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22/11/2008

Echevin pour la culture de quelle ville ?

Faut-il encore présenter le débat citoyen qui se déroule à Liège autour de la possibilité pour la ville de poser sa candidature comme capitale culturelle de l'Europe en 2015 ? Je ne vais pas me lancer dans cet exercice impossible ici, j'ai juste envie de rendre publique une information intéressante, transmise cette nuit par un mail bienveillant (merci, Roberto).

Depuis le début de la campagne populaire, lancée par quelques artistes et citoyens qui ont emboîté le pas au sculpteur Alain De Clerck, on dénombre d'un côté beaucoup d'enthousiastes (dont 20.000 Liégeois qui ont signé le formulaire de demande de consultation populaire) et de l'autre, quelques élus grincheux, qui boudent ce projet, de peur de se voir taper sur les doigts par leurs camarades de parti, alors qu'il leur suffirait de le soutenir, tout naturellement, pour réconcilier la politique et les citoyens.

Ces élus préfèrent cependant rester fidèle à la ligne obscure défendue dans les couloirs de leur famille politique, camper sur des positions démocratiquement indéfendables (des décisions prises en toute discrétion, sans publicité – ce qui est toujours très mauvais signe dans la sphère politique, comme le troc d'une liaison autoroutière contre le statut de capitale culturelle), plutôt que relayer le désir de la population qu'ils sont censés représenter.

A ce jeu, certains se cassent les dents, comme le bourgmestre, qui tente de faire passer sa position de repli frileux pour une attitude ambitieuse (Liège n'a pas besoin d'être capitale culturelle puisque dans ses projets il lui propose d'être exposition universelle – avec le gouffre financier que cela représente – ET métropole sous-régionale – avec tout le ridicule que cette dénomination entraîne), tandis que d'autres jouent les sages, comme l'échevin de la culture, ravi de voir sa voie de garage soudain mobiliser toute l'opinion publique, et qui en profite pour tempérer et relativiser l'importance du rôle de capitale culturelle. Pour quelle raison ? Mystère ?

Non, rien de mystérieux à cela. L'homme est tout simplement membre fondateur de la Fondation Mons 2015. Lui qui serait censé porté la candidature liégeoise, comme son mandat public – obtenu par scrutin électoral – l'implique, le voilà qui travaille pour l'autre ville. Il pense, il imagine et conseille... la ville de Mons !

C'est tout bonnement scandaleux, révoltant et aberrant. Pas étonnant, ça, non, les moeurs politique en Wallonie ont cessé de m'étonner depuis longtemps, on se blinde, que voulez-vous...

A-t-il été mandaté par le conseil communal de liège pour représenter la Cité Ardente au sein de Mons 2015 ? Je n'en ai pas connaissance. Si c'est le cas, il y avait lieu d'en débattre, de toute façon, et l'opposition s'en serait régalé... Sans parler de la presse.

Mais il n'y a pas eu de débat, selon toute vraisemblance, car il n'y a pas eu de mandat officiel du conseil communal. Ce poste est un petit arrangement entre amis.

jph.jpgOn fera sans doute croire que Jean-Pierre Hupkens siège au sein de Mons 2015 à titre personnel, lui qui avouait dès son entrée en fonction à Liège qu'il ne connaissait pas grand chose en culture et que ça lui permettait de venir sans a priori, au service de la ville, entouré de bons conseillers. Il a vite changé de statut, le voilà bombardé expert culturel.

Et, de simple échevin, le voici bombardé agent double, en eaux troubles. Peut-être siège-t-il à Mons pour piquer les bonnes idées et les ramener à Liège ? On peut rêver... N'est pas James Bond qui veut.

Il y a tout de même une bonne nouvelle, là-dedans, si c'est sur des pointures pareilles que Mons mise pour réussir son projet, on va bien rigoler en 2015.

 

11:44 Publié dans Liège | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : liège 2015, mons 2015, liège, culture, capitale, europe, politique | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer

14/11/2008

Liège aura sa consultation populaire

logo.jpgCe vendredi matin, je trouve un message incroyable dans ma boîte à mails : Alain De Clerck annonce que l'équipe bénévole et acharnée de Liège2015 a réussi l'impossible. Elle a réuni 19006 signatures d'électeurs liégeois qui souhaitent que l'on organise une consultation populaire dans la ville pour savoir si elle doit présenter une candidature pour être capitale européeenne de la culture en 2015 !

Une pétition pour demander une consultation pour demander si on veut poser une candidature en vue d'être peut-être capitale culturelle en 2015 ?

Ça vous semble tordu ?

Ça l'est, en effet. Et ce n'est pas un hasard.

Depuis qu'une poignée de Liègeois, réveillés par une victoire du Standard en championnat de foot, se sont dit que leur ville ne pouvait pas laisser passer l'opportunité d'être capitale culturelle en 2015, le pouvoir politique local a tout fait pour ignorer, esquiver puis museler cette initiative citoyenne et spontanée.

On se souvient en effet que :

  • malgré une première pétition largement soutenue, le collège des bourmestres et échevins a voté que Liège ne se porterait pas candidate, quelle que soit la volonté de ses habitants, "pour ne pas rompre des accord politiques passés" ont sobrement déclarés les porte-voix de la majorité (nature exacte de ces accords ? Difficile à savoir. Sleon les sources, soit échange de financements pour sortir la ville du gouffre contre l'assoupissement politique de ses élus sur d'autres projets d'envergure accordés à d'autres villes soit, pire encore, échange d'un tronçon d'autoroute pour Liège contre la candidature en 2015 pour Mons, peu importe, au fond, ce genre de troc ne peut en rien être mis en balance avec une vraie initiative collective, on ne peut pas enrayer un mouvement d'opinion en brandissant devant les yeux, comme le crucifix face au démon, des accords sans cadre clair, objets de marchandage bassement particratiques et sous-régionalistes) ;
  • les partis au pouvoir ont profité du fait que ce vote avait été gagné majorité contre opposition pour tenter de discréditer le mouvement populaire en faisant croire qu'il était piloté par le MR et Ecolo. On en rirait encore si cette stratégie de défense ne révélait pas l'abîme abyssal qui sépare à Liège le PS ou le CdH d'un quelconque contact vivant avec les gens qui habitent la ville et qui votent (pas ceux dont ils ont acheté la loyauté en leur offrant un poste, mérité ou non, et qui leur mangent dans la main en les caressant dans le sens du poil même autour du fessier, là où l'on risque bien de se retrouver avec de la merde sur les doigts une fois l'opération terminée), si vous avez passé une soirée à Liège dans les six derniers mois, vous avez dû sentir que les, pour la première fois depuis des années, le citoyen moyen a envie que les choses bougent et que la ville redresse un peu la tête (et pas juste ses finances) ;
  • pour contrer l'immobilisme de la ville, un groupe de Liègeois s'est proposé de faire appel à la consultation populaire, prévue dans la loi mais jamais appliquée dans une grande ville ; les autorités communales ont traîné pour fournir les documents administratfis nécessaires, espérant ainsi que le temps saperait un peu l'enthousiasme des Liégeois. C'est visiblement raté ;
  • encore aujourd'hui, le bourgmestre annonce qu'il vérifiera une à une les signatures, comme si 18000 signatures valides au lieu de 19006 changeaient quelque chose à l'affaire, on frissonne à l'idée que l'équipe du bourgmestre va tenter de démontrer que cette intiative citoyenne est une fraude, c'est vraiment le monde à l'envers, l'équipe élue qui se comporte en régime autoritaire, réticent aux demandes des citoyens; on se demande dans quelle ville ils retournent réellement dormir le soir pour prétendre que Liège2015 est une escroquerie ou le résultat d'un travail de faussaires ;
  • ceux qui se son élevés pour dénoncer l'attitude du PS et du CdH dans cette affaire ont été systématiquement insultés ("poujadiste" est le terme qu'on colle désormais sur ceux qui ont l'outrecuidance de dénoncer les dérives du pouvoir en place - avant, on disait "facho", mais on peut difficilement traiter de facho des gens qui reprochent le fonctionnement particratique d'une commune, c'est beaucoup plus simple de qualifier de poujadiste tout ceux qui n'applaudissent pas le pouvoir en place) ou ont fait l'objet d'une cour intense et personnelle de la part des élus, si pitoyable, d'ailleurs, qu'on se dit que ces élus doivent avoir perdu toute estime d'eux-mêmes le jour où ils ont accepté leur premier mandat politique (cette coura avait pour objectif non pas d'expliquer en quoi l'attitude du conseil était justifiable mais de tenter d'amadouer les fortes têtes afin d'en faire des "amis", c'est-à-dire, selon la tradition politique belge, des muets aveugles et endormis, qui trouvent que la gestion de la cité est une affaire à laisser aux mains des professionnels de la politique tandis que tous les autres regardent Match 1 et font la fête quand le Standard gagne).

Malgré tous ces bâtons déplorables, la roue a bel et bien tourné dans le bon sens !

Il aura fallu des mois et des mois de travail à une équipe bénévole pour que la voix de la rue monte jusqu'aux étages de la Violette.

On ne peut que féliciter l'équipe de Liège 2015 au grand complet, remercier tous ceux qui les ont soutenus, saluer l'énergie qu'ils ont mobilisée, applaudir les idées simples et pas chères qu'ils ont eues (une remorque derrière une voiture bleue, un film sur youtube, des soirées festives...).

Et, tandis que la balle arrive en fin dans le camp de la ville (qui va devoir, pour la première fois dans l'histoire du pays, organiser une consultation populaire), il est temps de proposer des pistes pour ce que devrait ou pourrait être une version de la Cité Ardente en capitale culturelle.

A chacun de retrousser ses manches, d'aiguiser son clavier et de faire chauffer les stylos...

27/05/2008

Liège 2015: l'aiguille qui fait vaciller la meule de foin

548240891.pngA Liège, si l'on en croit le bourgmestre et son équipe de rigolos dépressifs qui gèrent la ville, tout va toujours pour le mieux. Même quand la catastrophe est imminente et que l'on court dans la mauvaise direction...

Les bonnes nouvelles viennent de tomber du Feder, annonce-t-on à grands renforts de communication. Puisque l'argent va pleuvoir dans les prochaines années sur la Cité Ardente et ses environs, pourquoi de tristes sires viennent-ils réclamer plus encore ? Ne peuvent-ils se contenter de ce qu'on leur offre ? De beaux murs pour les musées, une belle gare et bientôt, de belles rues pour accueillir les voyageurs... Et puis, le Standard est champion...

Que réclament-ils, au fond, ces sinistres enthousiastes ?

Un projet pour la ville ? Une proposition concrète derrière laquelle les énergies pourraient se rassembler ? Mais pourquoi donc ? On peut tenir dix ans sur une victoire en championnat de foot, vingt ans sur le fantasme d'une gare qui drainerait les touristes et les investissements par miracle, trente ans au moins sur l'inertie collective qu'on ravive deux fois par an dans les beuveries interminables du village de Noël et du village gaulois...

Passe par Liège, on fait si bien la fête qu'on ne fait plus que ça...

Au point de s'asseoir largement des deux fesses sur tout projet citoyen qui n'est pas directement issu du microcosme politique (j'utilise expressément ce mot, car je viens de le lire sous la plume de Marie Liégeois dans La Gazette de Liège : « Le microcosme liégeois s'agite, depuis début mai, autour d'un débat de fond bouillonnant : Liège va-t-elle/peut-elle/ose-t-elle présenter sa candidature au titre de capitale européenne de la culture pour 2015 ? », il s'oppose dans mon esprit au terme « métropole » que tous les partis ont galvaudé lors des dernières élections communales... Non, 7500 signataires pour une pétition ce n'est pas un microcosme, pas plus qu'une ville de 200000 habitants, qui ne rayonne guère au-delà de 60 kilomètres de rayon, ne peut être qualifiée de métropole.) Voilà le problème criant : à Liège, il n'y a plus de culture qui ne soit politique, il n'y a plus d'initiative qui ne soit récupérée. Cela semble agréer tout le monde quand on trouve du soutien : il y a toujours bien un baron ou l'autre pour apposer son logo sur les affiches et les invitations de n'importe quel spectacle de quartier ou exposition suivie d'un souper interculturel. Mais quand il s'agit de fédérer, de rassembler, d'unir les forces autout d'autre chose qu'une beuverie, les portes se referment, les volets restent clos. L'exemple de « Liège ville des mots », projet pourtant piloté par des piliers ombragés du PS liégeois et soutenu par la Ministre PS de la Culture, qui ne bénéficiait du relais de personne dans la Cité Ardente (et certainement pas de l'échevin de la culture, qui a collé environ 600 fois plus d'affiche pour sa propre campagne électorale que pour la promotion de tous les projets culturels depuis son entrée en fonction) en est un exemple criant (cette phrase est un peu longue, vous vous souvenez encore du début, vous ?)

Demeyer soutient le basket, Firket le pied, le cheval et le vélo, Hupkens soutient les autres lors du vote et tout le monde fait comme si ces miettes de festivités composaient un projet de ville... Quelle honte !

Et lorsque un projet émane des citoyens, soit on le récupère, on le rabote, on le sabote, soit on l'ignore complètement, pire, on le détruit avec soin. C'est ce qui vient d'arriver à l'initiative Liège 2015, torpillée verbalement par le brillant Willy, qui a dû faire bosser tout son cabinet deux jours entiers pour trouver autant d'argument en faveur de la soumission à Mons... Liège est déjà, de fait, la capitale culturelle de la Wallonie, proclame-t-il fièrement. On se demande bien aux yeux de qui...

C'est surtout la capitale du renouveau du PS : de peur de faire des conneries, on ne fait plus rien ; de peur de déplaire à une partie de la population, on ne prend plus position ; de peur de déplaire à l'Empereur, on ne soutient plus que les initiatives venues d'en haut et l'on discrédite les projets venus d'en bas.

Il y a quelques semaines, je proposais de juger l'équipe en place suivant sa réaction face à la pétition Liège 2015 : le verdict est tombé. Puisque cette équipe n'en veut pas, il faudra donc changer d'équipe. Prendre des gens qui défendent Liège et ses artistes, pas ceux qui les bâillonnent et cherchent à les tourner en ridicule.

Le Collège de Liège, c'est comme un gros tas de foin. Vous l'arrosez un peu, ça devient du fumier. Vous lui tendez un bon cigare et tout s'envole en fumée. Si vous n'y touchez pas, c'est juste bon à donner comme fourrage aux bestiaux.

Dans la meule de foin, la seule chose qui m'intéresse, c'est l'aiguille, celle qui vient piquer les fesses, instiller l'énergie, aiguillonner les esprits. Elle était là hier soir, au conseil communal, elle reviendra bientôt, toujours plus fine et plus pointue. Elle finira par crever les baudruches politiques qui se sont gonflées d'orgueil lors des dernières élections. Je l'espère de tout mon cœur....

Et pour signer la pétition, il n'est jamais trop tard : http://petitions.agora.eu.org/liege2015/index.html 

11:31 Publié dans Liège | Lien permanent | Commentaires (14) | Tags : liège, demeyer, ps, cdh, europe, culture, 2015 | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer

02/10/2007

Le MENSUEL rit de tout et du reste

1427382e99216e2cf492665d20af7a4b.jpgCa faisait deux ans qu'on attendait ça! "L'hebdo du lundi", le spectacle qui tournait tout en ridicule (l'actualité, les politiques, la culture) chaque lundi refait surface après deux années d'hibernation. La formule est rénovée. Au lieu d'une seule représentation par semaine, il y en a désormais 5... mais chaque mois pendant toute la saison: à Liège, Bruxelles, Huy et Chênée.

Le reste du magazine théâtral n'a pas vraiment changé, on retrouve les séquences actu, météo, no TV tonight, en direct du Cirque Royal, la limousine, la Belgitude, la baignoire, le timbre royal et quelques surprises détonnante, que vous découvrirez vous-même. Et une galerie de personnages méconnus: Elio di Rupo, Yves Leterme, Anne-Marie Lizin, Joëlle Milquet, Fadila Laanan pour ne citer que les personnalités artistiques. 

Et puis il y a aussi "Panique au Forem", une farce dramatique en 7 épisodes, dont on retrouvera une nouvelle tranche chaque mois. Et cette partie-là, c'est moi qui l'ai écrite. Et je me suis bien amusé.

Attention, à Liège et Huy, on joue presque à bureaux fermés, il n'y a déjà plus que quelques places pour novembre (octobre, c'est loupé, désolé): le meilleur moyen de ne rater aucun numéro, c'est de courir au Jacques Franck à Bruxelles, la première c'est lundi 8 octobre et on me dit qu'il y a encore moyen de réserver. Vite!

Pour vous mettre l'eau à la bouche, le Mensuel a son blog. Allez-y mettre quelques commentaires, ça fait toujours plaisir. Et si vous avez vu le spectacle, venez un peu raconter ce que vous avez pensé de Panique au Forem. Je me réjouis de vous lire.

12/06/2007

Un peu honte de ce qu'on lit en ligne

Il y a des jours où je ne me sens pas vraiment en phase avec le monde qui m'entoure. J'étais face à mon ordinateur, ce matin, occupé à chercher les résultats détaillés des élections législatives, lorsque j'ai eu le regard attiré par ceci :

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J'ai depuis lors bien du mal à déterminer ce qui me trouble: certainement pas l'association des mots "culture " et "toilettes" (on peut visiter mon site pour vérifier que je suis un ardent défenseur de la lecture dans les lieux d'aisance), encore moins de la DH et du trône. Mais tout de même, classer les angoisses d'une nantie décervelée dans la rubrique "Culture", ça fait très mal. Je me fous pas mal de Paris Hilton. Je me fous assez bien de la définition exacte du mot "culture" ou de son champ d'application, d'ailleurs. Tout ce dont je suis sûr, c'est que les non-aventures de la blonde héritière n'en font pas partie.

13:42 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : paris, hilton, prison, culture, toilettes, connerie, DH | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer

29/01/2007

« Nettoyage à sec », un choix malheureux ?

Il paraît qu’une polémique a été déclenchée dans les écoles ces dernières semaines par les textes littéraires proposés aux enseignants par la Communauté française pour un test de lecture. On dit que l’un d’eux est trop violent (celui destiné aux cinquième primaires, écrit par Bernard Friot) et que l’autre utilise un langage cru (alors qu’il est destiné aux élèves de deuxième secondaire). Il se fait que je suis l’auteur du second et que je m’étonne sincèrement de voir de pareilles remarques émaner d’enseignants de français. Oui, mon texte fait appel à différents niveaux de langue : d’un côté, deux malfrats racontent leur hold-up qui tourne mal, de l’autre on évoque les scènes de l’enfance d’un petit vieux et les raisons pour lesquelles il tient tant à son ours en peluche. Oui, les gangsters utilisent un registre familier, tutoient leur otage malgré son grand âge, l’appellent « Papy » au lieu de lui donner du « Monsieur » et préfèrent évoquer Lucky Luke dans leurs comparaisons plutôt que les héros de la mythologie grecque. Et alors ? C’est peut-être précisément pour cette raison que ce texte a séduit les autorités de la Communauté : parce qu’il mobilise chez le lecteur des compétences de compréhension plus larges que celles qu’on trouve dans un texte qui n’aurait choqué personne (ah ! les vertus de Pagnol et Duhamel ! ah ! le bon vieux français qu’on causait avant-guerre, les bonnes vieilles histoires de garnements en culottes courtes qui chapardent dans les vergers ! Comme tout cela est rassurant !) et qui n’aurait, sans doute, testé que les compétences de l’élève à régurgiter des connaissances littéraires fort peu adaptées au monde dans lequel il vit. C’est vrai que j’ai été étonné moi-même du choix des inspecteurs : la nouvelle « Nettoyage à sec » a été imaginée pour un public adulte, je l’avais écrite à destination de l’émission de polar diffusée sur La Première en radio vers 23h le dimanche. Une heure où les bambins de 14 ans chattent sur MSN, regardent les émission érotico-ringardes d’AB3 ou dégomment des aliens sur leur PSP, c’est vrai. Mais j’en ai été ravi : voilà que l’école, et en particulier le cours de français, peut enfin parler du monde dans lequel nous vivons, sans se réfugier dans celui dans lequel les frère Grimm, Chrestien de Troyes ou Victor Hugo ont vécu, et dont ils rapportaient, ne l’oublions pas, eux aussi, la violence et la fureur. Toutes les époques sont violentes. L’homme est un loup pour l’homme, on l’écrivait déjà en latin, bien avant que le français ne soit une langue. Bine avant qu’il ne soit l’objet d’un cours et encore moins d’un test d’évaluation. La langue est un outil formidable et une arme redoutable. Apprendre aux enfants à bien l’utiliser, c’est les rendre capables, aussi, de désamorcer la violence avec des mots, de tempérer leur discours, de construire la compréhension mutuelle. Mais pour y arriver, il faut les confronter à la vraie langue : un objet multiple, riche, qui se  partage, se tiraille et se déchire. Il faut leur donner à lire la langue dans toute son amplitude. Sans pudeur. Sans cocon protecteur. « Nettoyage à sec » est une histoire d’aujourd’hui, avec des mots d’aujourd’hui (seule réserve à mes yeux, on y parle encore de « francs » car le texte a été écrit au siècle dernier), je suis content qu’elle soit lue par des jeunes d’aujourd’hui. Si elle paraît crue au lecteur ou à la lectrice, c’est qu’il n’est pas allé au bout de sa lecture. Car cette histoire attendrit. Elle émeut. Je ne vous explique pas pourquoi, car on n’explique pas les textes, on les lit, on les écoute. On les vit. Du moins, c’est ce que je crois et c’est ce que je professe. Alors quand j’entends Madame la Ministre-Présidente juger qu’il s’agit là d’un « choix malheureux », j’ai très envie de lui poser quelques questions :

  1. Madame la Ministre-Présidente, avez-vous lu ce texte avant de vous prononcer ? Je ne le pense pas. C’est pourquoi je tiens à votre disposition un exemplaire et, si vous n’avez pas envie de le lire, je peux vous procurer la version audio, très bien enregistrée par la RTBF (dont votre gouvernement a la tutelle, ce sera l’occasion de féliciter d’excellents collaborateurs) et qui ne dure pas plus de quinze minutes ;
  2. Madame la Ministre-Présidente, je vous pose ensuite la question qui me brûle la langue : quel autre texte auriez-vous choisi en lieu et place de celui-là, dont personne n’aurait pu contester le choix et qui permettrait de juger de la compétence des élèves ? Pensez-vous vraiment qu’un bon texte de fiction puisse plaire à tous sans prêter à aucun moment le flanc à la critique, surtout parcellaire ?
  3. Enfin, Madame la Ministre-Présidente, vous qui parlez de contrat pour l’école, d’école de la réussite, qui visez à donner à chacun sa chance à travers l’enseignement, pourquoi redoutez-vous un texte qui se passe ici et maintenant, à Bruxelles, dans un « pressing » durant les fêtes de fin d’année ? Pensez-vous que l’école pour tous doive n’évoquer que des textes lisses et formatés, qui ne parlent pas du monde, complexe et protéiforme, dans lequel nous sommes plongés ?
Sachez en tout cas que votre administration n’a pas fait ces choix. Une belle leçon de français eût été de rappeler à tous (et notamment aux journalistes et aux enseignants) que la fiction n’aime pas la censure, que le cours de français n’est pas le cours de morale. Qu’on peut s’amuser à imaginer des pots de fleurs qui tombent sur la tête du prof. Qu’on peut jouer à se faire peur. Parce que tout ça, c’est de la fiction. Votre jugement, par contre (« un choix malheureux », avez-vous dit, je le rappelle), ne relève pas de la fiction. C’est dans ce monde-ci que vous l’avez prononcé. J’espère que c’était en connaissance de cause et après lecture des textes incriminés. Sinon, je suis au regret de vous l’annoncer, vous avez lamentablement échoué dans le test. Car la règle est claire pour tous : il faut d’abord lire les textes avant de répondre aux questions. Ça, au moins, il ne se trouvera pas un prof pour le contester !

11:40 Publié dans Presse | Lien permanent | Commentaires (11) | Tags : littéreature, enseignement, fiction, culture, ministre, Arena | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook | |  Imprimer