en leur souvenir
Pétons avec le sourire
car bien avant de mourir
rien ne peut tant nous soulager
qu'un sphincter bien dilaté
traversé d´un bon vent
qui s´échappe en courant

Pétons et pétons encore
Pétons jusqu´à ce que la mort
à son tour
par l'intestin pressée
ne puisse s'empêcher de péter

(c) Nicolas Ancion 1999 - Diffusion libre avec mention de l'auteur et lien vers cette page, merci !

 

bugle.jpg

 

22/08/2010

Le poète fait très court (Les aventures du poète, tome 4)

250px-Anatomie_du_livre.jpgPour les vacances, un petit extrait des Aventures du poète, publié il y a quelques années dans le numéro 52 de la revue Microbe ( nimée par l'infatigable Éric Dejaeger, dont voici le site).

 

Ce texte, au moins, a le mérite de ne pas être trop long, on peut le lire sans se fatiguer, les orteils en éventail, une bière à la main et les yeux fermés.

 

Enfin, on peut essayer, du moins.

 

Le poète fait très court

 

(Les aventures du poète, tome 4)

 

Le poète fatigué

D’écrire à gauche à droite

De longs machins

Tend à son chien un feutre

Et un carnet toilé

Le chien est mort la veille

Le marqueur est tout sec

Et le poète s’endort sans avoir rien écrit.

 

Le lendemain pris de remords

Il envoie à la revue

Une enveloppe vide

Avec des poils de chien

Et un feutre en bout de course

Do it yourself

Ajoute-t-il au Bic

(celui-là marche encore, il le garde pour lui)

 

Conscient d’avoir conçu le poème Ikea

Le poète se rendort

Heureux

Rêvant de modes d’emploi.

 

 

 

04/08/2010

Rien à déclarer

LAMALOU 3997 (10).JPGJ'était invité hier soir, à Lamalou-les-Bains, dans le cadre d'une semaine de Vagabondages littéraires. L'accueil était formidable, le lieu magnifique, le public (nombreux) très chaleureux. Vous allez me dire que si ce n'était pas le cas, je n'oserais pas l'écrire et vous aurez raison. Mais comme tout était réussi, pourquoi se priver de le dire, hein ?

 

Bon, ce n'est pas tout ça mais je voulais surtout vous raconter qu'en attendant le début de la rencontre, j'ai ouvert un livre qu'on avait posé devant moi car j'en avais écrit un bout et j'ai relu ce texte-ci, écrit il y a quelques années, suite à la demande d'Hervé Broquet qui me demandait de commenter l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme. Vous savez, l'article qui dit deux choses pour le prix d'une :

 

Robot mixeur tout en un.jpg1.Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
2.De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.

 

Comme ce genre de texte ne me parle pas vraiment et que ce n'est pas ma lecture favorite, j'ai répondu ce qui suit. Je le partage avec vous, juste pour le plaisir.

 

Bonne lecture !

 

Je n’aime pas la langue des avocats
La langue de fer la langue de bois
Les droits de l’homme pas plus que le droit des marques
Ou le droit à l’image
Toutes ces langues je ne les comprends pas
C’est comme les frontières
Les calendriers
Les factures
Ce sont des inventions en cravate
Pour plus besogneux que moi
On me dit que les droits de l’homme
Bla bla bla
Et puis que tel article
Bla bla bla
Je ne vois que des mots opaques
Des mots à cornières de métal
Des mots armés
Même si c’est contre l’injustice
Les inégalités
Ce ne sont jamais que des mots
Et l’on ne vit pas de mots
Ni de phrases
Il en faut un peu plus
Pour huiles les rouages
Il faut de la chair tendre il faut des poils de pied
Des regards et des ongles
De l’humain qu’on respire
Et puis qui sue aussi par moments par lâcheté
Il en faut un peu plus
Pour virer l’esclavage
De l’homme par l’homme
Que des mots que des paragraphes
Même bien numérotés
C’est qu’ils numérotent bien au greffe
Ils ne savent faire que ça
On ne trouve pas d’erreur
Juges et avocats maîtres bouliers compteurs
Mais la vie est ailleurs
J’espère
Que dans ces textes arides
Un type avec son bide
Franchit une frontière
Un autre veut un boulot
Mais il a la peau grasse
Ou bien les cheveux roux
On ne veut pas de lui
Pas du tout
Pas question dit la loi
A qui on n’a rien demandé
Même les roux gras on doit les engager
Même les Andaluviens même les autonomistes de la république biélo-flamandes
Les minorités à bretelles
Les apatrides
Les apparentés
Et les de seconde zone
Ceux qui n’ont pas un balle
Et pas même un trou-de-balle
Ceux-là aussi
Même s’ils croient à Windows
Au Grand Motoculteur
A l’horoscope breton et au tarot flamand
Même s’ils ont la peau bleue
Des frères et sœurs par milliers
Et qu’ils lèchent les vitres
A la fin du souper
C’est leur droit après tout
Le droit d’être différent
D’être sot d’être vieux
D’être paralytique de vouloir le rester
De bouffer le dessert en même temps que l’entrée
Le champagne dans le verre à dents
Les dents serrées
Le bon vin et l’ivraie
Le droit de tout mélanger
De brasser
D’embrasser le monde entier
On doit tous les engager dit la loi
On doit tous les écouter
On doit faire comme si toutes ces différences n’en étaient pas
Même si on n’a pas le temps
Même si on n’a pas envie
Eh bien moi je dis que cette loi elle ne me parle pas
Comme toutes les lois du monde
Tous les mots sont les mêmes
Leurs sens se ressemblent se chevauchent et s’empêtrent
Je ne sais plus que dire
Je n’ai rien à écrire
Je préfère le silence
Le silence et la sieste
Sont les vrais luxes sur terre
Le reste n’est que triste gesticulation
De mouches dans la purée
Et même avec une cravate et devant la plus haute des cour
Une mouche engluée reste une mouche inerte
Je préfère le silence
Quand on se tait
Nous voilà tous égaux
Même les bègues et les sourds qui ne parlent qu’allemand
On peut enfin réclamer ce qui compte vraiment
Le respect le respect le respect
Même pour les gens
Allez
Oui
Même pour les gens

 

Ce texte, avec la contribution de nombreux autres auteurs sur tous les autres articles de la déclaration est toujours en vente dans les bonnes librairies dans le recueil "Droits de l'Homme, j'écris vos noms", sous la direction, donc, d'Hervé Broquet, aux Éditions Couleur Livres. On le trouve par exemple chez Amazon mais partout ailleurs aussi, je ne vous encourage certainement pas à déserter les bonnes librairies, qui peuvent commander le livre sans problème.

PS : l'illustration n'a rien à voir, c'est un robot mixeur tout en un. Vous l'aurez sans doute remarqué.

PPS : Gerald de Murcia vient de m'envoyer quelques photos de la rencontre à Lamalou-les-Bains, j'en ai donc ajouté une à cette note, merci à lui pour cet envoi !