02/04/2011
Vases communicants : bienvenue à Arnaud Maïsetti
Demain, dis-tu — il fera jour
Demain, il fera jour
Au moins, le sais-tu : il fera lentement
Tu ajoutes — plus lentement encore
Jour. Il fera même
Sur nous qui passons
De la pluie sur le jour :
Peu importe — qu’il pleuve : le jour percera, se laissera voir : on ne verra
Que lui
Et puis
Jour sur jour : la vie se laissera recouvrir sans rien dire
Par le jour.
Non pas —
Non, pas du tout
Je dis, je refuse :
Car nos silhouettes élancées loin à présent
Je les vois déjà.
Et nos mains qui se serrent, je les vois, aussi.
Je vois d’ici où je suis, ce qu’elles deviendront : et je refuse ;
Elles seules sauront résister : resteront ici et maintenant.
Je le vois, le sais ;
Il faudrait qu’un les rattrape demain ; qu’un vienne et les rattrape
Mais si loin qu’on est, déjà, demain quand tous
Aujourd’hui meurent maintenant —
Nous qui demeurons —
Demeurerons à jamais
Oui.
Demain tu le sais, ce n’est pas de temps qu’il nous faut ;
Ce n’est pas de temps en temps ignorer ce qu’il faut, je dis :
Au jour mort qui suit immédiatement celui où l’on est
À présent meurt où l’on est ; qui le sait ?
Ta silhouette élancée sur le devant des cours,
La mienne qui rejoint
Des quais à peine mouillés au bruit des fontaines d’août — dans la question :
Qui sait si nous serons demain ?
Qui sait demain si nous serons à présent toi,
Et qui sait, toi, dans la morsure des corps qui se cherchent
Tant que le noir les trouve
Tant le noir pourrait trouver une épaule une bouche où s’épandre
Dans l’ombre d’un doute :
On dit qu’à ciel ouvert la nuit parait plus longue —
Qu’une robe froissée sur le lit si défait du fleuve
Y pourrait flotter peut-être — jusqu’à demain,
Une robe froissée aux fatigues de se donner : que j’ai refusée, mais pourquoi —
Si demain il fera jour,
Oh comme tu es loin ;
Demain il fera et
Je ne le désire pas ;
Le présent où je suis compte seul ;
Où je suis, ce que nous sommes :
Car demain n’est pas sûr :
Car demain n’est jamais sûr où tu es :
Demain deviendra quelque chose comme de l’aujourd’hui mal désiré mal éprouvé ;
Non, Plus de lendemain, Braise de satin, Votre ardeur
Est le devoir !
Et votre jour ce jour qu’en ce lieu j’ai dit
Au devoir de poussière
Mordu jusqu’à ne plus sentir qu’à mordre hier qui de vous ou de moi j’ai
La chair d’un jour sans lendemain mort né d’avoir été
Perdu
Comme un corps épuisé laissé sur ce lit ouvert, comme demain
Des paumes froissées en demandant : viens ; et de l’avoir dit
Comme on demande au lendemain de s’abattre —
Qu’on en finisse —
Qu’on me donne à boire, et : des baisers de sa bouche
Pour ajouter, demander :
Demain qu'aura-t-il de moins rude ? As-tu ce terme dans ta main ?
Et vois-tu quelque certitude D'arriver jusqu'à ce demain ?
Non — quelqu’un pose sa main sur la porte sans frapper.
Je n’ouvre pas.
J’attends.
Demain viendra peut-être.
Je serai toujours là.
Il me trouvera en même place, aujourd’hui.
Et de l’autre côté de la porte
Le bruit frôlé de la main
Restera seul hors ce qui comptait sur tout, ô le désir et son refus absolu d’y céder
Pour toujours.
Alors : de la main, tout le désir d’entrer là
Demeure quand moi, je reste l’instant dans l’instant planté :
Ta silhouette élancée en mémoire de moi
Tournera lentement la clé du jour rompu
Je ne dormirai pas.
Je veillerai ce jourd’hui jusqu’à plus soif.
Demain dis tu, il aurait fait jour. Il aurait pu faire jour si je ne m’étais pas autant entêté.
Quel orgueil.
Aujourd’hui je demeure et quand tout sera parti avec toi.
Quel jour de quelle heure me faudra-t-il tuer ?
Le temps de quelle minute pour pouvoir habiter
Demain qui s’efface déjà —
Texte d'Arnaud Maïsetti, hébergé dans la cadre de l'opération Vases Communicants, qui propose aux blogueurs littéraires d'échanger un texte entre blogs le premier vendredi du mois.
Cherchez donc #VasesCommunicants sur Twitter pour trouver d'autres textes.
Puis visitez les carnets d'Arnaud pour lire bien d'autres textes !
Et si vous êtes paresseux, voici la liste des blogs qui ont pris part à l'opération Vases Communicants en ce 1er avril :
Sandra Hinège http://ruelles.wordpress.com/ et Pierre Ménard http://www.liminaire.fr/
Anita Navarrete-Berbel http://sauvageana.blogspot.com/ et Christophe Sanchez http://www.fut-il.net/
Guillaume Vissac http://www.fuirestunepulsion.net et Laurent Margantin http://www.oeuvresouvertes.net/
Joachim Séné http://www.joachimsene.fr/txt/ et Marc Pautrel http://blog.marcpautrel.com/
Dominique Hasselmann http://dh68.wordpress.com/ et François Bon http://www.tierslivre.net
Michel Brosseau http://www.àchatperché.net/ et Stéphane Bataillon http://www.stephanebataillon.com/
Brigitte Célérier http://brigetoun.blogspot.com et Benoît Vincent http://www.erohee.net/ail/chantier/
Franck Queyraud http://flaneriequotidienne.wordpress.com et Samuel Dixneuf-Mocozet http://samdixneuf.wordpress.com/
Anne Savelli http://www.fenetresopenspace.blogsp... et Piero Cohen-Hadria http://www.pendantleweekend.net/
Christine Jeanney http://tentatives.eklablog.fr/ et Maryse Hache http://semenoir.typepad.fr/
Claire Dutrait http://www.urbain-trop-urbain.fr/ et Jacques Bon http://cafcom.free.fr/
Cécile Portier http://petiteracine.over-blog.com/ et Bertrand Redonnet http://lexildesmots.hautetfort.com/
Isabelle Pariente-Butterlin http://yzabel2046.blogspot.com/ et Jean Prod’hom http://www.lesmarges.net/
Christopher Selac http://christopherselac.livreaucentre.fr et Franck Thomas http://www.frth.fr/
Morgan Riet http://cheminsbattus.wordpress.com/ et Vincent Motard-Avargues http://jedelego.free.fr/
Marlène Tissot http://monnuage.free.fr/ et Murièle Modély http://l-oeil-bande.blogspot.com
09:55 Publié dans À lire en ligne, Ecriture, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vases communicants, arnaud maisetti, échange, littérature, poésie | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
01/04/2011
(Rond comme un ballon)
Il n’y a rien qui ressemble plus
À un joueur de foute
Qu’un joueur de foute
Rien qui ressemble plus à un gardien
Qu’un autre gardien ou un autre gardien
Ou un joueur de foute
Et la rumeur du stade derrière les commentaires
Est toujours identique
Quelles que soient les couleurs
Quels que soient les drapeaux
Exactement comme un poème
En noir sur la page si blanche
Ressemble à tous les autres poèmes
Et le silence est toujours le même
Entre les mots
Le froissement de la page qu’on tourne
La salive qu’on avale et la respiration
Il n’y a pas de clameur
Il n’y a pas de foule
Qui hurle pour les poètes
Et les commentateurs se taisent
Quand se tourne la page
On est toujours seul à écouter les mots
Comme le gamin perdu avec son beau ballon
Qui n’a plus qu’un copain pour jouer avec lui
C’est le mur de l’usine
11:00 Publié dans À lire en ligne, Ecriture, Poésie | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : foot, poésie, écriture, littérature, nicolas ancion | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
14/03/2011
Auteurs, lecteurs, éditeurs et bibliothécaires sans DRM
Non, les DRM (ces restrictions de droits, sous forme de verrous sur les fichiers numériques, qui vous empêchent de copier un livre numérique de votre PC à votre liseuse, ou de le donner à un ami après lecture, par exemple) ne sont pas une nécessité.
Non, copier un fichier pour le donner à lire à un lecteur intéressé n'est pas un acte de piraterie.
Le livre numérique peut circuler sans DRM, il doit même le faire s'il veut vivre longtemps.
Afin de vous faire entendre, diffusez ce symbole anti-DRM, dans vos ePub, sur vos sites et vos blogs.
Affichez le logo et montrez votre opposition à ces systèmes de protection qui entravent le bon usage d’un ebook, gâchant l’expérience de lecture et font du lecteur contagieux un pirate.
Vous êtes lecteur, éditeur, bibliothécaire ?
Vous trouverez sur le site eBouquin les différents logos téléchargeables qui vous correspondent !
15:58 Publié dans Ecriture, Trucs en ligne que j'aime | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : édition numérique, lecture, écriture, édition, drm, liberté | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
13/03/2011
Les ours n'ont pas problème de parking - résumé
C'est une des requêtes que je préfère, parmi celles que j'observe dans les statistiques de ce blog :
Les ours n'ont pas problème de parking - résumé
Existe-t-il une demande plus spécifique et plus transparente ?
J'imagine l'élève stressé, la veille du jour de l'interro, qui cherche à se débarrasser au plus vite de son devoir. Plutôt que lire les neuf histoires qui composent le recueil de nouvelles, il cherche si le web ne propose pas une solution clef sur porte.
Eh bien, non.
On ne trouve pas de résumé en ligne de ce recueil de nouvelles pour la raison toute simple qu'un recueil ne se résume pas. Ce n'est pas un roman. Il faudrait neuf résumés. Et résumer des nouvelles prend bien plus de temps que les lire, tout simplement.
Mais il se peut que l'élève stressé ait tout simplement oublié d'acheter le recueil (pourtant disponible dans toutes les librairies grâce à la version de poche publiée par Pocket), voilà qu'Internet peut désormais lui venir en aide !
"Les ours n'ont pas de problème de parking" sont désormais disponibles en ligne sur publie.net au prix de 3,49 EUR. On peut les lire instantanément sur son ordinateur, son téléphone intelligent (bon, ok, on dit Smartphone mais le sens est le même), sur son iPad ou sa liseuse, qui sait.
Et dans tous les cas, le texte est le même... Bonne lecture à toutes et tous !
22:43 Publié dans Livres en cours, Trucs en ligne que j'aime | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : les ours n'ont pas de problème de parking, publienet, nicolas ancion, ebook, livre numérique, nouvelles | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
12/03/2011
Thierry Crouzet - L'édition interdite
J'ai eu le plaisir de faire partie des tous premiers lecteurs de L'édition interdite de Thierry Crouzet (publiée par Numeriklivres). Thierry y développe de nombreuses idées au sujet de l'édition numérique et des changements de paradigme qu'elle entraîne.
Thierry Crouzet est enthousiaste de nature, ce qui est mon cas également, et je partage donc son point de vue optimiste sur bien des points ; en revanche, je ne le suis pas toujours dans certains raisonnements ultimes, que je trouve parfois trop absolus ou idéalistes.
Il les contredit lui-même à plusieurs reprises et ce n'est pas grave, car il a pris soin de mettre en exergue une belle citation de Walt Whitman pour rappeler que la contradiction fait partie intégrante de l'univers de tout auteur.
En outre, les commentaires des premiers lecteurs sont intégrés dans le texte lui-même, sous chacun des paragraphes numérotés, et ouvrent ainsi une discussion à plusieurs voix, où le lecteur peut choisir son camp (mieux encore, trouver un nouveau point de vue plus intéressant).
Comme un exemple vaut mieux qu'un long discours, voici trois extraits du texte, avec les commentaires qui les suivent :
32 20
En devenant capables de s’autopublier à coût nul,
les auteurs gagnent leur liberté. L’autopublication
électronique nous ramène au jardin d’Éden, quand
les auteurs n’avaient pas encore croqué la pomme
qui allait les ranger en deux catégories, ceux promus
aux Paradis et ceux condamnés aux Enfers.
20 [Ancion] Tout d’un coup, je me demande ce que tu entends par auteur.
Tous les adultes des pays développés qui ont achevé la scolarité obligatoire
(c’est-à-dire un peu plus de 80 % de la population) sont capables d’écrire,
d’exprimer des idées, de raconter des histoires, de noter des souvenirs. 80 %
de la population est-elle composée d’auteurs ? Je ne le pense pas du tout.
Un auteur n’est pas simplement quelqu’un qui écrit, pas plus qu’un architecte
n’est « un type qui dessine des maisons sur du papier ». Je ne pense pas
que la question trouve une réponse simple, je déteste en particulier la distinction
imposée par Barthes entre « écrivant » et « écrivain », et pourtant je
pense qu’il y à là une problématique fondamentale, en particulier en ces
temps de grand chambardement où tout le monde peut publier, commenter,
encenser… Ça mériterait en soi un essai, ce sujet-là. [Crouzet] Plus tard, je
dis que les lecteurs décident, c’est eux qui font les auteurs.
122 67
Quand un auteur s’autopublie, c’est souvent après
avoir essuyé le refus des éditeurs. Il est vexé, remonté
contre le système. Il peut finir par être enragé et
c’est ainsi qu’il rejoint la guérilla contre les structures
de domination.
67 [Ancion] Je ne suis pas d’accord avec ce point de vue. Je publie chez des
éditeurs depuis 1995 et je publie en ligne depuis 1998, j’étais dans le numérique
avant les éditeurs d’aujourd’hui (je fus même éditeur numérique pendant
trois ans, il y a 11 ans de cela), je n’ai jamais considéré l’édition numérique
comme une option qui s’ouvrait après le refus des éditeurs, c’est exactement
l’inverse. J’ai publié avec succès chez des éditeurs des textes déjà
disponibles gratuitement en ligne et personne n’a rien trouvé à y redire.
[Crouzet] Ton exemple ne contredit pas ce que je dis. Quelques auteurs sont
dans ton cas, la majorité des autres non. La plupart ne seront jamais édités
en ligne ou hors-ligne. Et ils en éprouveront un vif ressenti contre les structures
éditoriales.
132 69
J’éprouve plus de satisfaction quand je signe un
contrat avec un éditeur capitaliste qu’un éditeur réticulaire.
Le capitaliste me fait un chèque. Il m’offre
quelque chose qui est rare dans la société : l’argent.
Le réticulaire m’offre son temps, c’est-à-dire sa vie. Je
devrais lui accorder une valeur inestimable. Souvent
je n’y arrive pas. Je suis encore engluée dans l’ancien
paradigme que je réprouve.
69 [Ancion] C’est parce que tu n’as pas admis qu’un écrivain doit aussi être
autonome et chercher aussi sa réussite économique. Si tu admettais cela, tu
comprendrais pourquoi l’édition réticulaire n’est pas aussi gratifiante. Il lui
manque un pan commercial que tu refuses d’accepter, mais dont tu as besoin
pour vivre. Rien ne sert d’entretenir la douce illusion qu’on peut vivre
sans revenu… C’est le mythe que les éditosaures préfèrent : il leur permet de
ne pas rétribuer les auteurs, puisque ceux-ci n’oeuvrent que pour la gloire et
le bonheur d’écrire… [Crouzet] Si je vends un livre à un million d’exemplaires,
j’en serais heureux. L’argent n’est pas du tout sale pour moi, ni méprisable.
Au contraire, j’aime le luxe. Je ne néglige pas le pan commercial, je ne
veux pas qu’il soit prioritaire. C’est différent. D’ailleurs, il ne pourra jamais
être prioritaire que pour une minorité d’auteurs et cette minorité, à elle
seule, ne produira aucun glissement éthique. De plus, un éditeur réticulaire
peut au final me faire gagner autant d’argent qu’un éditeur capitaliste. Je ne
vois pas pourquoi à l’avenir l’ancien modèle resterait le plus profitable. C’est
juste qu’aujourd’hui la perspective d’une avance sur recette me donne l’illusion
d’un engagement plus fort, ce qui n’est pas nécessairement le cas. J’aimerais
me défaire de ce sentiment… pas de l’idée de gagner de l’argent.
Voilà trois extraits, lisez le reste du texte, vous y trouverez nombre d'idées stimulantes, j'en suis certain.
Ces idées m'ont d'ailleurs si bien stimulé que je prépare pour très vite un nouveau billet sur ce que devient, à mes yeux, le rôle d'un auteur à l'ère de l'édition numérique.
Encore un peu de patience...
21:54 Publié dans Notes de lecture, Trucs en ligne que j'aime | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : édition numérique, thierry crouzet, numeriklivres, édition interdite, ebook | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
Interview sur le livre numérique
J'ai répondu aux questions d'une étudiante de fin de secondaire au sujet du livre numérique.
Comme le texte était encodé, je me suis dit que ce serait une bonne idée de le partager.
C'est ce que je fais ici :-)
Et je remercie Marie Bragard pour ses questions. Bonne chance à elle pour son travail !
1- Pensez-vous que le rôle des auteurs va devoir évoluer dans l'avenir ?
Je pense que le rôle d’un auteur, de manière générale, est toujours d’évoluer et de réinventer leur travail. Les auteurs ne sont pas là pour répéter des formules toutes faites et des recettes connues. Les oeuvres qui me plaisent le plus, celles qui me marquent, comme lecteur, sont toujours celles qui innovent, qui trouvent une nouvelle façon de raconter, en littérature, en cinéma, en bande dessinée comme en théâtre.
L’arrivée du numérique offre une opportunité exceptionnelle : les recettes ne sont pas encore fixées, figées, il faut les créer en même temps que les oeuvres. Cela faisait longtemps que la littérature n’avait plus eu une telle opportunité de vraiment tout remettre à plat. A mes yeux, la dernière grande brassée de ce genre, c’est l’effervescence de la bande dessinée dans les années 1990, quand des auteurs ont tourné le dos à l’édition industrielle pour réinventer leur façon de faire de la littérature en images.
2- Pensez-vous que le livre numérique soit une réelle menace pour le livre papier? Tend-il à le remplacer ou au contraire sont-ils complémentaires?
Le numérique est déjà bien en place et il a tué le livre papier dans certains secteurs, où le papier était plutôt un handicap, par exemple pour les modes d’emploi de logiciels (on ne les reçoit plus que sur fichier, téléchargeable ou sur CD-Rom) ou la presse d’information rapide (presse quotidienne mais surtout information sur l’actualité à chaud), et même pour l’édition scientifique et universitaire, où les lecteurs sont parfois nombreux mais répandus à travers le globe.
Le livre papier subsistera mais dans des niches, tant que le public sera prêt à acheter ce genre de support et que les éditeurs seront assez passionnés pour y consacrer leur énergie. Je vois bien la bande dessinée indépendante et la littérature pointue poursuivre la vente en librairie, pour un public restreint. Sans doute l’édition industrielle parviendra-t-elle encore à vendre des livres pour les vacances aux petits lecteurs. Mais les gros lecteurs passeront rapidement au numérique. Il ne faudra même pas une génération pour que la transition s’accomplisse.
3- En tant qu'auteur, comment vous placez-vous par rapport au numérique? Est-ce un avantage pour vous? Quels changements va-t'il opérer?
Je suis un optimiste et un aventurier. Ce sont deux bonnes raisons de me réjouir de l’arrivée du numérique. J’aime ce qui est nouveau et qui stimule l’imagination. Le numérique permet tout cela.
Les possibilités sont infinies et l’investissement nul.
Les auteurs fournissent déjà des textes numérisés aux éditeurs, ils peuvent les transmettre aux lecteurs sans que cela ne leur demande un vrai effort supplémentaire. En théorie, du moins; en pratique, le travail ne fait alors que commencer car qui dit nouveaux supports dit nouvelles lectures et nouvelles habitudes. Les auteurs peuvent être aventuriers si les lecteurs le sont aussi.
Cependant, je ne connais pas le futur et je serais bien présomptueux de prédire quels changements le numérique va opérer, si ce n’est la transformation complète de la chaîne du livre industriel que nous avons vue se mettre en place au cours du siècle dernier à l’échelle mondiale : auteur > éditeur > metteur en page > imprimeur > distributeur > diffuseur > libraire (> presse, radio et télé).
Dans le nouvel environnement numérique, chaque lecteur est libraire et diffuseur (il recommande le livre, il le propulse), chaque auteur est éditeur et diffuseur. Les imprimeurs et distributeurs disparaissent.
4- Possédez-vous une tablette numérique? Préférez-vous lire sur ce genre de support? Pourquoi?
Je n’ai pas de tablette numérique. J’ai eu un pocket PC ily a dix ans de cela, j’étais trop tôt, ça m’a refroidi face à ce genre d’investissement. Je fais tout de mon PC portable.
J’aime bien les liseuses à encore électronique, en noir et blanc, parce que j’y retrouve le confort de lecture et l’économie d’énergie que j’aime dans les livres papier.
5- Pourquoi avez-vous choisi d'éditer sur support numérique? Le pourcentage par livre que vous recevez est-il différent? Quelle technique d'édition préférez-vous? Pourquoi ?
Je pense avoir expliqué plus haut les raisons qui m’ont poussé à explorer l’écriture numérique. Du côté de l’édition, il s’agit toujours pour moi de poursuivre une idée jusqu’au bout, de profiter d’une opportunité, de tenter une nouvelle expérience. C’est ainsi que j’ai publié deux romans feuilletons en ligne il y a dix ans, que j’ai publié l’an dernier un récit sur téléphone portable, que j’ai écrit un roman en direct en 24h chrono sur le web, que je publie régulièrement des nouvelles sur des sites et que je sors dans quelques jours un recueil de nouvelles chez publie.net.
Le pourcentage que je reçois d'un éditeur à l'autre est bien différent. En papier, jé reçois en général :
- 10 % du prix de vente pour les romans et les nouvelles ;
- 8 ou 6 % pour la littérature jeunesse ;
- 0 % sur la poésie ;
- des clopinettes pour la publication dans la presse quotidienne ;
- de meilleurs tarifs pour la presse hebdomadaire ou mensuelle.
En édition numérique, je touche :
- entre 25 et 50 % du prix de vente, selon les éditeurs ;
- 100 % de rien du tout quand je diffuse moi-même gratuitement mes textes.
Tous les moyens de diffusion d’un texte sont bons.
J’aime voir un de mes textes imprimés sur papier, j’adore tout autant en donner simplement lecture à voix haute et retravailler le texte en cours de lecture, à chaud, en fonction de l’émotion qui se partage avec le public. Je suis également convaincu la diffusion en ligne car elle permet d’avoir beaucoup de lecteurs en très peu de temps, sans devoir passer par la médiation de la presse et de la télé.
Être auteur, c’est écrire des textes.
Quel que soit le support, quel que soit le moyen de le partager ensuite.
Le numérique permet aujourd’hui de rencontrer de nouveaux publics. Plus vite, plus loin, autrement. Mon espoir est que cela permettra au 80% de gens qui n’ouvrent jamais un livre papier de, peut-être, rencontrer les textes autrement.
N’est-ce pas une opportunité exceptionnelle ?
04:33 Publié dans À lire en ligne, Ecriture, Livres en cours | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature numérique, édition numérique, ebook, liseuses, écrire, nicolas ancion, interview | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
10/03/2011
Autant en emporte (si t'as plus de douze ans)
C’était Autant en emporte le vent
Cet après-midi là
Sur la télé slovaque
J’ai reconnu Clark Gable et Scarlett O’Hara
Un sigle en haut à droite
Interdisait le film aux moins de douze ans
Ils sont comme ça à la télé slovaque
Ils protègent leur audimat
Pour que dans douze ans ils puissent
Rediffuser les mêmes programmes
Certain que les plus jeunes ne les auront pas vus
Moi c’était la première fois que je voyais
Autant en emporte le vent en slovaque
Cet après-midi là
Je pense que je ne le reverrai pas
Dans douze ans
Et que je devais être trop jeune la dernière fois
J’aurais dû en profiter cette fois-ci
On n’est pas tous les après-midi
Devant la télé slovaque
Heureusement d’ailleurs
08:55 Publié dans À lire en ligne, Ecriture, Poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : slovaquie, poésie, autant en emporte le vent, télévision | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer
09/03/2011
Train de nuit
Le type à côté de moi a défait sa ceinture
Déballé son thermos
Bu deux tasses
Fouillé dans sa mallette
Il y a un cadenas rouillé
sur sa mallette en cuir
Elle est lourde il la traîne sur un diable
Pauvre type
Traîner le diable derrière soi
Ce n’est pas une vie
Dans sa mallette, le gilet fluorescent des cheminots, un mousqueton rouge qui dépasse, une bouteille d’eau pétillante et cette lettre qu’il sort puis déchire minutieusement.
Vous avez gagné à la loterie, dit-elle en flamand, vous avez été sélectionné pour la grande finale, vous êtes riche, vous êtes beau, vous êtes celui espérez être
Erreur
Vous êtes un autre
Vous êtes le voisin de train à la mallette
Beige en cuir cadenassé
Le cheminot à chemise bleue à cravate jaune
Vous êtes le type d'à-côté
Pas celui sur qui ça tombe mais l’autre
Celui qui y croit dur comme fer mais qui ne gagne jamais
Le type d'à-côté a délacé ses chaussures
Etendu ses jambes molles
Fermé les yeux
Il dort déjà le type d’à-côté
Et rêve à son enveloppe
Ou au monde qu’il inventerait s’il écrivait un peu
Demain il s’y mettra
Et moi aussi d’ailleurs
Demain, j’écris la fin du monde
08:48 Publié dans À lire en ligne, Poésie, Trucs en ligne que j'aime | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : train, poésie, cheminot, nuit, nicolas ancion, belgique | | del.icio.us | | Digg | Facebook | | Imprimer